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Âme brisée ⭐️⭐️⭐️

 Akira Mizubayashi



  • Broché : 256 pages
  • Editeur : Gallimard; Édition : 01 (29 août 2019)
  • Collection : Blanche



Roman musical et nostalgique, empreint de douceur et de mélancolie, sur les thèmes éternels de la quête des racines et de ces épisodes de la vie qui constituent les fondations de nos existences.


Tout commence en 1938, au Japon, alors que les relations avec la Chine se sont détériorées. Un quatuor à cordes répète Rosamunde de Schubert peinant sur le premier mouvement. Rei, le fils de Yu, écoute d’une oreille distraite, plongé dans une lecture qui l’absorbe. Des militaires ont irruption dans le centre culturel et tel le petit chevreau du conte de Perrault, Rei assiste à l’arrestation de son père et  à la destruction absurde de son violon. Deux âmes brisées. Avant que la scène dramatique ne s’achève, l’un des militaires restitue à l’enfant l’instrument massacré.


Des années plus tard, à Paris, Jacques exerce son art dans son atelier. Il tente de redonner leur perfection à des instruments déréglés ou usés, lorsqu’une amie l’informe que la jeune femme qui a gagné le premier prix du Concours international de violon se nomme Midori Yamazaki, un nom certes commun au Japon, mais tout de même dans ce contexte, évocateur d’un passé enfoui.



Les indices semés au cours du récit sont suffisamment évidents pour que l’on devine la suite, les retrouvailles, les mystères résolus et les failles de la mémoire comblées. 


Il est recommandé de prévoir la  bande-son du quatuor, ainsi que de la Gavotte en rondeau de Bach pour accompagner la lecture. Lire les caractéristiques et l’évocation du sublime d’un extrait musical n’est pas suffisant, à moins de le connaitre déjà par coeur.


C’est court et même sur le petit nombre de pages, de nombreuses redites, à chaque fois qu’un personnage fait le point, contribuent à une impression de dilution du récit.



L’histoire ne peut qu’être émouvante, portée par une écriture aussi mélodieuse que les oeuvres évoquées.  On regrette cependant que le récit ne soit pas un peu plus étoffé.




« Dimanche 6 novembre 1938, Tokyo.

Bruit sec et tranchant des pas de bottes, grandissant, ralentissant. Quelqu’un marche. Il s’est arrêté… Il a repris sa marche… Il s’est arrêté de nouveau. Il est maintenant tout près. Je crois entendre sa respiration. Un petit bruit de quelque chose qui entre en contact avec du bois. Il vient de poser quelque chose sur le banc ? Je suis dans le noir, tremblant de peur. La peur me donne froid au dos. Silence. Tout à coup, le voile d’obscurité se déchire. Un grand carré lumineux fait irruption devant moi. Qu’est-ce que je vois ? Mes yeux éblouis voient un immense corps d’homme, debout, droit, vêtu d’un uniforme militaire kaki. Je ne vois pas la tête ni les pieds. Je vois le devant de l’uniforme avec les boutons bien alignés verticalement, un lourd sabre qui lui pend à la taille, les bras, les mains qui sortent des manches, les deux jambes jusqu’aux genoux comme des troncs d’arbre robustes. La lumière éclaire cruellement mes pieds chaussés de chaussettes vertes en coton que je ne peux pas cacher davantage. À côté de mes pieds pétrifiés, mon livre… dont la couverture blanche est bordée de chaque côté d’une mince raie orange. Le titre en gros caractères noirs s’offre sans honte à la lumière vive : Dites-moi comment vous allez vivre


*


Un long silence se fit. Puis Kang signala le départ à l’altiste et au violoncelliste en hochant la tête très légèrement de haut en bas, tandis que Yu, plaçant sous le menton son instrument brillant de la lumière blafarde descendue des néons du plafond, attendait son entrée imminente, l’archet encore en l’air. Kang dessinait en pianissimo une mélodie langoureuse qui glissait tout doucement sur le clapotement régulier de notes graves assurées conjointement par Yanfen et Cheng.


*


— Tu fréquentes les Chinetoques ! Tu joues de la musique des poilus blancs, des étrangers douteux ! Des pays ennemis ! Tu multiplies les fautes graves !

— Monsieur, soyez poli, s’il vous plaît, à l’égard de nos amis invités. Retirez le mot odieux que vous venez de prononcer ! Puis Schubert est autrichien. Or l’Autriche a été malheureusement annexée par l’Allemagne nazie. Par conséquent, la musique de Schubert n’est pas une musique ennemie, je vous le fais remarquer…, monsieur.

Le soldat velu se rapprocha de Yu. Il était tout rouge. Une fureur sourde empourprait son visage qui était presque à 10 centimètres de celui de Yu.

— Nous sommes en guerre contre les Chinetoques. Est-ce le moment de musiquer nonchalamment avec tes invités ?

Le militaire, prononçant le mot « invités », y mettait tout son énervement haineux.



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Akira Mizubayashi est un écrivain japonais, d'expression japonaise et française, né en 1951.
Il a reçu le prix des Libraires en 2020 pour Âme brisée


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