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L'enfant-Mandragore ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️❤️

 David Vall



  • Éditeur : Librinova (5 février 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 704 pages











A la première manipulation, l’ouvrage impressionne. Par son épaisseur, son poids, et la densité des pages emplies d’une écriture serrée. La couverture est intrigante, montage d’un tableau de Le Caravage, avec qui on fera plus amplement connaissance plus tard. Et le papier, comme la couverture sont doux au toucher. C’est un détail que je m’étonne d’avoir noté, n’étant que peu attachée à l’objet livre. Ce qui compte pour moi ce sont les histoires. Et ici c’est du lourd, et pas seulement en raison des presque 700 pages qui explorent le destin de trois personnages peu banals.


Johanna Brücke, mais on devrait plutôt l’appeler Rachel Rosenbaum, a été engagée pour soulager les souffrances d’un homme qui vit ses derniers jours. Dans le château discret où vit cet ancien officier nazi, entourée de ses serviteurs, est hébergé un jeune garçon dont l’aspect juvénile masque son âge véritable, qu’il justifie par une atteinte hormonale ayant stoppé sa croissance. 


Ce trio joue un jeu de dupe, chacun s’abritant derrière un portrait construit. Mais le plus extraordinaire est bien sûr Lucian que Johanna écoute avec doute et fascination tant ce qu’il lui raconte dépasse l’imagination…


Sans vouloir révéler le secret de ses personnages au lourd passé, le roman nous entraine « à travers l’espace et à travers le temps » avec une virtuosité prodigieuse. Du Moyen-âge à la peinture italienne du 17è siècle, de la seconde guerre mondiale aux années 70, période à laquelle se déroule l’histoire contée. Peinture, musique, botanique, thé … les domaines d’expertise sont multiples. 


C’est brillant, érudit, et laisse supposer l’énorme travail de documentation en amont, ce qu’attestent les annexes en fin d’ouvrage.


Mais au-delà des connaissances, l’art de les transmettre par le biais de ce roman foisonnant est remarquable : on ne s’y ennuie pas une minute. 


On s’attache aussi aux personnages et en particulier à cette femme blessée par la vie venue accomplir ce qu’elle considère comme son devoir, et qui se laissera manipuler par ses hôtes. 


Mention particulière pour l’enfant mystérieux : 


« La véritable question est de savoir où commencent l’illusion et la manipulation ». 


Folie ou irruption du merveilleux : chacun fera son choix….


C’est une très belle découverte dont je remercie l’auteur, qui m’a permis cette superbe escapade littéraire.


Un conseil d’utilisation : se munir d’une tablette ou d’un ordinateur pour apprécier encore plus les descriptions des tableaux de Michaelangelo Merisi 




Dans le silence de la forêt, je finis par entendre des choses. Je ne parle pas du murmure du vent dans les frondaisons ou des pas discrets d'une faune qui sait se rendre invisible, ni même du grincement des vieux chênes qui donnent parfois l'impression de gémir en vous disant le poids des âges qui pèsent sur leurs branches. Je parle de cette voix qui ne s'adresse qu'à soi, de cette voix intérieure que seul le détachement le plus total permet de percevoir, de cette voix qui nous révèle parfois certaines choses que nous préférerions ne jamais savoir.

*

Parfois, refuser ou être incapable de choisir entre le bien et le mal, entre le vrai et le faux, ce n'est pas être neutre. C'est être sage et reconnaître qu'un tel dilemme  n'est qu'une embuscade, que prendre parti revient à choisir entre la peste et le choléra.

*

Je lui ai raconté l'histoire du Caravage, celle de Mahaut, celle de tous les protecteurs qui se sont succédé, et la mienne entremêlée. Je lui ai raconté mes années romaines et mon apprentissage de la peinture avec Michael Angelo Merisi, les arcanes diplomatique dans la Venise des Doges, la France sous le règne fascinant du Roi-Soleil, les conquêtes politique et de la compagnie néerlandaise des Indes orientales, mon errance dans les sectes des moines komodo au cœur du Japon de la période d'Edo et mon retour en Europe avec l'éclosion de la première révolution industrielle nourrie au charbon et à la vapeur, la révolution française puis les guerres napoléoniennes qui m'emmenèrent jusqu'à Moscou, la seconde expansion coloniale avec la conquête de l'Algérie par la France, ma traversée de l'Atlantique vers les Amériques, la guerre de sécession puis la seconde révolution industrielle avec l'émergence des nouvelles énergies comme l'électricité, le gaz et le pétrole, mon retour en Europe à nouveau, puis ma rencontre avec Abel Breitmann que j'accompagne jusqu'en France pour le voir exceller dans l'artisanat et le commerce ; vint alors l'entrechoquement des nations après l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, l'entre-deux guerre avec ces bouleversements majeurs dans l'ordre mondial et les rapports de force transcontinentaux, jusqu'à ces nouveaux affrontements qui embrasèrent  l'Europe et le monde… C'est une ronde fascinante effroyable que l'histoire, que je me plus à lui raconter à la lumière de mon vécu.


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David Vall est directeur de recherche en sciences du comportement et vit en Bretagne. 

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