Abonnés

Apeirogon ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Column McCann



  • Broché : 512 pages
  • Éditeur : Belfond (20 août 2020)
  • Langue :  Français
  • Traduction (Anglais) : Clément Baude
  • Prix du meilleur roman étranger 2020






Apeirogon, une forme géométrique au nombre dénombrablement infini de côtés, une sorte de partition d’un cercle qui perd son identité. Et comme l’apeirogon, le récit est fait d’une multitude de notes, de confidences, de références historiques ou issues de textes sacrés, ou de de notions d’ornithologie.


C’est ainsi que Column McCann envisage l’état des lieux de cette poudrière aux dimensions réduites mais dont la configuration est une provocation à la haine et à la violence. La Palestine sous contrôle, enclavée au sein d’un territoire vécu comme une offense, et Israël défendant sa légitimité sur ces terres convoitées.


Toute la force de ce roman est de se placer du point de vue de deux familles, lourdement atteintes par le décès, à dix ans d’intervalle, de deux enfants. L’une était palestinienne, l’autre juive, et ont toutes les deux été victimes d’attentats aveugles. Et la force de ces pères, endeuillés et inconsolables, est d’être des partisans de la paix, de militer pour que cesse la loi du Talion, et les humiliations quotidiennes subies par les contrôles incessants, véritables armes à retardement.  En insistant sur le fait queles coupables sont aussi des victimes d’un système inique et qui ne peut conduire qu’à des passages à l’acte qui n’atteignent pas la bonne cible, quand "leurs prêcheurs sont à l’abri de la bataille ».


La construction est particulière avec mille et une entrées, comme autant d’histoires destinées à éloigner la mort. Ce n’est pas une lecture facile, mais on oublie vite l’artifice de la structure, pris par l’intensité de ce que livrent les deux pères profondément touchés dans ce qu’ils avaient d plus précieux, la vie de leurs filles. Et leur démarche de paix en est d’autant plus bouleversante. L‘amour pour balayer la haine. 


Récit qui compte parmi ceux qui laisse des traces indélébiles dans une mémoire de lecteur.




Les mares, les crevasses, les fissures, les ruisseaux, les rus, les aquifères, les ruisselets, les wadis, les cours d’eau, les chenaux, les canaux, les filets, les rigoles, les flaques, les puits, les descentes, les sources, les passages, les étangs, les lacs, les barrages, les tuyaux, les drains, les citernes, les lagons, les marais, les vagues, la marée, les mers vivantes, les mers mortes, la pluie elle-même : ici, l’eau est tout.

*

Je répète : Les nombres amicaux sont deux nombres différents reliés en ce sens que, quand on additionne tous leurs diviseurs stricts – à l’exception du nombre originel lui-même –, les sommes de leurs diviseurs sont égales.

Les nombres – tels qu’estimés par les mathématiciens – sont considérés comme amicaux parce que les diviseurs stricts de 220 sont 1, 2, 4, 5, 10, 11, 20, 22, 44, 55 et 110, lesquels, additionnés, font 284. Et les diviseurs stricts de 284 sont 1, 2, 4, 71 et 142, dont la somme égale 220.

Il n’y a de nombres amicaux qu’en deçà de 1 000.


*

L’écrivain allemand Goethe disait que l’état d’esprit qu’inspire l’architecture se rapproche de l’effet produit par la musique – que regarder une chose revient à l’entendre. La musique est une architecture liquide, écrivit-il, et l’architecture est une musique fixée.


*

Un oiseau peut voyager entre un site de nidification au Danemark et la Tanzanie, entre la Russie et l’Éthiopie, entre la Pologne et l’Ouganda, entre l’Écosse et la Jordanie, en l’espace de quelques semaines, voire de quelques jours.

Des groupes entiers, comptant jusqu’à trois cent mille individus, noircissent parfois le ciel au-dessus du corridor de terre.

Six sur dix y laissent leur peau à cause des lignes à haute tension, des pylônes, des cheminées d’usines, des projecteurs, des gratte-ciel, des foreuses, des puits de pétrole, des poisons, des pesticides, des maladies, des sécheresses, des récoltes ratées, des fusils à répétition, des pièges à appâts, des braconniers, des oiseaux de proie, des tempêtes de sable soudaines, des coups de froid, des crues, des vagues de chaleur, des orages, des chantiers de construction, des fenêtres, des pales d’hélicoptère, des avions de chasse, des marées noires, des vagues scélérates, des îles de déchets, des conduites d’évacuation bouchées, des mangeoires vides, des eaux malsaines, des clous rouillés, des éclats de verre, des chasseurs, des cueilleurs, des avions de pointage, des garçons équipés de frondes, des cercles en plastique emballant les packs de six.







Colum McCann est un nouvelliste et romancier. Il est lauréat des prestigieux prix de littérature irlandaise Hennessy (1992) et Rooney (1994) pour ses nouvelles. Il accède à la notoriété avec "Et que le vaste monde poursuive sa course folle" ("Let The Great World Spin", 2009) - prix littéraire du Festival du cinéma américain de Deauville, élu meilleur livre de l'année 2009 par le magazine Lire, lauréat du prestigieux National Book Award 2009 et du Prix littéraire international IMPAC de Dublin 2011. Ses ouvrages, traduits en 26 langues, ont été en partie publiés dans des revues.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article le plus récent

L'âge du capitaine ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

Articles populaires