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Buveurs de vent ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Franck Bouysse



  • Broché : 400 pages

  • Éditeur : Albin Michel (19 août 2020)

Existe en version numérique



Ils sont quatre : Matthieu, le lecteur qui ne peut assouvir sa passion qu’en cachette, Marc, l’amoureux des arbres, Luc, le petit dernier, simple d’esprit, et Jean, que personne n’appelle ainsi, même avec l’accent anglais, et Mabel lui convient beaucoup mieux. Ces quatre-là sont unis par leur nom de famille et par les frissons qu’ils se donnent en se suspendant du haut d’un pont, au-dessus de la retenue d’eau du Gour noir, fuyant ainsi l’ambiance délétère de la maison familiale entre une mère bigote (indice quelques lignes plus haut) et un père muré dans un silence post traumatique et enclin à dégainer le ceinturon pour dresser sa progéniture. 

Dans la vallée, tout tourne autour de la centrale, conçue et administrée par un fou de pouvoir qui règne en tyran sur la petite communauté rurale, distribuant à son envie le travail et les rôles, en s’accordant les privilèges qu’il estime mériter, y compris le droit de cuissage.


Toute la question est de savoir comment déboulonner cet édifice puissant, comment introduire le grain de sable qui va enrayer le processus…


On s’attache bien sûr rapidement aux personnages, ces quatre gamins déterminés, chacun à sa façon, et  prêts à tout pour pouvoir vivre sans se trahir, sans perdre leur âme pour un pouvoir de pacotille. 


L’histoire ne manque pas d’accroche,  de moments d’angoisse savamment distillée, et l’on accompagne avec frissons et délices le chemin semé d’embuches des gamins.


L’écriture est d’emblée envoutante, avec cette ambiance qui aimante le lecteur, et incite à poursuivre la découverte, sans lâcher le récit.


C’est puissant, c’est fascinant et addictif.




Au matin, les rayons du soleil filtraient entre les persiennes, épinglant au passage quelques proies ressemblant à des trophées issus du carnage de la nuit. Une odeur de café flottait dans l'air. Martin parvint à desceller les lèvres, et un goût de charogne dans sa bouche effaça l'odeur du café.

*

La beauté est une humaine conception. Seule la grâce peut traduire le divin. La beauté peut s'expliquer, pas la grâce. La beauté parade sur la terre ferme, la grâce flotte dans l'air invisible. La grâce est un sacrement, la beauté ,le simple couronnement de règne passager.

*

On embrasse, on acclimate, on déraisonne, on raccommode, on s'accommode, on marchande, on saisit, on repousse, on ment, on fait ce que l'on peut, et on finit par croire qu'on le peut. On veut faire croire aux hommes que le temps s'écoule d'un point à un autre, de la  naissance à la mort. Ce n'est pas vrai. Le temps est un tourbillon dans lequel on entre, sans jamais vraiment s'éloigner du cœur qui est l'enfance, et quand les illusions disparaissent, que les muscles viennent à faiblir, que les os se fragilisent, il n'y a plus de raison de ne pas se laisser emporter en ce lieu où les souvenirs apparaissent comme les ombres portées d'une réalité évanouie, car seuls ces ombres nous guident sur cette terre.

*

L'héroïsme est une manière de régler une dette que l'on n'a pas contractée soi-même.

*

La plupart des gens ne savent pas dire le monde, pourquoi ils en font partie, les incompréhensions qui les attristent, alors ils tentent de ramener le monde à eux, de le façonner à leurs mains, ils ne savent même pas que c'est le monde qu'ils tiennent, que ça en fait toute la beauté.











Franck Bouysse est un écrivain français, né en 1965, auteur de romans policiers. 

Après des études de biologie, il s’installe à Limoges pour enseigner. Professeur dans un lycée technique, il se lance en 2004 dans l'écriture avec la publication du roman, "La paix du désespoir", dans lequel il s'attache déjà à la psychologie de ses personnages.Il a reçu le prix Babelio de Littérature française 2019 pour "Né d'aucune femme" (La Manufacture de livres), Grand Prix des lectrices Elle - Policiers - 2019.

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