Cātālin Mihuleac
- Broché : 304 pages
- Existe en version numérique
- Éditeur : Les Editions Noir Sur Blanc (20 août 2020)
- Langue : Français
- Traduction (Roumain) : Marily le Nir
Parfois, en littérature, le ton est donné dès les premières lignes. Mais la règle n’est pas universelle. Ne pas se fier au ton léger et à l’humour juif new-yorkais pratiqué par la narratrice lorsqu’elle dresse un bilan de sa situation présente. Cet humour-là cache bien des blessures profondes.
Suzy Bernstein vit à New-york et travaille dans l’entreprise familiale dont la vocation est le commerce des fripes, collectées grâce à la générosité des américains qui achètent beaucoup, donc jettent beaucoup, et destinées à faire le bonheur d’acheteurs en Europe ou ou Japon, et d’autant plus recherchées qu’elles sont proposées avec une « histoire ».
Suzy est la belle-fille, la pièce rapportée, et personne dans son entourage proche n’est curieux de connaître son histoire familiale. La Roumanie, ça se range dans la poche avec un mouchoir par dessus. Et on s’accommode de la vie de couple à l’américaine et des relations plutôt fraîches avec belle-maman.
Ça, c’est la story Bernstein. Les Oxenberg sont en Roumanie, juste avant qu’un oiseau de malheur, végétarien pétomane à petites moustaches, n’étende ses ailes sur une grande partie de l’Europe. Bonne élève, la Roumanie non seulement n’est pas en reste pour mettre en pratique les élucubrations mortifères du nabot mégalo, mais elle précède parfois les consignes : ainsi les juifs roumains ont été parmi les premiers à vivre l’enfer pour être assassinés sur place s’ils n’étaient pas entassés dans les wagons de la mort.
Quand les deux familles se retrouveront-elles ? Quel est le point de jonction entre les deux histoires ? C’est la question mystère qui donne encore un peu plus de piquant à la narration.
On admire la virtuosité de la prose (et donc de la traduction) la capacité de mêler légèreté et drame, avec un crescendo terrible, qui malgré l’abondance du thème en littérature ne peut manquer de bousculer le lecteur, dans un récit qui prend aux tripes.
C’est aussi une prouesse d’associer dans le même roman une bonne dose de critique de la société de consommation, de la malbouffe à la boulimie d’acquisitions d’objet, et l’évocation de cette part ignoble de notre histoire contemporaine que fut la Shoah.
Une lecture coup de poing , qui devrait laisser des traces.
Cătălin Mihuleac, né le 17 juin 1960 à Iași, dans le nord-est de la Roumanie, est un écrivain et dramaturge roumain.La parution de son roman "Les Oxenberg & les Bernstein" fut un événement en Roumanie, ainsi qu'en Allemagne où l'on a salué sa très grande originalité et sa force narrative imparable pour évoquer l'un des plus grands tabous de l'histoire roumaine contemporaine, le pogrom de Iași.
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