Pierre Adrian
De retour dans la maison familiale à la pointe de la Bretagne, après de nombreuses années d’absence, il y retrouve une immuabilité, une constance des lieux et des habitudes. Pourtant, il est devenu l’oncle, tandis que des enfants se construisent, comme lui naguère, des souvenirs pour longtemps, au parfum d’enfance.
Tandis que le passé ressurgit et que la faiblesse des aînés donne au temps qui passe une notion d’urgence, s’efface cette impression d’éternité propre à l’enfance.
Cette prise de conscience décuple la valeur de ces moments partagés, quand les regrets se mêlent au bonheur fugace d’un regard d’enfant.
Cet été pourtant, s’ornera des couleurs du deuil et de l’injustice.
Ce récit intime et personnel a pourtant une dimension universelle. Cette maison pourrait être celle de nos propres vacances, il suffirait de modifier les lieux et les prénoms et chacun pourrait y retrouver ses propres souvenirs. Il souligne ainsi l’importance de ces moments de partage et d’initiation, d’apprentissage des relations humaines, dans une ambiance qui restera une référence irremplaçable pour chaque enfant devenu adulte.
Le ton juste et empreint d’une douceur qui lui confère la nostalgie . Un très beau roman, poignant et émouvant.
192 pages Gallimard 25 Août 2022
Je ne revins pas à la grande maison par hasard. On ne retourne jamais quelque part par hasard. Secrètes sans doute, j'avais mes raisons après tant d'années de revoir la grande maison au mois d'août. Il y avait le temps qui passaient et la certitude désormais que rien n'était éternel. Un jour viendrait où ce paysage tel que je l'avais laissé en existerait plus. Il appartiendrait à d'autres. Il serait abattu et reconstruit. D'autres familles se retrouveraient en été et les enfants d'autres noms joueraient sous les arbres. Grand-mère allait bientôt mourir. Grand-père était déjà mort. Les oncles et les tantes, les cousins vieillissaient.
*
Ce jour là, il portait un tee-shirt où était dessiné un élégant trois mâts. Le vieux gréement faisait pâle figure sur ce tee-shirt délavé, taché de terre et de compote. J'étais convaincu de l'avoir vu déjà vu porté par un de mes frères il y a des années. C'est le mystère de certains vêtements qui traversaient les générations. Ils réapparaissaient sur un torse d’enfant, on se demandait bien comment.
*
Vinrent le jour du départ et l'heure du dernier bain de mer. Dans le matin frais, je me forçais à descendre sur la plage afin de n'être soumis à aucun regret. J'anticipais la sensation déconcertante de retrouver Paris avec la peau tirée par le sel. C'était un luxe inestimable de dire aux autres ou à soi-même, une fois rentré en ville : ce matin encore, je me baignais dans l’océan.
Pierre Adrian est un écrivain français, né en 1991.
Il a fait des études d'Histoire et de journalisme.
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