Abonnés

La dépendance ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Rachel Cusk 












Cet épisode somme toute banal que la narratrice choisit de nous conter, prend une dimension romanesque, sublimée par l’art d’écrire et d’emporter son lecteur dans un monde inspiré autant des soeurs Brontë que des classiques russes.


Au fond, l’histoire résumée est simple : la narratrice accueille en résidence un artiste peintre dont l’oeuvre l’avait séduite lors d’un séjour à Paris. L’homme est âgé, fragile, mais habitué à profiter de la générosité de ses admirateurs, il ne s’embarrasse pas scrupules : il accepte l’invitation mais vient accompagner d’une jeune femme encombrante.


Pour commencer, la narratrice met à distance le récit, entré dans les annales de sa vie personnelle, en s’adressant à un interlocuteur attentif, Jeffers. Ensuite  elle introduit le récit en invoquant la présence d’une créature malfaisante qui lui aurait suggéré voire imposé les décisions qu’elle va prendre. Enfin nous découvrons le cadre dans lequel elle vit, une belle propriété, disposant d’une annexe, destinée à héberger l’artiste. 


Le récit prend des allures de confidences et nous sommes conviés à l’histoire familiale, à petites touches, mais qui a son importance dans la configuration finale de cette aventure.


Chaque personnage est évalué à l’aune des valeurs qui comptent pour la narratrice. Elle-même règne sur le récit avec de nombreuses casquettes : épouse, mère, amante potentielle, femme mûre, égérie …


J’ai beaucoup aimé cette façon de mettre en valeur une histoire finalement peu originale mais sublimée par l’art de dresser des portraits criants de vérité et de l’auréoler d’un voile émotionnel qui hésite entre le fantastique et le subjectif.


J’aime cette plume forte et dense, qui m’emporte à chaque fois. Admirons aussi l’ambiguïté du titre. 


2089 pages Gallimard 25 Août 2022







La vérité ne réside pas dans une quelconque aspiration à la réalité, mais là où le réel se déploie au-delà de l’interprétation que nous en faisons.


*


Je n’aurais su dire ce qui clochait ni expliquer ma déception et les attentes qui l’avaient suscitée - nous étions habitués fait que de telles visites prennent nombre de formes imprévisibles -, et une seule idée me venait à l’esprit : sans que je sache comment, on en revenait à la question de la gratitude, qui s’était présentée dès le début, au cours de ma première conversation avec L.




Rachel Cusk


Rachel Cusk  est une autrice britannique, née en 1967, auteur de dix romans (le premier paraît en 1993, Saving Angels), dont quatre ont été traduits en France.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article le plus récent

L'impossible retour ⭐️⭐️⭐️

Articles populaires