- Broché: 304 pages
- Editeur : Le Seuil (16 août 2018)
- Collection : Cadre rouge
- Existe en version numérique
- Langue : Français
Une belle claque , qui a le mérite de rendre palpable la détresse humaine qui se cache derrière les trop banals sujets d’actualités que sont les licenciements, délocalisations et mise au chômage d‘équipes à qui l’adversité permet de croire pour un instant au pouvoir d’une fragile solidarité.
Et on les apprécie immédiatement, ces deux parents qui travaillent chacun dans l’une des deux entreprises locales, qui d’historiques et familiales sont devenues des pions sur l’échiquier de l’économie globale. Ils sont attendrissants dans leurs illusions de toujours croire en un avenir meilleur, et de se persuader que le pire est derrière eux. Alors on commence par de petits mensonges, par omission puis par auto-persuasion, pour mettre à l’abri les enfants et leur permettre de rester dans les clous de la société de consommation.
Malgré tout les efforts , les renoncements , qui atteignent plus que la résignation de laisser tomber des désirs futiles, et blessent l’amour-propre tout en activant un sentiment d’injustice. C’est alors que les passages à l’acte deviennent inéluctables.
Le récit met bien en évidence elle cynisme et l’absence de compassion qui animent les responsables de telles absurdités. Même si le ton n’est pas misérabiliste , et que l’humour allège le propos, c’est tout de même noir très noir et désespérant. Car ils ne manquent pas d’air , les prisonniers du système qui terminent leurs missives signifiant le licenciement d’un « cordialement »,
« Tu parles! Va dire ça aux enfants… »Le patron de maman l’a renvoyée du fond du coeur ». « Il nous abandonne chaleureusement » « Toute l’équipe de direction, vous met dans la merde en toute amitié »
Quelle issue à ses situations tragiques, où le surendettement accentue la condition de proie?
La fin est bouleversante et tellement probable.
Réflexion humaniste sur les aberrations de notre système, version moderne du roman naturaliste, c’est une belle réussite.
Elle se demande ce que vont devenir tous ceux qui travaillent avec leurs mains. Où vont disparaître leurs gestes, dans quels musées ? Les terrils et les mines sont déjà classés au Patrimoine de l'Unesco. Quel avenir pour toutes ces usines mortes ? Des cars scolaires y emmèneront peut-être les enfants pour observer des des ouvriers faisant semblant de travailler en tournant en rond autour des machines débranchées comme les singes des zoos font semblant de vivre libres.
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Aline vient de comprendre la mondialisation : c'est lorsque son travail disparaît dans un pays dont on ne connaît rien. Il n'y a pas mieux aujourd'hui pour enseigner la géographie aux enfants que de leur apprendre où sont passées les usines de leurs parents.
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Elle a beaucoup pleuré, comme le matin de l'enterrement de Staline. D'interminables sanglots, un chagrin sans fond où Christophe l'a laissée se noyer parce qu'il faut bien ménager un chemin aux sources de la tristesse, sinon elle stagne à l'intérieur en une mare de sentiments croupis et nauséabonds.
Oui une belle réussite comme tout ce qu'écrit Pascal Manoukian.
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