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La faute de l'abbé Mouret

Emile Zola




  • Poche: 510 pages
  • Editeur : Le Livre de Poche (1998)
  • Collection : Classiques
  • Existe en version numérique
  • Langue : Français










Avec ce cinquième opus de la saga des Rougon-Macquart, nous retrouvons Serge Mouret, dans une commune rurale peuplée de familles frustres dans leurs échanges et primaires dans l’expression de leurs sentiments . Il a réalisé son rêve, devenir prêtre, et exerce son sacerdoce avec dévotion et bonheur. Il voue un culte particulier à la pureté de la Vierge Marie. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Oui mais voilà, son oncle le docteur Pascal le sollicite pour venir au chevet d’un mourant, une sorte de misanthrope qui squatte les dépendances d’un ancien domaine. Et qui héberge Albine , une sauvageonne belle comme le jour, qui ne cessera plus de hanter les pensées de l’abbé. Jusqu’à douter de l’existence de Dieu!

La faute, on la devine.

L’originalité du roman tient à la mise en scène de l’histoire amoureuse des deux personnages : elle a lieu dans le Paradou, là où la jeune fille règne au coeur d’un paysage sublime. Mais entre l’intitulé du lieu et les descriptions des espèces végétales qui en font un paradis terrestre, l’Eden et l’arbre de la connaissance du bien et du mal ne sont pas loin (d’ailleurs si vous n’avez pas quelques notions de botanique, il vaut mieux avoir Google accessible, pour visualiser les tableaux végétaux décrits, avec force détails). Là encore, comme dans Le Ventre de Paris , la notion de saison  n’est pas prioritaire devant la volonté de donner une impression de luxuriance et fleurs et fruits   se côtoient dans un joyeux bazar.

Les personnages secondaires ne manquent pas d’intérêt :
Désirée la simplette est toujours présente, et toujours aussi passionnée par l’élevage des animaux de la création, de plus en plus volumineux et envahissant, La Teuse dirige la cure avec énergie et le Frère Archangias s’offusque avec force devant les frasques de l’abbé tout en crevant de jalousie.


Encore un superbe opus pour cette série , avec une langue riche (de nos jours on accuserait l’usage de Wikipedia) et un excellent rendu des tourments et des délires du pauvre abbé, dans un récit aux allures de parabole.



Parfois, en recevant à la face un souffle plus chaud, il levait les yeux de son livre, cherchant d'où lui venait cette caresse ; mais son regard restait vague, perdu sans le voir, sur l'horizon enflammé, sur les lignes tordues de cette campagne de passion, séchée, pâmée au soleil, dans un autrement de femme ardente et stérile..

*

Une mer de verdure, en face, à droite, à gauche, partout. Une mer roulant sa houle de feuilles jusqu’à l’horizon, sans l’obstacle d’une maison, d’un pan de muraille, d’une route poudreuse. Une mer déserte, vierge, sacrée, étalant sa douceur sauvage dans l’innocence de la solitude. Le soleil seul entrait là, se vautrait en nappe d’or sur les prés, enfilait les allées de la course échappée de ses rayons, laissait pendre à travers les arbres ses fins cheveux flambants, buvait aux sources d’une lèvre blonde qui trempait l’eau d’un frisson. Sous ce poudroiement de flammes, le grand jardin vivait avec une extravagance de bête heureuse, lâchée au bout du monde, loin de tout, libre de tout. C’était une débauche telle de feuillages, une marée d’herbes si débordante, qu’il était comme dérobé d’un bout à l’autre, inondé, noyé. Rien que des pentes vertes, des tiges ayant des jaillissements de fontaine, des masses moutonnantes, des rideaux de forêts hermétiquement tirés, des manteaux de plantes grimpantes traînant à terre, des volées de rameaux gigantesques s’abattant de tous côtés.

*
C’était, au centre, un arbre noyé d’une ombre si épaisse, qu’on ne pouvait en distinguer l’essence. Il avait une taille géante, un tronc qui respirait comme une poitrine, des branches qu’il étendait au loin, pareilles à des membres protecteurs. Il semblait bon, robuste, puissant, fécond ; il était le doyen du jardin, le père de la forêt, l’orgueil des herbes, l’ami du soleil qui se levait et se couchait chaque jour sur sa cime. De sa voûte verte, tombait toute la joie de la création : des odeurs de fleurs, des chants d’oiseaux, des gouttes de lumière, des réveils frais d’aurore, des tiédeurs endormies de crépuscule. Sa sève avait une telle force, qu’elle coulait de son écorce ; elle le baignait d’une buée de fécondation ; elle faisait de lui la virilité même de la terre.





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