Page après page: La poésie des marchés ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Anne-Laure Delaye

Dans le décor high-tech d’une entreprise qui porte le sibyllin titre de Vega Energie, Lucie analyse les variations des coûts des ressources énergétiques. Il est donc question de pétrole, d’électricité, de gaz, de fluctuations de taux, bref pas de quoi rêver. Mais comme le management propose des simulacres de propositions bienveillantes, destinées à motiver les troupes pour plus de rentabilité, Lucie se lance dans le challenge qui consiste à imaginer une amélioration des conditions de travail. Avec deux collègues, elle monte un projet d’émission de bruit alfa qui atténuerait le bruit ambiant. Laissant tomber l’attribution de haïkus en guise de portrait pour chaque membre de l’équipe, elle lutte pour ne pas laisser de côté son âme d’artiste. Un local inutilisé abrite ses meilleures productions. Lieu de rendez-vous secret pour ceux qui la suivent dans ses délires, le cagibi en verra bien d’autres. Il y sera question d’un recyclage des âmes, d’un iguane colopathe et de Nietzsche !

C’est aussi drôle qu’instructif, et l’autrice parviendrait presque à nous faire comprendre la raison du prix exorbitant du carburant à la pompe.

Anne-Laure Delaye se moque gentiment du monde de l’entreprise 3.0 , de ses tics de langage, anglicismes et acronymes, et de son management qui frôle la caricature.

L’humour ne manque pas et l’on sourit aux portraits dressés avec un regard sans concession.

Le heurt de deux mondes incompatibles provoque un chaos que l’alchimie d’une écriture vive et enjouée transforme en moment de grâce.

272 pages Albin-Michel 4 janvier 2023

Les bras d’Henri sont particulièrement poilus, il les appelle « mes petites balayettes portables » et d’après lui c’est en partie grâce à ses attributs que sa femme est tombée sous son charme. Pour laisser ses balayettes apparentes, et parce qu’il a toujours chaud, il porte des tee-shirts été comme hiver.

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Au fond de moi cependant, j’avais beaucoup de sympathie pour la volatilité du prix du pétrole. J’y trouvais un écho à mes propres incertitudes. Moi aussi, la volatilité de mes impressions sur le monde m’empêchait d’y définir ma direction propre.

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Ceux qui dirigent l’âme vers les corps nés sur Terre en sortie de vagin font exactement les mêmes gestes, simplement ils prennent le matériau recyclé. Ça divise par dix le volume des âmes qui reste à prendre en charge entre l’incinérateur et le Paradis.

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Ton livre c’est une projet nietzschéen, prétendait Franck. Car tu restitues le réel, même déformé, et à ce titre, tu te l’appropries.