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Implosion ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Laurence Florisca Rivard 











Sébastien est un joueur de tennis vedette, 28ème au classement mondial. Pour  ne rien gâcher il est beau gosse et il en joue. Quelle fierté donc pour sa petite amie d’être vue à son bras, donnant l’image d’un couple de légende, beaux, riches, talentueux..

Jusqu’au jour où des rumeurs ternissent le tableau idyllique. Sébastien est accusé de viol par trois jeunes femmes.



Il est des thèmes que l’on aborde pas de gaieté de coeur. Les pages à tourner sont une source d’angoisse, car l’on sait que sous couvert du roman, l’écrit cache une état des lieux bien réel. 

D’autre part le sujet est complexe, loin de se résoudre en une volée d’aphorismes réducteurs.


Le sujet n’est pas neuf, la voie a été ouverte il y a quelques années et de nombreuses autrices se sont livrés à l’exercice.

Ici l’originalité vient de la parole donnée en priorité à l’entourage proche : la mère, la fiancée, l’ami de toujours.


Leur évolution psychique se fait selon les phases habituelles à la suite d’un traumatisme : choc, tristesse, colère, en passant par le déni. L’acceptation ne fait pas partie de l’histoire…


Pour la mère, c’est un constat d’échec éducatif, avec en prime le regard de l’entourage sur elle, et les répercussion sur sa propre vie. Pour l’ami c’est un cruel dilemme entre la fidélité à son copain de toujours et le risque d’être assimilé : qui se ressemble  s’assemble…Quant à la petite amie, c’est sans doute la plus difficile des situations.


La question n’est pas de savoir s’il est coupable au pas, de nombreux indices ne laissent guère de doute. On raisonne avec les personnages, on est plongé dans le chaos intérieur que suscite la situation. 


Un roman dérangeant, pour la bonne cause, avec une analyse fine de la psychologie des personnages. A noter des scènes de sexe très explicites, mais qui ont une vraie raison d’être au coeur de la narration.





270 pages Héliotrope 2 septembre 2025








Et si nous étions tous des violeurs qui s’ignorent  ?


*


Un malaise flotte. Je voudrais leshaïr parce qu'elles me tournent le dos, parce qu'elles ne comprennent pas que Seb n'est pas comme ça. Je l'ai vu dans ces moments les plus vulnérables, les plus forts et les plus bas. Tellement de facettes de lui me sont apparues dans les deux dernières années, avec l'évolution de sa carrière. À cause de l'intensité de son quotidien, on a vécu des choses qui m'ont amenée à connaître des parties de lui, que tout le monde ignore – des sombres, des  plus lumineuses.


Née en 1997,  Laurence Florisca Rivard a grandi dans les basses Laurentides. Implosion et son premier roman.


Notre part féroce ⭐️⭐️⭐️⭐️

Sophie Pointurier



Avec ce roman surprenant, Sophie Pointurier nous propose un voyage ésotérique du côté de notre animalité.


Si le récit commence sur un ancrage dans le quotidien, pour cette journaliste qui jongle avec la bienveillance, coincée entre deux générations : son adolescente et sa mère, peu à peu le doute s’installe pour elle et pour le lecteur. 


Arrêtons nous sur ce personnage important, la mère. Une éternelle malade dont la vitalité dépend des maux qui la taraudent jour après jour. De ces personnes pour lesquelles il faut à tout pris éviter la formule banale de « Comment ça va », au risque de subir une litanie de symptômes divers et variés dont on ne sait s’il est nécessaire de compatir ou de faire semblant. Une cliente premium pour les remèdes en tous genres, officiels ou officieux.


Parallèlement, la narratrice enquête sur une affaire dont elle découvre qu’elle est un peu universelle, l’apparition d’une dame blanche, dans les années 70, pris en stop par quatre jeunes puis volatilisée après avoir annonceéun danger imminent. A partir de cette histoire et sous l’influence du gardien de son immeuble, le loup garou pointe son nez…


Le récit est particulièrement bien construit pour que s’immisce le doute et que la narratrice nous emmène dans son délire, autrement dit, difficile de ne pas se prendre au jeu.


Je ne sais plus si mon imagination me jouait des tours, ou si ma peur me racontait des histoires. J'entrais dans l'étrange en douceur, comme la grenouille trempée dans l'eau tiède ne s'échappe pas alors que la température monte jusqu'à l'ébouillanter. Je me suis perdu dans l'amplitude de ce qui est normal et de ce qui ne l'est pas et j'ai envisagé l'impensable. Si maman se dédoublait  hypothétiquement  en  animal, quel était l'animalité de maman ?


Le cheminement du lecteur est le même que celui de cette narratrice, pour ce roman original, qui flirte avec le fantastique dans un univers métaphorique réjouissant, une belle lecture de cette rentrée. 


206 pages Phébus 21 août 2025






Je me suis mise à aimer croire que ma mère était un animal sauvage au fond, je voulais que ma mère soit ce loup.


*


Je ne sais plus si mon imagination me jouait des tours, ou si ma peur me racontait des histoires. J’entrais dans l'étrange en douceur, comme la grenouille trempée dans l'eau diète ne s'échappe pas alors que la température monte jusqu'à l'ébouillantée. Je me suis perdu dans l'amplitude de ce qui est normal et de ce qui n'est passe et j'ai envisagé l'impensable. Si maman se dédoublait  hypothétiquement en animal, quel était l'animalité de maman ?



Sophie Pointurier

Sophie Pointurier est enseignante-chercheuse et directrice de la section Interprétation en langue des signes à l'ESIT (Ecole supérieure d'interprètes et de traducteurs) - université Sorbonne-Nouvelle. 




Haute-Folie ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Antoine Wauters











Qu'importe si celui qui s'apprête à briser le silence, si celui qui parle après que toute sa lignée s’est tue, si celui-là est pris pour un menteur ou pour un fou. À ce moment de mon histoire, moi, je ne pouvais plus faire autrement. Les trous d'ombre qui avaient déchiré ma mémoire, je devais y plonger.


Avec ces premiers mots, ces premières phrases, nous comprenons que le voyage sera mémoriel, que nous serons plongés au sein d’une histoire dont les bribes appellent une recherche d’un sens.


Le malheur s’est abattu en série sur le couple que forment Gaspard et Blanche, la perte d’une enfant âgée de quelques mois, puis cet incendie  et le piège de la main tendue d’un voisin suffisamment malin pour profiter de la naïveté de Gaspard, qui ne voit pas d’autre issue que de mettre fin à ses jours. Et ce drame ne sera pas le dernier…


Joseph est seul, emmuré dans les silences familiaux,  les tabous déguisés en mensonge, les rustines grossières plaquées sur l’histoire reconstruite. Les questions agacent, l’enfant sait vite ne pas pouvoir s’appuyer sur son entourage, son oncle et sa tante, qui l’ont recueilli. 


La quête infinie de ce passé douloureux et morcelé entraine dans son élan tous ceux que Joseph croisera, perpétuant l’idée que la malédiction est un héritage dont on ne peut se défaire. Que les générations suivantes paieront encore la dette d’une ardoise jamais consentie.


Des personnages forts, malgré leurs armures défaillantes, déterminés, et des compagnons de route qui seront autant de guides sur ce parcours fait de hasard et de nécessité.


Outre le destin de Joseph, qui constitue la trame du roman, une narration alternative d’un narrateur omniscient 


« Un enfant aux côtés d’un vieil homme, qui avait tout d’un sage, d’un fou »


 nous est proposée. On comprendra beaucoup plus tard qui il est, et cet artifice apporte une dimension supplémentaire à l’ensemble. 


Comment ne pas parler de l’écriture, proche de la poésie, de la magie née d’une plume qui frappe, qui fait émerger la beauté au coeur du malheur. Un savoir-faire remarquable qui illumine la noirceur du récit.


 Nous utilisons tous les mots, les mêmes, et pourtant certains écrivains ont le don de les assembler pour créer un chef-d’oeuvre. C’est le cas d’Antoine Wauters.


176 pages Gallimard 14 août 2025


Prix Jean Giono 2025








Le passé est une chose longue et lente à guérir. On le croit derrière nous alors qu'il est devant, qu'il nous mène et nous guide. C'est un cercle. Une boucle. J'ai mis longtemps avant de comprendre que certains de mes choix n'avaient pas été des choix, mais des nécessités.


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Antoine Wauters



Antoine Wauters est l'auteur d'une dizaine d'ouvrages couronnés par de nombreux prix. Il connait le succès en 2021, avec "Mahmoud ou la montée des eaux ».


La nuit ravagée ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Jean-Baptiste Del Amo 












C’est avec La nuit ravagée que je découvre Jean-Baptiste Del Amo. Avec un roman d’horreur, qui implique tous les codes du genre. 


La présentation est assez longue, il faut environ 200 pages pour mettre le décor et les personnages en place. Pour un peu, on pourrait se croire dans un roman de Nicolas Mathieu, une petite ville de province, dans les années 90, un lotissement, des élèves ordinaires, une bande d’ados qui trouvent refuge dans des serres abandonnées pour fumer quelques pétards. Quelques indices semés ouvrent la porte de l’étrange, comme cette maison en ruines qui exerce sur eux attraction et répulsion. Des événements dramatiques surviennent, de ceux qui endeuillent une communauté, comme la mort d’une jeune mère ou le suicide d’un élève, dans des circonstances qui semblent quand même particulières.


Puis lorsque l’entrée de la maison de l’impasse sera franchie, c’est toute leur vie qui basculera dans un autre monde…


On a l’impression en tournant les pages de regarder un classique du cinéma d’horreur. Mais on a plus envie d’en rire que de frissonner. Certes une belle imagination crée un monde parallèle aussi dangereux que sublime, sur le plan de la création, et c’est aussi ce qui donnerait envie de voir l’oeuvre adaptée !


C’est aussi l’histoire d’un passage, à double titre, dans un autre univers mais aussi vers le monde des adultes :


Cet après-midi fut l'un des plus heureux qu'ils aient connu ensemble, dont ils se souviendraient  comme l'un des derniers jours de joie et d'insouciance de leur adolescence. Peut-être il y en aurait-il d'autres, envers et contre tous, bien plus rares cependant, et vécus à l'ombre des évènements qu’ils s'apprêtaient à se produire et donc ils ignoraient encore tout.



Si cette maison exerce sur eux un tel attrait, c’est qu’elle est capable de s’immiscer au plus profond de leur âme et leur offre  la possibilité d’exprimer leurs désirs les plus secrets et parfois les plus inavouables. Un sous-texte psychologique donc, une plongée au coeur des maelströms d’une psyché d’adolescent. 


On a tous trouvé dans la maison ce qu'on redoute ou qu'on désire plus que tout


Ce rite de passage les emmènera vers un avenir modifié par cette expérience : 


Elle sentit de façon obscure que ce que la maison de l'impasse des Ormes leur avait arraché, cette part d’eux même qu'ils ne retrouveraient jamais, qui n'était pas de l'innocence mais une foi – même fragile, même crédule – en la possibilité de l'enchantement du monde cet irréductible morceau d'enfance sans lequel ils ne seraient plus jamais que des adultes


Même si ce type de roman ne fait pas partie de mes choix habituels, j’ai pris un grand plaisir à découvrir l’auteur, et et même à suivre les aventures surnaturelles de cette bande d’ados. 

Essai transformé et l’envie de lire les autres romans de l’auteur .


464 pages Gallimard 6 mars 2025








Cet après-midi fut l'un des plus heureux qu'ils aient connu ensemble, dont ils se souviendraient  comme l'un des derniers jours de joie et d'insouciance de leur adolescence. Peut-être il y en aurait-il d'autres, envers et contre tous, bien plus rares cependant, et vécus à l'ombre des évènements qu’ils s'apprêtaient à se produire et donc ils ignoraient encore tout.


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Elle sentit de façon obscure que ce que la maison de l'impasse des Ormes leur avait arraché, cette part d’eux même qu'ils ne retrouveraient jamais, qui n'était pas de l'innocence mais une foi – même fragile, même crédule – en la possibilité de l'enchantement du monde cet irréductible morceau d'enfance sans lequel ils ne seraient plus jamais que des adultes



Jean-Baptiste Del Amo



Né en 1981,Jean-Baptiste Del Amo, né Jean-Baptiste Garcia, est un écrivain français.


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