Marie Petitcuenot
- Éditeur : FLAMMARION (25 août 2021)
- Langue : Français
- Broché : 192 pages
Le propos est criant de vérité, fait d’évocations d’un quotidien tellement authentique, dans ce qui fait le décor des dernières décennies. Et qui dit l’angoisse et l’exaspération derrière le « bonheur » de la maternité.
Car avec la naissance des chères têtes blondes , on en prend pour tout une vie. Une vie d’angoisse de ce qui pourrait arriver, une vie de fatigue pour tant de nuits écourtées, une vie de cris, de bagarres, de doudous égarés, de repas insatisfaits, de revendications permanentes, une vie bruyante, trépidante, qui fait parfois de l’activité professionnelle un refuge…
Les mots iront droit au coeur des mères et remueront en réminiscence celui des grands-mères, en souvenir d’un passé qui semble si proche.
Et en filigrane, la femme, qui subit ce temps qui défile, gestion d’une couvée si vivante, tandis que les années accomplissent leur oeuvre de sape.
On est bien loin des manuels de savoir faire de Laurence Pernoud, mais malgré ce portrait sans concession, le propos n’est pas sombre. Il induit plutôt une déculpabilisation et un reconnaissance des difficultés de ce piège universel.
Un texte puissant sur la difficulté d’être mère.
Le bruit des pas derrière moi qui se précipitent pour composer le Digicode. Les premiers arrivés, les cris, les déçus, les glissades, les traces de semelles de l’un sur le pantalon de l’autre. Tout est normal. Je pose la main sur la grille glacée de l’entrée. Je vous attends. J’attends que vous retrouviez votre calme, que vous rentriez dans l’ordre. Je ne pense plus à rien. Je sens votre présence. Au bip, je pousse la grille. Vous essayez de passer tous les trois en même temps par l’entrebâillement de la porte. Elle n’est toujours pas assez large. Chaque matin vous le répète. Vous faites votre géométrie collective à coups de pied, de bousculades et de capuches retenues en arrière. Ça finit par se régler comme une mêlée de rugby. Avantage aux plus lourds. Tout me va. Notre dimanche soir est déjà bien avancé.
*
Je ne sais pas quoi faire du quotidien, de l’idée du quotidien. Je suis ambiguë, indécise. D’un côté, je n’ai jamais compris ceux qui insultent la routine. Une femme que j’ai croisée récemment, une dirigeante d’entreprise, me l’a répété à plusieurs reprises en quelques minutes, comme une confession et un talisman. Je déteste la routine, surtout pas de routine, c’est le secret. Je me demande comment on assure l’intendance en évitant la routine. On tire au sort la personne qui lance les machines, on joue les corvées aux dés, on ne dort jamais dans la même chambre, on invite toujours des personnes différentes à dîner ?
*
Il me reste neuf minutes et l’épisode de ma série s’est terminé. Je continue sur mon vélo elliptique. C’est long, neuf minutes. Alors je reprends la tablette en quête d’un stimulus numérique. Tout pour échapper à la fin de l’interview de Jean-Jacques Bourdin. Il y a des matins Jean-Jacques Bourdin. Mais pas ce matin. On ne sait pas à quoi ça tient. Cette tablette, ce n’est pas la mienne. La mienne n’avait plus de batterie ce matin. Alors pour pouvoir regarder mes séries, c’est la tienne que j’ai attrapée, ma fille, sans te demander l’autorisation. Elle était là, tu étais déjà à l’école. Alors pour tuer le temps, je me suis mise à naviguer dessus.
Marie Petitcuénot, après des études de sciences politiques, a travaillé dans le conseil et la communication d’influence. Elle est par ailleurs la créatrice du podcast Michelle, qui raconte des histoires de femmes libres. Ce qui gronde est son premier roman (Source : éditeur)
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