Franck Bouysse
Tels des Robinsons échoués au milieu de leurs quelques arpents de terre, ces deux-là vivent seuls, séparés l’un de l’autre par des haies bocagères et des clôtures. Un mauvais chemin leur permet de partager occasionnellement un verre de gnole ou de vin. Aussi taiseux l’un que l’autre, l’indifférence n’est qu’apparente, surtout lorsque la traque d’un gibier amène Gus près de la ferme d’Abel, et que des cris et détonations suspectes retentissent. L’explication viendra, laissant Gus dubitatif.
D’autres menaces viennent troubler la quiétude des lieux, la visite d’évangélistes semble cacher d’autres intérêts, dans un monde qui ne parvient que par bribes au coeur de cette campagne isolée des Cévennes, et puis survient un drame lointain dont l’écho parvient jusque là : l’abbé Pierre disparait. C’est le début d’une époque troublée pour ces hommes sauvages.
On ne peut échapper à la civilisation. Ce n’est pas en se passant de téléphone et en ignorant les sollicitations intempestives des visionnaires d’autoproclamés d’une autre gestion de l’agriculture que l’on peut se protéger. Le maintien de cette autarcie ne tient qu’à un fil.
Si le monde bouge à distance, le microcosme d’Abel et Gus est aussi sur le point de se déliter, de drames en secrets révélés.
Un roman noir, âpre, dans un décor d’autant plus rude que l’hiver dénude les environs. Remarquablement dressé, le portrait de ces deux hommes nous immisce dans une vie quotidienne minimaliste et difficile. On est pris par l’ambiance et par les dissonances successives qui vont faire voler en éclat le calme apparent.
C’est captivant, à la fois pour le cadre et la narration.
240 pages La manufacture de livres 9 novembre 2014
C'était une drôle de journée, une de celles qui vous font quitter l'endroit où vous étiez assis depuis toujours sans vous demander votre avis. Si vous aviez pris le temps d'attraper une carte, puis de tracer une ligne droite entre Alès et Mende, vous seriez à coup sûr passé par ce coin paumé des Cévennes. Un lieu-dit appeler les Doges, avec deux fermes éloignées de quelques centaines de mètres, de grands espaces, des montagnes, des forêts, quelques prairies, de la neige une partie de l'année, et de la roche pour poser le tout.
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Gus adorait quand ils étaient assis au coin du feu et que la mémé lui racontait des histoires anciennes venues de son passé à elle, qu'il n'avait pas connu et qui la rendait plus souvent triste que joyeuse. Gus ne s'y trompe pas à l'époque. Et ses silences. Des silences qui le calmaient comme rien n'avait jamais pu le faire aussi bien depuis. Il lui disait alors qu'elle était une fée pleine de rides et elle répondait en souriant qu'elle n'était pas une, que les fées étaient toujours belles et jamais vieilles, et que c’était à ça on les reconnaissait.
Franck Bouysse est un auteur français né en 1965
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