Abonnés

Le bonheur est au fond du couloir à gauche ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 J.M. Erre




  • Éditeur : Buchet-Chastel (7 janvier 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 192 pages
  • Première sélection Prix orange





Le récit d’un doux dingue comme on les aime. 


La rupture a été brutale, mais dans la tête du narrateur, c’est juste un malentendu et reconquérir Bérénice nécessite simplement quelques ajustements. Google est ton ami, ou ton pire ennemi quand tu gobes tout au premier degré ! Des ouvrages de développement personnel laissés comme autant de pistes par sa douce, aux innombrables suggestions d’aide en ligne, le champ de possibles  crée un large éventail de dérives. Avec une candeur désopilante, le héros (!) entame une descente aux enfers dont il est le  seul à ne pas mesurer l’importance. 


C’est drôle, déjanté. On n’est pas loin de l’univers de Fabrice Caro dont les personnages affichent le même type de naïveté indestructible. Et pourtant avec un peu de recul, la solitude, l’exclusion sociale, la difficulté de vivre à deux tout cela transparaît dans un univers où les recettes que proposent la gluante toile d’araignée d’internet n’est qu’un leurre d’autant plus dangereux qu’attirant. L’humour est un bouclier efficace pour mettre en lumière nos failles, sans plomber l’ambiance. 




Bérénice s’accroupit dans un mouvement d’un érotisme échevelé, pousse un ahanement d’invitation au plaisir, puis se relève en brandissant L’Étranger, notre livre de chevet.

La porte claque. Bérénice disparaît. La table de chevet penche dangereusement sur la droite. Sans littérature pour caler l’existence, tout menace de s’écrouler. Je pleure.


*


Mes troubles de l’humeur sont apparus assez tôt, environ une demi-heure après ma naissance, lors de la première tétée. Il paraît que je refusais obstinément de prendre le sein, sans doute par volonté de boycotter l’hypocrite pot de bienvenue offert après mon expulsion sauvage.

Suite à neuf mois paradisiaques dans un bain d’Éden amniotique thermostat 2, j’ai été brutalement mis à la porte sans préavis. Expulsé dans le froid, nu et sans défense : on ne ferait même pas subir ça à des punks à chien squatteurs d’immeubles.

Ah, elle est belle, la patrie des droits de l’homme.


*


J’aime Michel Houellebecq, car il me donne de l’espoir.

Moi aussi, un jour, quand j’aurais atteint le stade ultime de la dépression, je deviendrai un grand écrivain humoristique. Comme Michel.


*


Pour reconquérir Bérénice, je dois d’abord comprendre pourquoi elle m’a quitté. Procédons avec méthode, car on sait depuis quatre cents ans, grâce à René Descartes, que rien de grand ne peut se faire sans méthode. Opérons donc étape par étape :

1) Je prends une bière pour m’aider à réfléchir.

2) Je prends une deuxième bière.

3) Je prends un Martini parce que je n’aime pas la monotonie.

4) Je prends une troisième bière parce que je n’aime pas le Martini.

5) Je ne comprends toujours pas pourquoi Bérénice m’a quitté.

6) Il faut que je trouve une autre méthode.

7) Y a-t-il une méthode pour trouver une bonne méthode ?

8) René ?


*


le bonheur réside dans l’élimination des importuns qui encombrent notre existence. Trépanation à la crêpière ou stérilisation à la mandibule, même combat.


Jean-Marcel Erre, publié sous la signature J. M. Erre, est un écrivain français.Il publie son premier roman en 2006, "Prenez soin du chien", une enquête loufoque mettant aux prises les locataires de deux immeubles jumeaux. En 2019, son roman "Qui a tué l'homme-homard ?" est lauréat du Prix Paris Polar et finaliste du Prix Charles-Exbrayat.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article le plus récent

Les invités de Marc

Articles populaires