Victor Cohen Hadria
- EDITEUR :
LGF/Livre de Poche - PARUTION :
11 Avril 2012 - PRIX EDITEUR :
7€22 - ISBN : 9782253166658
C’est au travers d’un échange épistolaire puis d’un journal que nous sommes conviés à recevoir les confidences d’un médecin de campagne exerçant en Normandie au milieu du 19è siècle. La tentation est grande de mettre en parallèle l’exercice de cette profession à cette époque et de nos jours.
Bien entendu ce qui frappe d’emblée et le manque de connaissance et de moyens pour venir en aide aux patients, lorsque l’on a à sa disposition essentiellement de l’opium, et des plantes. D’autre part, il n’y avait pas de limites aux interventions : appendicite, césarienne : le bloc opératoire de fortune était la pièce principale de la demeure. La distance parcourue par journée, quand on a pour véhicule un cheval, limite le nombre des malades secourus. C’est aussi pourquoi il était nécessaire d’avoir d’autres sources de revenus que la médecine, d’autant que le serment d’Hippocrate stipule que le malade qui n’a pas les moyens ne doit pas payer (pas de sécu en ces temps passés). C’est pourquoi notre praticien possédait 3 fermages lui permettant de subsister.
Malgré cela, bien des points communs peuvent être mis en évidence : le rôle de la parole ou du geste (serrer une main, palper un pouls) dans la démarche thérapeutique, la nécessité de croire à ce que l’on prescrit «il est évident que le praticien qui n’a pas confiance dans la vertu de son adresse ne saurait apporter à l’étude et à l’exercice de son art, le zèle, l’attention, le dévouement et la persévérance nécessaire». De même la confrontation avec la mort ne fait l’objet d’aucune accoutumance «j’ai vu trépasser nombre d’humains, mais jamais je ne suis parvenu à m’habituer à ce vide qui entre dans le regard».
Déjà des précautions étaient nécessaires pour pratiquer un examen intime chez une femme, et notre bon docteur exigeait d’avoir un témoin.
Deux obstacles se dressent devant la bonne volonté du docteur : l’hygiène et les croyances, auxquelles, pour rejoindre les opinions très anticléricales de notre narrateur, on peut rattacher la religion.
Car en ce qui concerne l’hygiène, «un homme un vrai, se doit de rester sale, ne raconte-t-on pas que l’odeur du bouc attire les femelles? La crasse, l’huile comme ils disent, favorise la pousse des cheveux, soutient l’intégrité du corps et des organes, les puces assainissent le sang». A la même époque, Semmelweiss en Autriche perdra la raison pour n’avoir pu instaurer le lavage des mains entre la pratique d’une autopsie et celle d’un accouchement...(cf la thèse de Louis Ferdinand Destouches, dit Céline...).
Le veuvage et la confrontation régulière avec la mort, échauffent les sangs du Dr Le Coeur, et il confie volontiers à son journal les péripéties de sa vie amoureuse On pourrait considérer que c’est son hobby, seule activité pratiquée en dehors de son travail!
Bien d’autres aspects sont abordés dans ces écrits, la rédaction d’un mémoire sur la rage et ses origines, les balbutiements de la vaccination, ou encore les relations avec les aristocrates de la médecine siégeant da s la capitale ou les villes
L’ensemble est porté par une écriture élégante, avec un style délicieusement suranné. L’on ne serait pas surpris si l’officier de santé Bovary demandait une consultation pour sa femme! Si l’on ajoute à cela un travail important de recherches historiques, l’ensemble est totalement crédible et pourrait passer pour un récit inspiré de faits réels.
Lu dans le cadre de la sélection pour le Prix des lecteurs Livre de Poche
Une bien belle critique qui donne envie...
RépondreSupprimerCertains ont regretté la personnalité caricaturale du bon docteur, qui le rendrait peu crédible. Je ne suis pas tout à fait d'accord, pour avoir croisé des praticiens dont la truculence n'avait d'égal que la sincérité, et ce dans des temps pas si reculés que ça, alors que débutait la main-mise des empêcheurs de tourner en rond que sont les législateurs.
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