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Le pays de nulle part ⭐️⭐️⭐️

Doan Bui



 








Existe t-il une hiérarchie dans le deuil ? Le nombre d’heures partagées avec le disparu est-il proportionnel au chagrin à afficher ? Certes non, la perte est là. Et pourtant, la légitimité de la tristesse semble dans les faits dépendre des instants vécus ensemble, dans leur durée et quelle que soient leur intensité.


C’est un épisode douloureux que Doan Bui tente d’exorciser dans ces lignes, en analysant de manière très exhaustive ce qui s’est passé des années auparavant. La perte d’une petite fille, née prématurément. 


Doan Bui a beaucoup écrit pour elle-même et longtemps hésiter à faire paraître le récit. Elle consacre d’ailleurs toute une partie à la réflexion sur l’intérêt de cette démarche.


En tant qu’ancienne professionnelle de néonatalogie, ces pages me parlent bien sûr, et cet aspect n’est pas non plus négligé : l’impact de la mort dans un service où l’on se bat pour que l’avenir ait lieu. Et si la routine est là et si les nouveaux patients viennent occuper  les incubateurs vides, les traces sont là et les souvenirs s’impriment en filigrane tout au ont des années passées au chevet des tout-petits. 



C’est un récit doux et nostalgique, empreint d’une tristesse mais loin d’être morbide. Et qui pourrait être une aide  précieuse pour les professionnels de la petite enfance autant que pour les parents qui vient ces heures difficiles.


Merci aux éditions Grasset pour l’envoi de ce service de presse numérique via NetGalley France. Cette chronique n’engage que moi. 


256 p Grasset 21 août 2024

#LepaysdeNullepart #NetGalleyFrance








Tout pouvait se résumer à une simple fonction mathématique, corrélée avec un taux de décès et de natalité. Quand vous aviez dix à quinze enfants, forcément, vous ne pouviez pas faire de chichi quand une poignée d'entre eux mouraient.


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L'écrivain est un jardinier qui tente de mettre en forme, de lutter contre l'entropie : un plan de tomates ou un texte, c'est idem, ça demande tant de soins et de patience pour le faire grandir, c’est si fragile, qu'au premier coup de gel ou de chaud, ça meurt.


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Il y a plein de trous dans les langues. Plein de mots manquants. La langue est comme un bon vieux pull grignoté par les mites: on s'enroule dedans, impossible de s'en séparer, la laine est douce, ne gratte jamais, alors on accommode à l’infini. Idem de la langue. Les périphrases en sont les coutures qui cachent les trous.


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J'écris pour me rattraper. J'écris pour effacer la culpabilité, la puissance. J'écris parce que je ne sais rien faire d’autre.


 

Doan Bui


Née en 1974, Doan Bui est une journaliste française, autrice, essayiste et scénariste de bande dessinée. 


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