- Broché: 240 pages
- Editeur : NOIR BLANC (23 août 2018)
- Existe en version numérique
- Collection : Notabilia
- Langue : Français
Sophie Divry est une auteure protéiforme : si l’on repense à Le diable sort de la salle de bain ou encore à La Condition pavillonnaire, les sujets et le style étaient déjà très différents. Et c’est avec Trois fois la fin du monde un nouvel exercice de style : la parole est donnée à Joseph, qui s’est fait chopé lors d’un flag, sur un braquage qui a mal tourné : son frère Tonio a été abattu par la police et Joseph se retrouve sous les barreaux.
C’est tout un univers que découvre le jeune homme : avec sa cruauté, ses trahisons, les choix impossibles, la violence, qu’elle vienne des co-détenus ou des matons. De quoi se forger une armure psychique , avec le risque que ce qui restait de bon en vous disparaisse à tout jamais.
C’est un événement inopiné, mais une bonne aubaine pour Joseph, l’explosion d’une centrale nucléaire, qui lui permet d’échapper à l’univers carcéral, pour découvrir une extrême liberté, qui a tout d’une robinsonade . Seul dans les ruines d’un monde qui semble disparu, Joseph apprend la survie et découvre le manque des autres.
Le récit alterne le monologue intérieur du héros et la narration externe. Joseph utilise un lexique de petite frappe, auquel s’ajoutera le parler de la tôle. Et c’est une constante tout au long du récit, même lorsqu’adapté au cadre de solitude qui est le sien, et nourri de ce que les ruines lui offrent comme ressources de stratégie pour suivre, Jo reste un gamin paumé. Si l’enfer a pu être les autres, l’enfer est aussi présent sans les autres, sans infos, sans rumeurs, sans présence humaine même médiatisée.
Beau récit que l’on pourrait affiler au nature writing des anglo-saxons. Robinson des temps modernes, dont le passé lui interdit à jamais la recherche de ses semblables, Joseph s’est bien involontairement isolé, pour se retrouver face à lui-même au coeur d’une nature qui ne lui fait pas de cadeaux.
Un tout petit bémol, très personnel, et qui n'enlève rien à la valeur du texte : c’est la voix de Sophie Divry, que j’écoute avec plaisir dans Les papous dans la tête, que j’entendais en parcourant le récit. Difficile alors de laisser Joseph se dessiner au fil de son monologue, et de permettre à l’histoire d’exister pour elle-même.
Le B4 n'est pas forcément réservé aux "mal notés" par les Jaunes. L'administration y place aussi les indigents et les fous. S'entassent ici jeunes, vieux, squelettiques, drogués, bossus, désespérés, yeux sans lumière, vie sans amour. Jamais de silence , jamais de paix. Enfermés comme du bétail, tous se battent pour survivre, chacun protège ses chaussures, sa cantine, ses clopes . On ne se fait pas d'amis dans de telles conditions. On ne parle que par aboiements. Casse-toi de là, Pousse -toi, Ta gueule, Dégage, vieille salope.
*
Vous couliez béton sur béton.
Vous vous pensiez en sécurité.
vous disiez "Nous contrôlons nos inventions" et c'est la catastrophe qui a pris le contrôle.
Vous disiez "Nous maîtrisons le danger" et le danger est venu d'un autre côté.
Vous disiez "Nous réagirons rapidement" et la catastrophe a été plus rapide.
Vous pensiez vivre éternellement. Vous n'écoutiez plus les plaintes, vous ne craigniez plus les tempêtes. Il a suffi d'une fissure , d'une explosion.
*
Dans le domaine, il y a des mesures. C'est le pas de l'homme, la roue du vélo. Les mesures conduisent aux limites. Ce ne sont pas des frontières, seule la peur signale qu'on les a franchies .
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