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L'agonie des grandes plaines ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️


Robert F. Jones 




  • Broché : 368 pages
  • Éditeur : Editions du Rocher (17 février 2021)
  • Langue : Français
  • Traduction (Anglais) : Béatrice Vierne
  • #LAgoniedesgrandesplaines #NetGalleyFrance






Lonesome Dove m’aurait t-il donné le goût des westerns ? Ressentir l’envie de partager la rude vie des pionniers, de m’apitoyer sur le sort des tribus indiennes, spoliées et bafouées, et tout cela en suivant l’histoire d‘une héroïne peu commune. 


Lorsque nous faisons connaissance avec Jenny, qui vient de perdre ses parents brutalement, elle supplie son frère, chasseur de bisons, de l’emmener avec lui. Si celui-ci doute des capacités de la jeune fille de tenir le coup en vivant la vie spartiate que cette activité peu féminine implique, il cède néanmoins à la demande. C’est ainsi que l’on partage un temps leur quotidien, entre la traque des troupeaux, l’abattage des bêtes, tout en se méfiant de « Mr Lo »  surnom générique  des indigènes parfois hostiles . 

 Manquent  au tableau Raleigh McKay son associé, et Tom, un métis cheyenne qui jouera un rôle primordial dans la vie de Jenny. 


Une double agression qui tourne mal, et le destin de la jeune fille change du tout au tout.


C’est une épopée vivante, que l’on imagine sans peine sur un écran de cinéma, grâce à ses personnages forts, la richesse du décor et l’intensité de leurs aventures.


C’est aussi une restitution sociologique de ce que représentait le quotidien des immigrés auto-proclamés propriétaires de ces grands espaces qu’ils ne tarderont pas à saccager, décimant les troupeaux de mammifères de toutes tailles, et l’on comprend l’animosité des indiens, non seulement bafoués dans leurs croyances mais voyant disparaitre sous leurs yeux la base de leur ressources, dans un irrespect hallucinant de la nature. On y perçoit en germe cette inconscience inouïe de ce que représente ces dons de la nature, et dont la préservation devrait être un axiome incontournable , alors que l’on observe encore et toujours l’homme blanc scier la branche sur laquelle il est assis. Et la citation du ministre de l'intérieur des Etats unis en 1873,  est édifiante : 



Dans nos rapports avec les Indiens, nous ne devons jamais oublier que nous sommes plus puissants qu’eux… Nous partons, àjuste titre, me semble-t-il, du principe que notre civilisation devrait prendre la place de leurs habitudes barbares. Nous revendiquons, par conséquent, le droit de contrôler les terres qu’ils occupent, et nous estimons qu’il est de notre devoir de les contraindre, s’il le faut, à adopter et à suivre nos mœurs et nos coutumes… Quant à moi, eu égard à son effet sur les Indiens, je ne regretterais pas sérieusement la disparition totale du bison de nos prairies de l’Ouest, la considérant plutôt comme un moyen de hâter chez eux l’éclosion du sentiment qu’ils doivent dépendre des produits de la terre.

Columbus Delano

Ministre de l’Intérieur des États-Unis (1873)



J’ai apprécié particulièrement toute la partie où l’on vit parmi les indiens, et où l’auteur décrit leurs coutumes et parle si bien de la sagesse de leurs anciens. Sans toutefois les victimiser à l’extrême, parmi eux, comme au coeur de toute société humaine, on peut aussi trouver de profond abrutis, par qui les malheurs arrivent. 



Très beau roman du far west, très documenté, sur le plan historique et incarné par des personnages denses et admirables . 


Merci à Netgalley et aux éditions du Rocher




La prairie vierge : pas encore d'ornière creusé parles roues, ni de cheminées, ni d'araignées – le bison dans toute sa plénitude. Ici, pas d'histoire, pas de numéros, pas même de résonances toponymiques : pas de traître, ni de héros. Et si cette contrée en a eu jadis, qui sait ce qu'ils signifiaient ? 
Rien que de la terre, plate, vide, illimitée et intemporelle, coupée jusqu'à l'os par des rares cours d'eau, écrasée de soleil.
Le vent souffle sans trêve, jour et nuit, jusqu'à rendre fou les hommes et les animaux.
Puis il s'arrête.
La chaleur s'accumule.

*

La panique de 1873, précipitée par la faillite de la banque Jay Cooke à New York, se répandit rapidement d’est en ouest.

Cet automne-là, des armées de trimardeurs et d’incendiaires parcoururent le pays, sans travail, sans toit, sans espoir, mutilant les pur-sang dans leur colère, brûlant les granges, s’emparant des poules couveuses pour les mettre au pot — à peine plumées, encore frémissantes — au-dessus de feux où se consumaient les planches fumantes arrachées au sol des poulaillers, avant d’engloutir à demi crue la viande veinée de rouge. La fumée s’élevait en amères et fines colonnes d’un bleu grisâtre à travers les bois automnaux, et la puanteur des maisons incendiées pesait de tout son poids sur la terre.


*

Quand les chasseurs et leurs assistants regagnèrent le camp, ce soir-là, chargés de viande fraîche et de peaux, ainsi que du corps du cavalier tué par le vieux bison, un sentiment d’excitation en demi-teinte régnait au village, pour contrebalancer les lamentations sur le sort du disparu. Little Wolf et son groupe de guerriers étaient de retour.

Ils rapportaient des scalps et des chevaux en grand nombre, mais aussi de graves nouvelles


Robert F. Jones (1934-2002), romancier, éditorialiste au Men’s Journal et journaliste pour Sports Illustrated et Fields & Stream, a écrit plusieurs ouvrages, documents comme romans, dont Jake et Upland Passage qui ont reçu des prix. 


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