Abonnés

Trois noyaux d'abricot ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Patrice Guirao











Patrice Guirao nous propose un premier fil narratif, ténu, et qui pourtant découle du récit plus dense qui nous sera offert. Un roman dans le roman, constitué des têtes de chapitres, qui, phrase après phrase reconstituent  un drame. Pris dans cette tourmente, Sauveur se souvient. Il a cinq ans, il a six ans, il a sept, il a huit ans et c’est la guerre. C’est avec ce leitmotiv que Sauveur ponctue le récit de ce qu’il perçoit au cours de ces années d’enfance, avec ce regard naïf et ouvert, qu’il porte sur la vie dans son village algérien. La vie quotidienne, avec son lot de deuil, de joie et d’histoires avec les copains, qu’ils appellent Pitzouille ou Badjel, qu’ils jouent  au pitchak ou aux pignols. La famille est unie, Mémé raconte des histoires, les amis se reçoivent. La vie serait ordinairement heureuse, s’il n’y avait pas de couvre-feu, ou si l’on apprenait pas le décès violent de ceux que l’on côtoient tous les jours. Peu à peu l’ambiance de guerre est clairement établie, parce que les hostilités se sont aggravées et que le regard de l’enfant s’ouvre. 

La mère supplie le père de quitter ce pays, il ne le feront que lorsque leur survie est menacée. Dans ces conditions difficiles, malgré la pugnacité  de Mémé qui ne s’en laisse pas raconter par un employé pointilleux.


Le ton pourrait paraître léger, car le drame humain qui se vit dans ces pages est relaté par le récit d’un enfant, Mais c’est malgré tout un quotidien de guerre, avec les atrocités que l’on connaît. Et l’on vit de l’intérieur cette évolution progressive des relations humaines : tu dois te  méfier celui qui la veille était ton ami.  Suspicion ambiante aussi : untel n’aurait-il pas changé de camp ? Même si l’histoire nous dit que cette terre était usurpée et que le traitement n’était pas égalitaire, une génération de résidents doit quitter ce pays où  elle a grandit et qui reste celui de ses ancêtres. 


C’est toute l’histoire des années soixante avec l’arrivée en France des « pieds-noirs » , exclus d’Algérie, et qui devront lutter pour se faire une place loin des figuiers et du soleil. 


Le roman se lit avec plaisir, malgré la gravité du propos. C’est le propre des récits dont le narrateur est un enfant. Exercice pas toujours facile, mais ici le processus tient la route à peu d’exceptions près. 


Un beau roman, à la fois tendre et tragique.


Merci à Babelio et aux éditions Au vent des îles 


235 pages Au vent des îles  11 avril 2025

Masse critique Babelio







De vieilles histoires qui ressemblent  à un vieux livre d'image dont seule Mémé sait tourner les pages. Elles sentent la terre, fière et sauvage, l'arbousier et le figuier en fleurs.


*


Pépé est allongé sur son lit, un drap blanc tiré jusque sous le menton. Je ne vois que sa tête. Il n'a pas son chapeau. Ses cheveux sont blancs. Très blanc.s Je préfère quand il porte son feutre marron usé sur les côtés.

Patrice Guirao



Né en 1954, Patrice Guirao grandit à Mascara, en Algérie. Romancier, il est aussi un des paroliers majeurs de sa génération. Trois noyaux d'abricots est le roman le plus singulier de sa bibliographie et le plus personnel.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article le plus récent

Trois noyaux d'abricot ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Articles populaires