Jean-Paul Delfino
Magnifique hommage à Suzanne Valadon, cette femme qui voulait être extraordinaire et le fût. Née d’une mère illettrée et de père inconnu, elle est malgré tout parvenue à se faire un nom de son vivant dans un monde de la peinture qui n’imagine même pas qu’une femme puisse tenir un pinceau !
Elle a pourtant vécu mille vies, artiste équestre dans un cirque, puis modèle, longtemps en compagnie de sa mère aux prises avec des démons incurables.
Jean-Paul Delfino lui prête sa plume pour la laisser conduire le récit, avec verve et sans filtre, sans retenue dans les propos.
Les confidences, celles qu’elle livre à Gazi, son compagnon fidèle et que convoite Francis Carco, qui voudrait en faire un livre, nous en sommes aussi les destinataires. Plongés au coeur d’un Montmartre véritable pépinière d’artistes dont certains sauront se faire un nom pour l’avenir, nous nous attablons au Chat noir, alors que des rumeurs d’une guerre proche sont commentées autour du zinc.
Roman hommage pour cette grande artiste tourmentée, écrit avec un talent remarquable qui en rend la lecture passionnante. Et instructive !
256 pages Ystia Cie 22 aout 2024
Ma vie a été trop compliquée pour que j'en donne une seule version. Chaque fois, je dis la vérité, bien sûr. Mais ce sont des vérités différentes. Pas des mensonges.
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C'était comme Lautrec. Lui, non plus, il ne buvait pas pour peindre, pour trouver l'inspiration. Ce genre de fable n'était bon qu'à émoustiller les rêveries des bourgeois. S'il s’arsouillait, entre deux tableaux, c'était pour oublier qu'il était vivant, mortel. Pour ne pas se suicider trop vite, face à l'absurdité du monde.
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Le bambin était devenu un enfant de dix ans, malingre, colérique, toujours insatisfait. Et alcoolique, par les bons soins de maman Madeleine, qui n'arrivait plus à le contrôler qu’en l’abreuvant chaque jour un peu plus de vin rouge et de blanche.
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Rien n'est vraiment grave. La mort, pas plus que le reste. Quand on devient de la viande froide, on est pleurés pendant un moment. Puis, le temps passe. Qu'on ait été un salopard fini ou la crème des hommes, on vous oublie. C'est fatal. À quoi bon s'en faire ?
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Le succès, ma fille, c'est la meilleure et la pire des choses qui puissent arriver à un artiste. La meilleure, parce qu'il a enfin de quoi croûter dignement, à sa faim. La pire, parce qu'il peut aussi perdre de vue l'essentiel : peindre.
Né en 1964, Jean-Paul Delfino est un romancier français.
Après un début de carrière dans le journalisme, il n’a cessé, depuis, dans de nombreux ouvrages, de se consacrer à ses trois passions : la littérature, le Brésil et sa musique.
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