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Histoire du fils ⭐️⭐️⭐️⭐️

Marie-Hélène Lafon 





  • Broché : 170 pages
  • Existe en version numérique
  • Éditeur : Buchet-Chastel (20 août 2020)
  • Langue : Français






André, le fils. Pas de père, mais deux mères : celle qui l’a conçu, la Parisienne, une femme libre et à contre-courant des idées politiquement correctes de l’époque  où elle s’épanouit, et celle qui l’élève, qu’il appelle maman, au coeur de la Dordogne, berceau de la famille. 

L’enfant est heureux ainsi, et lorsque le temps viendra pour lui de devenir père, la quête avortée de ses origines ne l’empêchera pas de suivre son chemin. C’est son fils Antoine qui tentera des années plus tard de faire la lumière autour de ce père évanescent.


La chronologie est malmenée, les personnages sont nombreux, et si j’ai apprécié la douceur de l’écriture, comme toujours avec Marie-Hélène Lafon, j’ai eu le sentiment de me trouver plonger au coeur d’une fête familiale, comme lorsque l’on est présenté à une future belle-famille et que l’on soit faire des efforts désespérés pour mettre les prénoms sur les visages et reconstituer  l’arbre généalogique de l’assemblée!


J’ai beaucoup aimé le fond de l’histoire, la délicatesse du texte qui traverse avec élégance une bonne partie du vingtième siècle, mais j’ai été un peu perturbée par la déstructuration temporelle et l’abondance des personnages.  






Les pieds nus d’Armand glissent sur le parquet ; il ne veut pas réveiller Paul qui dort encore et fait son petit bruit de lèvres dégoûtant, comme un chiot quand il tète. Il va attendre un peu, mais pas trop longtemps, il ne faut pas que Paul se réveille, il gâcherait la fête des retrouvailles, Paul gâche tout. Paul et lui sont nés le même jour, le 2 août 1903 ; il sait, par sa mère et par sa tante, qu’il n’y avait jamais eu de jumeaux dans les deux familles avant eux. 

*

On était à l’étude. Il frottait ses pieds l’un contre l’autre sous le pupitre ; il avait toujours les pieds froids, même si sa mère glissait dans sa valise de courts chaussons de laine fine, gris ou noirs, qu’elle tricotait pour lui, là-haut, l’hiver, à Chanterelle. Le matin, au dortoir, il les enfilait discrètement sous ses chaussettes, ils étaient très ajustés, et doux sur la peau. On ne devait pas savoir, au lycée, que Paul Lachalme craignait le froid aux pieds et portait des chaussons tricotés par sa mère. Il avait un rang à tenir. Ils étaient une poignée, quatre ou cinq, à n’avoir pas cessé, toute l’année précédente, de clamer, proclamer et déclamer, avec lui, dans son sillage, leur hâte d’en être, d’avoir seize ans, enfin, pour s’engager, tenter au moins de le faire, et partir, quitter cette honte molle de l’arrière où les femmes, les enfants, les vieillards, les estropiés, les demi-portions et les planqués attendaient, poussant l’ordinaire des jours tranquilles avec leur ventre, tandis que les hommes vivaient ailleurs, et mouraient, au-dessus d’eux-mêmes. 

*

La demie de cinq heures sonne. On a fait dire une messe pour Gabrielle parce que c’est l’usage ; on a marmonné quelques cantiques et des prières tièdes. L’homélie fut molle, une enfant du pays, restée fidèle au pays, rappelée par le Seigneur, accompagnée par les siens jusqu’à sa dernière demeure. L’ordinaire litanie des poncifs a glissé sur André, il n’a pas prié, il ne prie pas ; à quoi, à qui Gabrielle a-t-elle été fidèle, à elle-même, à ses plaisirs, à ses secrets. 










Professeur agrégée de Lettres Classiques, Marie-Hélène Lafon choisit d’enseigner dans un collège situé en Zone d’Éducation Prioritaire. 

Elle commence à écrire en 1996. Son premier roman, "Le Soir du chien", a reçu le prix Renaudot des lycéens. Elle préside le prix littéraire des lycéens de Compiègne en 2003-2004. (Source : Babelio)

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