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Temps calme, pleine tempête ⭐️⭐️⭐️⭐️

Julien Decoin 











Le temps est calme, au début. Un départ. Pour combien de temps, vers quelle destination ? Cela reste flou, mais conserve une apparence de banalité, de voyage ordinaire. Le dialogue entre le père et la fillette ressemble à tous les échanges impromptus qui font paraître  plus courts les trajets en voiture. « Le jeu des devinettes, le jeu du premier, le jeu du trouvé » …Qui n’a jamais fait le décompte des voitures rouges ? 

La première inquiétude survient lorsque la panne sèche menace. La station service est barricadée. Soubresauts de revendications sociales ?


Une ambiance plus angoissante se dessine aux abords du ferry convoité : une foule compacte se presse à la gare maritime …


Sand rien nommer, par de simples évocations des raisons possibles, Julien Decoin nous entraîne dans un voyage étrange, sous-tendu par un malaise qui affecte le déroulement des vies quotidiennes, pour nous convier à un huis-clos dans un hôtel dont les règles de fonctionnement sont ici bousculées. 


Le roman est court mais très addictif, par la curiosité qu’il éveille sur l’issue d’une aventure hasardeuse. Mais il nous propose aussi d’assister à cette touchante communion d’un père et de sa fille. 


Bien entendu, on pense à la pandémie et aux périodes de confinement qui ont fait voler en éclats les repères habituels de nos déplacements et de nos habitudes de consommation ordinaires. Mais ce décorum n’est qu’une toile de fond qui met en valeur des sentiments complexes et l’importance des liens familiaux et sociaux.


Une sorte de fable moderne qui a su intégrer les événements récents sans pour autant en faire le sujet central. 


Premier roman très réussi, assorti d'une très belle couverture.



192 pages Seuil 6 janvier 2023

#Tempscalmepleinetempête #NetGalleyFrance








Nous partons tôt ce matin. Plutôt encore que pour aller à l'école. Tu as du mal à te lever et machinalement tu remets les chaussettes que j'ai fait tomber hier au pied de ton lit. Je te laisse faire, je n'en trouve pas de propres. Ta culotte peut encore tenir une journée, et pour le reste je te fais confiance. Ou plutôt je ne me fais pas confiance. Tu t’habilles comme tu veux, ce sera mieux. C'est plus efficace et c'est joli cet assemblage d'imprimés que tu improvises. Carrés sur rayures. Horizontales sur verticales. Points sur lignes.


*


Mais il ne fait pas que marcher, tranquillement dans son coin, tel un  promeneur solitaire dans la forêt. Non. Pour aller plus vite et plus loin, cet arbre fait comme nous : il conquiert et colonise. Il profite des arbres, arbustes et buissons qui sont autour de lui, immobiles et impuissant pour avancer. Il pose sa branche comme on pose sa main sur l'épaule d'un copain. Puis il enlace comme on embrasse. Il sertrecomme on aime.



*


Dehors, on assiste au manège, dans lequel se sont embarqués la ville et ses habitants. Les paniers à récupérer, les commerçants derrière le rideau de fer entrouverts, les queues sur le trottoir, les mètres de séparation entre les gens autrefois agglutinés les uns contre les autres. La police omniprésente ne s'arrête pas, ne contrôle personne, mais surveille tout le monde.

Julien Decoin

Né en 1985, Julien Decoin est réalisateur pour le cinéma et la télévision 


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