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 Hervé Bougel





  • Éditeur : Buchet-Chastel (7 janvier 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 138 pages
  • Première sélection Prix orange




A dix ans, le gamin qui nous confie ses craintes vit dans un univers violent, rude, et sa vie de tous les jours se décline entre les éclats avinés de son père, lorsqu’il n’est pas ivre au point de ne pouvoir se lever, ou suicidaire, et la brutalité de l’instituteur. Quant à son frère, le futur ex-champion, l’enfant devine sans en mesurer totalement la gravité que ce qui se passe la nuit, entre lui et sa jeune soeur, appartient à ce qui ne doit pas se dire. 



Roman noir, qui traduit une réalité sociale des années 60, alors que s’élèvent des barres d’immeubles dont les minces parois sont moins efficaces que le silence pour cacher l’indicible. 


Pas d’étiquettes sur les faits, restitués par l’enfant : alcoolisme, inceste, violences, tout cela transparaît sans être dit. Reste l’angoisse, les peurs diffuses, de celles qui créent pour l’avenir le meilleur ou le pire.


L’écriture restitue  avec réalisme les confidences d’un enfant qui perçoit sans naïveté le mal qui ronge sa famille et doit malgré tout se construire sans pouvoir intervenir, démuni comme on peut l’être à cet âge. 


Le récit d’une enfance volée. 




Le dimanche à midi, c’est poulet aux olives. Mon père, un torchon accroché à l’un des passants de sa ceinture, touille les morceaux de volaille mêlés aux herbes parfumées qui remontent dans les bulles de la cuisson, du fond de la marmite.
Le dimanche à midi, c’est poulet aux olives et purée, maison.
 

*

«Je vais dans le couloir des chambres au fond de l’appartement. J’entends du bruit, un son rauque, un souffle incertain : la respiration de mon père. Je tourne la poignée de la porte, j’écarte le battant.
Un drap le couvre jusqu’aux épaules. Ses hanches et ses genoux saillent. Il est très maigre. Les yeux grand ouverts, voit-il ?
Un filet de bave s’échappe de sa bouche, à la commissure, et toujours de sa gorge le son entendu depuis le couloir. Mes mollets de coq en guimauve, le cœur à la renverse, je reviens à la cuisine. Notre mère installe les assiettes. 

*

 Dans la nuit, je regarderais les fenêtres des immeubles s’effacer une à une, il ferait bien noir, mais la lune me donnerait un peu de lumière. Je pourrais m’endormir en paix, enroulé dans mes couvertures, la tête posée sur un oreiller de feuilles, près du feu que j’aurais allumé et qui crépiterait encore de petites braises rouges. Il n’y aurait pas de mauvais réveil, il n’y aurait plus les pas de chat de Lucien dans les nuits froides, il n’y aurait pas le bruit des gifles, il n’y aurait pas les pleurs de Brigitte. Il n’y aurait pas mon père gisant sur le canapé, il n’y aurait pas ma mère qui dort si peu. Je serais bien tranquille, dans ma cabane.
J’aimerais dormir dehors, une nuit d’été. 






  • Hervé Bougel est né en 1958. A 16 ans, il quitte l’école et exerce différentes professions, jusqu’à devenir, en 1997, éditeur de poésie. Il vit à Bordeaux.







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