- Poche: 515 pages
- Editeur : Editions Gallmeister (6 décembre 2016)
- Collection : Totem
- Existe en version numérique
- Langue : Français
- Traduction (anglais) : Anne Damour
Pas facile de parler de Shibumi, ce roman protéiforme, qui se présente comme un roman d’espionnage mais l’intrigue qui met en scène la Mother Company, sorte de société secrète dont le but avoué est de maintenir les tensions entre les grandes puissances internationales , n’est qu’un prétexte pour faire les portrait d’un être assez extraordinaire, Nicholaï Hel.
Si les longues pages consacrées à l’étude des grottes basques m’ont laissée de marbre, voire agacée , moi qui ne savait même pas ce qu’était une résurgence (lacune corrigée, merci Trevanian), et qui ai beaucoup de mal à visualiser de telles descriptions, ce roman reste tout de même remarquable, tant le personnage est fascinant. Son éducation et le bagage génétique hérité d’une mère elle aussi hors norme qui a choisi le père comme on choisit un étalon.
« De dix ans plus jeune qu’elle, il était très beau et très sportif. Cavalier émérite et escrimeur de premier plan, il lui servait d’élément décoratif, et la seule allusion qu’elle fit en public à leur intimité fut de le décrire comme un « spécimen propre à la reproduction ». »
, en font un être exceptionnel, d’une grande intelligence et des facultés émotionnelles et sensorielles étonnantes. Même s’il perd ce pouvoir au moment où il en aurait le plus besoin, il possède une aptitude spontanée à l’éveil, cette sorte de communion avec l’universel qu’il convoque à l’envi.
Trevanian réussit à créer une belle empathie avec Nicholaï, mais d’autres personnages tirent bien leur épingle du jeu. Ainsi, le Cagot, responsable d’une grande partie de l’humour distillé au fil des pages. Il est d’ailleurs étonnant de trouver au sein d’un roman américain une telle connaissance du pays basque, et du caractère bien trempé de ses autochtones. Ce serait presque le pays des rêves, comparé aux USA, contrée pour laquelle l’auteur ne mâche pas ses mots :
« L'Amérique a été peuplée par la lie de l'Europe. Ceci étant, nous devons les considérer comme innocents. Innocents comme la vipère, le chacal. Dangereux et perfides mais non coupables. Tu les méprises en tant que race. Mais ce n'est pas une race. Pas même une civilisation. Seulement un ragoût culturel, des détritus et des restes du banquet européen. Au mieux, une technologie à apparence humaine. Pour éthique, ils ont des règles. La quantité chez eux fait office de qualité. Honneur et déshonneur se nomment "gagner" et « perdre ». »
Et le shibumi dans tout ça? Si difficile à définir, un équilibre entre le désir et la possession,
« shibumi implique l’idée du raffinement le plus subtil sous les apparences les plus banales. […] Shibumi est compréhension plus que connaissance. Silence éloquent. Dans le comportement, c’est la modestie sans pruderie. Dans le domaine de l’art… c’est la simplicité harmonieuse, la concision intelligente. En philosophie… c’est le contentement spirituel, non passif ; c’est exister sans l’angoisse de devenir. Et dans la personnalité de l’homme, c’est… comment dire ? L’autorité sans la domination?
La profondeur du personnage, le contraste entre le respect pour les valeurs orientales et la piètre opinion des « cow-boys d’importation, tout cela posé sur l’écrin d’une région française à forte personnalité constitue un mélange saisissant, et rend ce roman assez inoubliable.
Il faut acquérir une certaine déformation de la conscience, une élasticité envers la vérité, pour être efficace en diplomatie.
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Le véritable antihéros est une variation du héros - non pas un clown qui occupe le premier rôle, ou un spectateur qui se défoule sur scène. Comme le héros classique, l'antihéros conduit la masse à son salut. Il y eut une époque, dans la comédie du genre humain, où le salut reposait sur l'ordre ou l'organisation, où tous les grands héros du monde occidental menaient leurs adeptes à lutter contre l'ennemi déclaré : le chaos. Maintenant, nous apprenons que l'ennemi fondamental n'est pas le chaos, mais l'organisation ; pas la divergence, mais la similitude ; pas le primitivisme, mais le progrès. Et le nouvel héros - l'antihéros - est celui qui s'est donné pour but de s'attaquer à l'organisation, de détruire le système.
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Pour intéresser Alexandra Ivanovna, il fallait être riche, beau ou intelligent ; et l'un des drames de sa vie fut qu'elle trouva rarement deux de ces qualités réunies en un seul homme, et en tout cas jamais les trois.
Trevanian est l'un des noms de plume de l'écrivain américain Rodney William Whitaker, né le à Granville, dans le nord de l'État de New York et mort le dans le West Country, en Angleterre1.
Professeur d'université, il passe une grande partie de sa vie reclus avec sa famille dans les Pyrénées basques de France, refusant tout entretien et toute photographie. En 1979, lors de la sortie du livre Shibumi, il accorde toutefois une première interview par téléphone sans livrer son identité. Celle-ci sera dévoilée en 1983 mais confirmée seulement en 19982.
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