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Jolis, jolis monstres

Julien Dufresne-Lamy









  • Broché : 416 pages
  • Editeur : Belfond (22 août 2019)
  • Collection : Roman
  • Existe en version numérique 
  • Langue : Français














Visite guidée d’un monde particulier, et qui pourtant bien présent sur notre planète, et même de plus en plus visible, même s’il reste nocturne, en marge, autant pour mieux s’épanouir sous les lumières artificielles ou pour se protéger des menaces bien réelles.

L’histoire se déroule en deux phases. C’est d’abord James, alias Lady Prudence, reine des cabarets new-yorkais qui confie ses souvenirs à Victor Santiago, un père de famille qui se sent prêt à franchir le pas pour se faire un nom sur les scènes célèbres de New-york. Habilement, l’auteur donne la parole à chacun en miroir, James nous contant l’histoire de Victor en rapportant ses proposera le biais d’un tutoiement qui souligne le lien d’affection entre eux.

Les rôles s’inversent dans la deuxième partie puisque c’est Victor qui prendra la main pour compléter le récit.

Deux personnages, deux époques, l’ambiance générale et les règles du jeu ont changé. Si le Sida a modifié la donne en décimant aveuglément amis et ennemis, encore dans l’ignorance de la réalité de la maladie, ce microcosme est aussi sorti de l’ombre et se montre en plein jour dans des parades colorées et décomplexées.

Le récit orne des mêmes  paillettes les soirées mythiques, les amitiés sincères, la joie des acteurs, mais aussi la souffrance, à peine évoquée mais présente en filigrane. Souffrance physique, souffrance des rejets, il faut le plus souvent renoncer à la famille et aux anciens amis, souffrance liée à la maladie. Viendra plus tard celle du temps qui passe, mais personne n’échappe à celle-là.


C’est un récit en délicatesse, démonstration d’une affection sincère pour ceux et celles qui s’auto-proclament monstres. Ils sont profondément attachants, ces personnages qui ont voué leur vie à l’apparence, pour l’amour du spectacle.

Evoquées par nos deux interlocuteurs, les fantômes des plus célèbres drag queens de New-york traversent le récit, qui s’appuie sur des faits réels.

C’est instructif aussi, le lexique est bien spécialisé, ne serait qu’en ce qui concerne les chorégraphies de la Vogue dance.

Excellent choix des Blogueurs littéraires, qui ont élus fin 2019 ce roman original et émouvant.



Tommy et moi, on s'adore. Tu n'as pas idée. Mais à l'époque, on a trop les jetons de tomber malades. On se bouffe les yeux à défaut d'autres choses. Dans ma piaule, on s'inspecte, le dos, les jambes, les bras et les hanches à la recherche de plaques, de trous et d'ombres qui nous éloigneraient l'un de l'autre de chaque côté du désir.

*

N'oublie pas qui nous sommes, Victor. Nous sommes un petit pays fou dans la doublure du monde. Bric-à-brac de bricet de broc, clandestins, cachés dans les replis des consciences. Nous devons montrer nos nuances, nos ratures, nos erreurs de la nature. Nous sommes une chose et une autre, tout et son contraire, nous sommes la perfection et ses défauts. Nous sommes des maharadjas sans visage, alités par la fièvre ou endiablés sur le dancing.










Julien Dufresne-Lamy est un écrivain français. 

Il a fait ses études à Lyon et vit désormais à Paris. 

"Dans ma tête, je m’appelle Alice" (La Forêt, 2012) est son premier roman.




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