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Le goût de la trahison ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Stéphanie Chaillou




Les  Dumont passent tous leurs week-ends et leurs vacances  à Noirmoutier, dans la maison familiale. Une tradition plébiscitée autant par le couple que par les enfants. Marc y croise un jour Paul Delacroix, que le hasard a mis sur son chemin, d’abord dans l’entreprise où il travaille, puis au club de tennis de l’île. Des liens forts se tissent immédiatement, les deux hommes deviennent amis et inséparables. Cependant, ce qu’exprime Marc devient envahissant : ses enfants, deux jumeaux, ont comptés jusqu’à une cinquantaine de fois le prénom de Paul cité par leur père aux ours d’une journée ! Une amitié qui devient lourde pour tout le monde. Mais Paul semble s’éloigner …


« Il avait beau, se raisonner, tenter de retarder le processus, il n'y parvenait pas. Un jour, brutalement, il ne supportait plus l'autre. Quel qu'il fût. Homme ou femme. Jeune ou vieux. Ami ou  maîtresse. Les attributs qui l'avaient tout d'abord charmé, chez lui ou chez elle – un timbre de voix, une façon de bouger, un vocabulaire, une manière de penser – devenaient l'objet même de son courroux. » 


Le sujet est original, et Stéphanie Chaillou sait parfaitement analyser l’évolution de la relation qui se crée entre les deux hommes. Une addiction pour l’un, un mode de vie pour l’autre, qui fonctionne par passion subite et éphémère, aidé en cela par son charisme et son goût de la séduction. L’un est sincère, l’autre est profondément centré sur lui-même, insensible aux séismes que sa conduite implique. 


On s’interroge sur la nature des sentiments que ressent Marc, cette amitié semble être proche de l’amour et même de la passion. Là est le danger. Danger pour le couple, pour la famille et pour lui-même. On peut se demander ce qui serait advenu si Paul n’avait pas mis fin à cette emprise.


On note le style très personnel de l’autrice : des chapitres très courts, un narrateur omniscient qui décrit et propose une interprétation des situations sans jugement. Pas de dialogues, et pourtant le texte nous atteint et parvient sans aucune difficulté à nous faire comprendre les enjeux. Lorsque l’on tourne la dernière page, tout ce qui a été minutieusement des détails du quotidien et des épisodes les plus triviaux de l’histoire, s’efface pour laisser place à la quintessence du roman, comme si ce qui était finalement important était dit en filigrane.


Sur un thème peu  exploité,  avec une écriture particulière,  un roman séduisant, qui décrit une chute vertigineuse d’un homme qui a cru à l’amitié et aurait pu détruire tout ce qu’il avait fait de sa vie. 


192 pages Noir sur Blanc 7 mars 2025






Marc appréciait le calme d'Hélène. Sa constance. Elle appartenait à cette catégorie d'être qui ne déborde pas, semble à jamais contenu dans le savoir qu'ils ont de même, ce qu'ils peuvent devenir, ce qui leur est possible de commettre.


*



Il avait beau se raisonner, tenter de retarder le processus, il n'y parvenait pas. Un jour, brutalement, il ne supportait plus l'autre. Quel qu'il fût. Homme ou femme. Jeune ou vieux. Ami ou  maîtresse. Les attributs qui l'avaient tout d'abord charmé, chez lui ou chez elle – un timbre de voix, une façon de bouger, un vocabulaire, une manière de penser – devenaient l'objet même de son courroux. 

Stéphanie Chaillou



Née en 1969, diplômée de philosophie (DEA et CAPES) à l'Université Panthéon Sorbonne (Paris I), Stéphanie Chaillou a été professeur de philosophie de 1995 à 2002 puis rédactrice au Centre Pompidou, à Paris.





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