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Les ombres blanches ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Dominique Fortier














En 1890, à Amherst, dans le Massachusetts, Emily Dickinson est décédée à l’issue de plusieurs années de réclusion volontaire. Le chagrin est immense pour sa famille. Le vide que sa disparition laisse est peuplé des innombrables écrits disséminés sur des fragments de papier, perpétuant sa présence. 

Mais que faire de cet héritage éclectique ? Si elle avait anticipé les choses pour son courrier et son journal, exigeant qu’ils soient détruits à sa mort, aucune consigne pour le reste. 


La famille est unanime, il faut les publier. Mais la tâche est complexe. Parce qu’il n’existe aucun repère d’un quelconque classement ni même de ce qui doit être gardé ou supprimé. D’autre part, dans cette Amérique du 19è siècle, les écrits posthumes d’une femme se voient gratifiés  d’emblée d’un mépris condescendant. 


C’est Mabel, la maitresse du frère dEmily qui se sent investie des qualités nécessaires au défrichage de l’oeuvre. Son parcours brillant et sa proximité de la famille l’autorisent à s’emparer de l’affaire. Mais l’écriture d’Emily n’est pas simple. Entre les exigences de l’éditeur qui veut rendre les poèmes accessibles et les difficultés de Mabel pour comprendre intuitivement cette poésie, il faut une bonne dose d’obstination pour poursuivre, ou bien l’aide miraculeuse d’une enfant sensible…


C’est avec beaucoup de délicatesse que Dominique Fortier s’immisce dans l’entourage affligé de la poétesse américaine la plus célèbre. Elle restitue l’ambiance morose dans laquelle la perte d’Emily a plongé cette famille disparate. On partage les secrets d’alcôve et les regrets enfouis. On y lit aussi de nombreux extraits des écrits laissés par la recluse. 


Le vide qu’elle a laissé, l’incertitude et les hésitations de la famille sur le devenir de l’oeuvre, la place d’une femme écrivaine à cette période de l’histoire, tout cela est abordé avec pudeur mais assurance. On devine à travers le récit l’admiration sans borne de l’autrice pour Emily Dickinson. 


Très beau récit, indispensable pour tous les lecteurs fascinés par le destin de la poétesse et pour ceux qui souhaiteraient le découvrir. 



256 pages Grasset 11 janvier 2023

#Lesombresblanches #NetGalleyFrance








Sa tâche menée à bien, l’enterrement derrière elle, Susan s’enferme dans son chagrin comme dans une prison. Ce n’est pas un hasard si on emploie même mot pour noter la sentence imposée à un criminel et la douleur causée par la perte d’une être aimé : la peine. 


*


Elle est, nous sommes des assemblages de poupées russes, spectres, souvenirs, disparus, jusqu’au coeur en bois vivant et mort à la fois, jamais à l’abri d’une flambée.


*

Ouvrir un livre, c’est se retrouver au-dehors (de soi, du monde qui nous entoure ) en même temps qu’au plus près des êtres et de ses propres secrets, par le prodige de cet autre monde inventé ou sauvé du temps, couché sur le peau blanche de ces grandes créatures dont les racines s’enfoncent profondément dans la terre tandis questeurs branches se tendent vers les nuages. 



Dominique Fortier


Dominique Fortier est une romancière et traductrice québécoise, née en 1972


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