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Triste tigre ⭐️⭐️⭐️⭐️

Neige Sinno






Ce récit ne peut manquer de susciter un grand nombre d’émotions !


Neige Sinon y relate ses années d’enfance, auprès d’un beau-père qui l’a violée pendant plusieurs années, dès qu’elle a eu huit ans. Elle revient sur ce qu’a représenté pour elle cette torture au quotidien, ignorée par les autres membres de la famille, sciemment ou non.


Certes, d’autres récits ont été publiés sur le sujet, dont certains marquants, comme Le consentement ou La Familia grande, mais ce texte là m’a encore plus interpellée que les autres. L’autrice parle de ce qui lui est arrivé, sans pathos, presque à distance. Et pourtant, lorsqu’elle précise ses motivations (non, il ne s’agit pas de thérapie par l’écriture, ni de vengeance) on sent une colère sourdre, une  haine pour cet homme, dont elle va décrire la personnalité, pour ce monstre qui agit ainsi avec un enfant. 


Si elle a tardivement porté plainte, c’est à la fois dans un souci d’efficacité, pour protéger ses plus jeunes frères et soeurs, et pour obtenir le soutien de sa mère, indispensable pour que la justice ne se laisse pas abuser par le charisme de cet homme, qui jamais ne demande pardon, accusant même sa victime d’être responsable 


C’est parfois à la limite du soutenable, mais c’est un très émouvant témoignage, qui met en lumière l’inadéquation des peines infligées, la prison là où il faudrait de la thérapie.



288 pages  POL 17 août 2023

Prix Le monde 2023

Prix Fémina 2023







Amis, lecteurs, ami, lectrice, ma semblable, ma sœur, voici donc un aveu que je me dois de te faire, car je ne nourris point le désir de te fourvoyer : prends garde à mes propos, ils avanceront toujours masqués. Ne prends pas ce texte dans son ensemble pour une confession. Il n'y a pas de journal intime, pas de sincérité possible, pas de mensonges non plus. Mon espace à moi n'est pas dans ces lignes, il n'existe qu’au dedans.


*


Car quand on est en enfer, on n’écrit pas. On ne raconte rien, on n’invente pas non plus, on est juste trop occupé à être dans l’enfer.


*


Une personne qui a été abusée dans son enfance, n'a pas besoin d'un livre pour se rappeler des épisodes douloureux, elle se lève chaque matin avec son paquet tout près.


*


Mais les procès ne sont pas là pour faire plaisir aux victimes. C'est la société qui décide, au travers de ses représentants, ce qui est bon ou pas pour elle, pas pour les victimes, ni pour les coupables.


*


Les conséquences du viol sont donc bien au-delà du domaine circonscrit de la sexualité, elles affectent depuis la faculté de respirer, jusqu'à celle de s'adresser aux autres, de manger, de se laver, de regarde, des images, de dessiner, de parler ou de se taire, de percevoir sa propre existence, comme une réalité, de se souvenir, d'apprendre, de penser, d'habiter son corps et sa vie, de se sentir capable de simplement être.


*


Pourtant, il me semble que l'autobiographie n'est ici qu'une arme de plus, pour affronter l'impensable, un couteau pour disséquer le monde, un choix politique et esthétique, qui affirme l'union du contenu et de la forme. C'est un moyen, et non une fin, une porte d'entrée sur un univers de galeries compliquées dont on ne sortira jamais. Le récit est au service de la pensée, même si son cheminement finit par aboutir à un échec de la pensée.




Neige Sinno


Après une thèse en littérature américaine, Neige Sinno se consacre à l'écriture et à la traduction. 


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