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L’entroubli ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Thibault Daelman 












Premières phrases éblouissantes . On en perçoit la beauté , mais la crainte se profile d’une récit dont l’écriture occulte l’histoire. Ne surtout pas s’arrêter : une fois la mécanique et la mélodie acquises, le charme opère et on se prend d’amour pour cette ribambelle de personnages, dans  une famille que le langage actuel qualifierait de dysfonctionnelle. Une mère un peu dépassée mais pétrie d’amour et d’ambition pour sa portée.

Celui qui parle et dont on suivra l’évolution au cours de ses années d’école, dit d’emblée son goût pour les mots. Les mots écrits car la parole lui est difficile. Tel un oiseau que ses ailes de géant entravent, il observe plus qu’il ne participe. Et à travers son regard, on verra défiler une kyrielle de profs largués, tenant obstinément d’appliquer la loi tacite qu’on leur  a  demandé de transmettre, ou totalement démissionnaires, mais efficaces dans une certaine mesure, en imprimant des souvenirs de fulgurances qui peuvent laisser des traces pour des années.


Très belle évocation de la période complexe de l’adolescence, avec ce corps qui subit une transformation perturbante :


Ça vous prend de l'intérieur et, de là, vous enlève à vous-même, vous déforme, vous empoisse. Avec cette impression qui vous sert la gorge d'avoir été jeté dans le monde, sans préavis, corps frêle, grandissant, pris de toute part de confusion et de poils. La voix s’enroue au  sortir. On se maudit comme on s’advient. Ahuri. Étranger. Autrement vivant.



Une excellente surprise que ce  roman original par son style et remarquable pour l’acuité de ce regard sur des êtres ordinaires, mais riches de cette banalité. 


Ce roman sera sans doute clivant, mais il vaut le détour et mérite que l’on se laisse porter par la beauté de ce langage, par la poésie qui en émane. 



296 pages Tripode 21 août 2025






Je voudrais haïr la vie, mais en suis affamé. Ma cervelle génère une pensée dont je suis incapable. Mes yeux ont faim d'un monde dont j'ai horreur. Mon corps, enfin, désire ce que je crains le plus. Il désire l’autre.



*


Au pourtour du champ,

La nuit d'une forêt ça pose

Un restant de lueur. Le soir est à destination.



*


De loin, on les remarque à leur leur coquetterie spéciale, économe en tissu, dépensière en parfum et en maquillage. De près, sous le phare, une paleur d'enfants, grumeleuse de boutons mal ensevelis.


*


Joggings, baskets, casquettes, et, dessus, les deux trois  marques qui vont avec. C’est – à ces deux, trois  détails près – un même un uniforme que tous revêtent, sans trop savoir. Il en est de même pour la langue commune. Des syllabes qu'on inverse aux mots qu'on invente, la parole est aussi rapide à se faire qu’à se défaire. Cascade phonétique. Ça nique les mères, les grands- mères, et, surtout les races. Éclaboussures.


*


Quelques pigeons amnésiques en provenance de deux arbres vaquent  à des urgences avortées, dont ils se reposent. Ça et là, sur les toits, à même le ciel. Il ne me semblera bientôt plus écrire ni mots ni détails. J'écris le soir que je respire. Rien de notable. Bien plus et bien moins qu'une odeur. Une pénombre en partance. Cette terre qui semble rose, cesse de sembler.






Né en 1990, Thibault Daelman a suivi des études artistiques à la Sorbonne, à Columbia (NY) et à la New York University, et anime aujourd'hui des ateliers d'écriture créative, notamment à la Sorbonne.

Il vit à Gentilly dans le Val-de-Marne.

L'Entroubli est son premier roman, sur lequel il travaille depuis une dizaine d'années.











Trois fois la colère ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️❤️


 Laurine Roux 









Coup de coeur pour ce magnifique roman, dense, fort et bouleversant !


Au coeur d’une forêt, une femme donne naissance à des triplés, mais elle est contrainte de les céder à la matrone, il en va de sa survie. Elle ne gardera que la dernière née, un bébé chétif qui gardera des séquelles importantes de cette naissance hors du commun; quant aux deux autres, la fillette sera confiée à la femme du seigneur des lieux, qui a simulé une grossesse des semaines durant. Juste retour de choses en fait, puisque le père de l’enfant est le seigneur lui -même ! Le garçon, aux yeux vairon est confié au prieuré.



Des années plus tard, Rein est devenue une jeune fille perspicace. De nombreux indices lui font comprendre les mystères  de sa naissance. C’est sa propre fille qui aura entre ses mains les armes de la vengeance…



Située pendant le Moyen-Âge, le roman se déroule dans la région des Alpes. L’occasion de décrire une nature sublime, dont les personnages qui ont conservé un peu d’humanité sont proches. Les paysages sont la lumière de ce sombre récit.


Quant aux personnages, leurs forces n’a d’égal que leur détermination. Beaux personnages de femmes, qui malgré les contraintes liées à leur sexe parviennent à accomplir leur destin. Une mention spéciale pour Mange-Ciel, l’idiote, l’attardée méprisée. 


Que dire de cet homme abject, ce bourreau infâme, l’archétype du mâle dominateur, une brute épaisse dominé par ses instincts bestiaux ! 



Lecture en immersion totale dans l’intrigue, qui vous transporte littéralement dans une autre dimension, parcourue presque en apnée, et dont il restera des souvenirs parfois violents parfois tendres. 



320 pages Editions du sonneur 14 août 2025






La bataille dure, à ruiner les nerfs, griller la rétine à frémir d’horreur.  On devient fou, de mort, de désolation. D’abord ils sont cent. Puis dix, les autres fauchés, embrochés, éventrés ou garrotés par des adversaires peu enclin à se faire catéchiser. 


Née en 1978, Laurine Roux est professeur de lettres modernes et romancière.


Lire aussi :

le sanctuaire 

L'autre moitié du monde 


La honte ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Arttu Tuominen











A Pori, une adolescente disparait sur le chemin de retour du collège. Sa mère est persuadée que quelqu’un lui a fait du mal. Les recherches restent vaines dans les premières heures. Linda Toivonen démarre une enquête, avec toute l’intelligence et l’art du recoupement dont elle est capable. La question se pose en effet de l’existence d’un tueur en série, puisque l’on retrouve des cas similaires avec le même mode opératoire et un profil de victimes assez semblable. 

L’intrigue en elle-même est tout à fait captivante. On sait que la fille de Linda est en lien avec quelqu’un qui se cache sous le pseudo de Peter Pan, le danger est donc présent, tout près.


Or Linda est dans une période extrêmement fragile. Sa mère, avec qui elle a renoué, est gravement malade, et sa fille se comporte comme une ado normale, c’est à dire qu’elle met de la distance entre elles. En tout cas, l’alcool est un soutien incontournable, une addiction implacable. On assiste au raisonnement classique, aux prétextes qu’elle se trouve pour justifier la consommation, la fatigue, le coup de pompe, la consolation d’une contrariété etc. 


Comme toujours, il n’est pas nécessaire d’avoir lu toute la série dans l’ordre pour comprendre ce qui se passe dans ce tome, mais c’est quand même très agréable de savoir à quoi il est fait allusion quand on parle d’un fameux couteau, ou lors des allusions à des anecdotes auxquelles on a été confronté dans les tomes précédents.


Excellent opus de la série Delta noir, tant pour les personnages que pour l’intrigue policière !


Merci à Netgalley et aux éditions de la Martinière



448 pages La Martinière 5 septembre 2025

#LaHonte #NetGalleyFrance







Les parents considèrent, souvent que les réseaux sociaux nuisent à leurs enfants, mais ils en font eux-mêmes un usage complètement irresponsable


 

Arttu Tuominen


Né en 1981, Ingénieur environnemental, Arttu Tuominen est un auteur de roman policier finlandais. 



Lire aussi 

La revanche

Tous les silences

Le serment








Pas une preuve ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 D.K. Wood











Commencer un polar de la série Alton et Kane est une promesse de frissons et d’angoisse bienvenus ! La crainte d’un épuisement de la magie est là bien sûr, mais avec Pas une preuve, ce n’est pas encore d’actualité ! 

D.K Hood fait même preuve d’humour lorsqu’elle trouve elle aussi que Black Rock Falls attire un nombre de tueurs  en série au dessus de la normale, élaborant même l’hypothèse que venir tuer sur le fief de la shérif Alton  est une sorte de défi !


Dans ce tome, les ennuis commencent la veille d’Halloween. 


« Kane scruta  la rue et eut l'étrange, impression d'être plongé dans le décor d'un film fantastique. Les fanions d'Halloween sur Main Street valsaient en produisant d'étranges bruits stridents. Les squelettes en plastique accrochés au réverbère, semblaient saluer et sourire au flux constant de véhicules. »


 On commence avec une petite histoire  de braquage de pharmacie, vite résolue. Mais c’est juste une mise en bouche. Un meurtre de sang-froid a lieu rapidement : un homme est tué dans son lit, sa femme est le seul témoin, et son comportement intrigue la shérif. Peu de temps plus tard, les cadavres de deux hommes sont  retrouvés dans les bois, avec un point commun : une plume noire a été déposé près des corps. Le mode opératoire est suffisamment parlant pour que l’hypothèse du tueur en série émerge et que Jenna fasse appel à des collègues du FBI pour rechercher des cas similaires au delà du territoire qu’elle contrôle.  Elle sera aidée pour la suite par Jo et Carter, deux personnages intéressants. 


Le légiste aura fort à faire : non seulement le nombre de victimes augmente très rapidement,  une affaire d’anthropologie judiciaire se superpose à l’enquête en cours, une affaire ancienne rapportée dans le prologue…


L’intrigue est bien ficelée et malgré les indices qui jalonnent le roman, je n’ai rien vu venir. 

Pat ailleurs le décor est bien planté, l’atmosphère lugubre d’un mois de novembre glacial parfaitement restitué.


Un excellent moment en compagnie de ces enquêteurs attachants. Pourvu que les tueurs en série continuent de sévir à Black Rock Falls ! 


Merci à Netgalley et aux éditions Boukouture 



374 pages Bookouture 9 septembre 2025

Traduction. : Marion McGuinness

Titre original : Her broken wings

#Pasunepreuve #NetGalleyFrance







Le vent s'était de nouveau levé, les feuilles multicolores s'empilaient dans les caniveaux et la promesse de la neige se précisait. Kane scruta la rue et eu l'étrange, impression d'être plongé dans le décor d'un film fantastique.





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Pas une larme 

Pas un mot 





D. K. Hood



Surnommée "la reine du suspense' par le site Book Authority, D.K. Hood est une autrice de thriller américaine et a reçu de prestigieux prix pour nombre de ses ouvrages et a été primée par USA Today et le Wallstreet Journal.

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