Amandine Prié
Au coeur d’un pays en guerre, les enfants qui vont chercher de l’eau risquent gros. Les bandes de rebelles sous emprise psychologique et chimique constituent une menace vitale. Inaya le sait, elle qui a perdu ses parents dans ce conflit sans signification par elle.
Ce matin-là, une fois de plus, ils sont attaqués sauvagement, sans aucune espèce de compassion pour leur jeune âge et leur innocence.
Au village, la décision du chef s’impose, les petites filles n’iront plus au point d’eau. Pour Inaya, la décision est aberrante, car les garçons ne sont bons qu’à jouer et incapables de rapporter suffisamment d’eau pour la communauté.
Mais voilà que des Blancs, accompagnés d’un traducteur viennent au nom de la France proposer de scolariser les enfants orphelins du village. Ils doivent avoir moins de cinq ans pour être plus accessibles à l’apprentissage d’une langue étrangère.
Après des discussions houleuses avec le chef, un accord naît : une trentaine d’enfants rejoint la base de l’organisation humanitaire.
Mais peu à peu le doute naît : et si le but n’était pas aussi charitable qu’il n’y paraît ?
Ce roman reprend la trame d’un fait divers datant de 2015, qui avait abouti à l’arrestation des responsables de ce trafic d’enfants.
Le récit est habilement mené, en se plaçant du point de vue de la fillette perspicace qu’est Inaya, qui rêve de devenir médecin. On est plongé dans le quotidien d’un village exsangue, menacé par des attaques sauvages et au bord de la famine. On comprend bien l’impact d’une proposition d’offrir un avenir meilleur à ces enfants, même si le prix à payer est la séparation temporaire exigée par leur statut de pensionnaire. Mais aussi la déconvenue et le sentiment de trahison lorsque la supercherie est dévoilée.
Hormis quelques maladresses d’écriture, le récit est convaincant et suscite des émotions diverses au gré des révélations. Un premier roman tout à fait honorable.
280 pages Les Pérégrines 25 Août 2022
C’est ainsi qu’on grandit et que l’on meurt ici : entouré de deux cents âmes prêtes à se substituer à celles et à ceux qui vous ont donné la vie, au milieu d’une famille grande comme un village posé au bord d’une piste rouge.
*
Marietou dit que les filles sont en danger, et c’est vrai. Elles sont en danger parce qu’en décidant de ne pas les laisser étudier, tu considères que leur vie a moins d’importance que celles des garçons.
*
Inaya pénètre dans la classe la tête haute, les épaules redressées, le dos droit. De son ventre à sa gorge, elle ne sent qu’un froid douloureux qui lui donne la nausée. Personne n’a expliqué aux enfants qui serait leur professeur.
Amandine Prié est vidéothécaire, en charge des collections audiovisuelles au sein d’une grande médiathèque.
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