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Elise ou la vrai vie ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Claire Etcherelli

  • Poche : 275 pages
  • Editeur : Gallimard (5 janvier 1973)
  • Collection : Folio

1958. A  Bordeaux, Elise mène une vie morne auprès de sa mère, en tentant de compenser les frasques de son frère, Lucien, jeune écervelé rêvant d’un autrement et ailleurs qui tomberait du ciel. La donne change lorsque sa petite amie du moment se retrouve enceinte de ses œuvres. Le couple s’installe dans la maison familiale, subsistant sur les maigres revenus d’Elise.  La vraie vie est un rêve fumeux et intangible.


Mais quand Lucien abandonne femme et enfant pour partir à Paris avec sa maitresse, il réussit a convaincre Elise de le suivre. L’argent est un éternel problème pour ces jeunes qui se bercent d’illusions et Elise se fait embaucher à la chaine dans une usine de construction de voitures, où elle rencontre Arezki, un ouvrier algérien.



Le roman est paru en 1967, assez peu de temps après cette période que l’histoire n’a pas voulu assimiler à une guerre, la masquant sous le vocable vague d’ « événements». Malgré tout, les relations tendues de la population française vis à vis des émigrés d’alors, les rafles, les arrestations et les vérifications incessantes, sont particulièrement bien évoquées. De même on participe avec Elise à ce quotidien abrutissant et épuisant qui ne laisse guère de temps, après de nombreuses heures à suivre la cadence, pour  rêver d’une autre vie. Décevante et débilitante, la vraie vie!


J’ai beaucoup aimé le réalisme des portraits des personnages, bien mis en valeur par une très belle écriture.


C’est le témoignage d’une époque qui avait défini les cibles de sa haine, sans savoir que des décennies plus tard, d’autres migrants viendraient endosser le costume du rejet de la différence.

Surtout ne pas penser. Comme on dit "Surtout ne pas bouger" à un blessé aux  membres brisés. Ne pas penser. Repousser les images, toujours les mêmes, celles d'hier, du temps qui ne reviendra plus. Ne pas penser. Ne pas reprendre les dernières phrases de la dernière conversation, les mots que la séparation a rendu définitive, se dire qu'il fait doux pour la saison, que les gens d'en face rentrent bien tard, s'éparpiller dans les détails, se pencher, s'intéresser au spectacle de la rue.


Je lisais et se levaient des voiles épais. C'était une impression pareille à la musique. Me délier, comprendre, pénétrer au milieu de mots, suivre la phrase et sa logique, savoir. Je ressentais une satisfaction physique, je fermais les yeux de plaisir.

*

Ceux qui ont tout et qui considèrent le bien-être comme un dû, qui ne le considèrent même plus du tou parce qu'il est trop habituel, ne connaissaient pas cette impression semblable à l'ivresse qui vous pénètre parce que vous avez chaud après avoir eu froid, parce que vous mangez bien, que vous avez bu un café. Tous les problèmes s'évanouissent, une sensation de puissance vous envahit. On se croit désormais invincible parce qu'on a l'estomac garni ou les pieds au sec.



Son père mort à la guerre, elle est élevée par sa mère et son grand-père paternel. Issue d’un milieu très modeste, elle obtient une bourse afin de poursuivre ses études. 
Elle vient s’installer à Paris, mais le manque d’argent la contraint à travailler en usine à la chaîne, pendant deux ans. 
De cette expérience Claire Etcherelli retient l’image d’un environnement éprouvant et obsédant, qu’elle décrit dans son premier roman "Élise ou la vraie vie" (1967). 
Le roman, qui obtient le prix Femina en 1967, a été portée à l’écran par Michel Drach (1930-1990) en 1970 avec Marie-José Nat dans le rôle d’Élise.




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