- Broché : 295 pages
- Editeur : Liana Levi (7 mars 2019)
- Collection : LITTERATURE
- Existe en version numérique
- Langue : Français
Nostalgie d’un passé, qui nous semble si proche et qui nous a construit, peu à peu, en avions- nous l’intuition, sinon la conscience?
Dans les années 70, être enfant d’immigrés, en Charente, c’est ne pas échapper aux sobriquets, macaroni, panzani. C’est aussi pour l’auteur vivre dans l’ombre d’une demeure, habitée par une demoiselle, dont on est les fermiers. Et accepter sans la plus petite arrière-pensée cet état des choses. C’est normal, c’est ainsi. Ce n’est que plus tard lorsque la nécessité de rejoindre le collège que les différences se dessinent avec ce qu’elles impliquent de conséquences : lutte ou rejet, fierté de ses origines ou énergie consommée pour les cacher.
Les pages défilent avec l’enfance, éphémère comme un bouquet de fleurs des champs, et l’auteure sait parfaitement y insérer ces repères dérisoires avec lesquels on se construit une image du monde restreint : a t-on ou non Tout l’univers?
C’est aussi le chant du cygne d’un secteur qui se bat désespérément, pot de terre contre pot de fer, happé par le chant des sirènes d’une organisation qui les dépasse : les agriculteurs vivent la fin d’un monde à visage humain.
Superbe récit d’enfance, où l’on voit poindre la future écrivaine, la poétesse qui écrit déjà sans imaginer alors que cette attirance pour les mots ne la quitterait jamais.
Je voudrais qu'il y ait sur nos chemins et jusqu'au ras des villes des orties et des hommes qui s'agrippent à nos rêves éboulés, au souvenir de nos terres travaillées, de nos terres en jachère, de nos terres rêvées, même sauvées d'une décharge ou d'une sécheresse.
*
Sous les châtaigniers, je retrouve la lumière d’avant. Quand les murs de la pension ne s’abattaient pas sur les premières heures du sommeil pour me forcer à respirer et rêver en silence. Là-bas, le temps, on le gaspille à se regarder vivre et grandir, à faire nos devoirs sans trop y croire pour ensuite s’éparpiller en ricaneries sous le préau. La solitude, c’est une matière qu’on apprend comme on peut, dans les bruits de vaisselle ou les mourmours des tourterelles sur les toits. Même ensemble, on est seuls, incapables de parler de ce qui nous manque, alors on partage nos envies de sucreries, de blue-jean, d’amoureux. Nous sommes des petites bêtes impatientes et personne ne peut rien pour nous.
*
De retour de la foire, on installe la cage et les poussins sous une lampe baladeuse. Mila étale la paille bien à plat. Je sors chaque bestiole une à une du carton en essayant de la garder un instant entre mes mains pour la réchauffer. Certaines me becquent les doigts, d’autres me laissent une chiure minuscule sur la paume. On rit. Bon, on ne va pas y passer la nuit, râle papa, on a du pain… Il ne finit pas sa phrase. L’ampoule vient d’éclater sur les bestioles. Porco can ! On refait l’opération dans l’autre sens : les rapatrier tous dans le carton, ôter la paille, balayer les éclats de verre. Papa nous laisse finir, il doit aller passer la presse chez Pierrot. Avec Mila, nous restons une bonne partie de l’après-midi assises près de la couveuse. Elle a branché son radiocassette juste à côté pour écouter John Lennon. Ça ne m’attendrit même plus les poussins, les chatons, les veaux. Quand bien même toute la nurserie de l’arche de Noé serait sous mes yeux. J’en ai soupé du règne animal.
Paola Pigani est poétesse, nouvelliste et romancière.
Elle est née dans une famille d’immigrés italiens installés en Charente. Son enfance au milieu d'une famille nombreuse et l'apprentissage du silence, de la contemplation et de la lecture avec une aïeule d'origine slovène, la préparent à la découverte de l'écriture poétique.
En 2013, son premier roman "N’entre pas dans mon âme avec tes
chaussures" est publié aux Éditions Liana Lévi. Il reçoit de nombreux prix dont le Coup de cœur de l’association Lettres frontière 2014.
En 2015, elle signe "Venus d’ailleurs", roman pour lequel elle participe aux journées scolaires 2018 du Festival Étonnants Voyageurs.
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