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Le parfum des cendres ⭐️⭐️⭐️⭐️

Marie Mangez 




  • Éditeur ‏ : ‎ Finitude Editions (19 août 2021)
  • Langue ‏ : ‎ Français
  • Broché ‏ : ‎ 236 pages








Même s’il utilise fard et pinceaux, Sylvain exerce un métier qui manque un peu de glamour, et s’il colore avec soin lèvres et pommettes, ce ne sont pas ses patients qui l’en remercieront. Il est thanatopracteur, et permet ainsi aux familles endeuillées de garder le souvenir d’un visage apaisé pour leur proche qui a rejoint une autre rive. 


La jeune femme qui lui a demandé de pouvoir observer sa pratique de l’embaumement est un thésarde, éternelle étudiante. Elle a déjà fréquenté plusieurs collègues de Sylvain, mais quelque chose l’intrigue cette fois, dans la manière d’examiner les sujets et de leur attribuer une palette d’odeurs personnelles qui le guide pour choisir ce qu’il va utiliser.


C’est un véritable ours, un taiseux, à la limite du malpoli et Alice devra prolonger son stage pour tenter de comprendre le fonctionnement de ce drôle de paroissien….


Il est évoqué à plusieurs reprises, et on pense bien sur à Jean-Baptiste Grenouille, héros du roman de Patrick Süskind, en raison des multiples allusions au parfum. Et pourtant rien de commun entre ces deux personnages.


L’histoire évoluera, on s’en doute vers quelque chose d’intime entre les deux protagonistes, tout le suspens réside dans la façon dont Alice brisera ou pas la carapace de Sylvain et comment elle découvrira son secret.


Le roman est plaisant par le caractère atypique des personnages, par le paysage sensoriel qui revient en boucle, évoqué avec beaucoup de finesse. Malgré la présence constante des cadavres,  on ne ressent pas de malaise, peut-être grâce au traitement que leur applique le thanatopracteur et toute l’attention qu’il y consacre.


Un joli roman, dont le sujet risqué est traité avec délicatesse et originalité.




Bernadette était allongée, paupières fermées, les bras sagement étendus le long du corps. Au cœur de ses joues sillonnées de rides, légèrement affaissées, on distinguait le creux des fossettes, centres névralgiques d’un visage encore animé par des années de sourire. Visage arborant désormais une expression sereine – Bernadette attendait que l’on s’occupe d’elle, remettant placidement son enveloppe charnelle aux soins d’autres mains que les siennes.

*

La houle… ça bourlinguait dans la cale, en haut, en bas, chute dans le creux de la vague et on remonte, et on redescend, et rebelote. Pétard. Ça finira donc jamais. La cale exhalait des odeurs de bois humide et chaud, avec une pointe d’épices, de la cardamome et de la muscade, putain non, pas encore la muscade… de la vanille aussi, des cargaisons d’épices transbahutées à travers la soute au gré des rouleaux, et lui aussi, un container parmi d’autres attendant d’être livré à bon port… et ça remonte, et ça replonge, et ça remonte…

Replonge…

Re… monte…

Sursaut. Plafond jaune. Qui tangue un peu.

Il se redressa brusquement, oh là là non ça tourne, mal de mer, se rallongea tout en maintenant les yeux ouverts, plafond jaune, qu’est-ce que c’était que ce bordel ?


*


La porte claqua violemment, la veste voltigea dans les airs et le corps de Sylvain se propulsa dans l’appartement qu’il parcourut de long en large, d’un pas enragé. Ce corps était un véritable bloc de lave en fusion, une éruption brûlante et incontrôlée. Il s’élança vers la bouteille de vinaigre, l’antidote alcoolique de Ju’ contre les incendies intérieurs, s’en servit un verre d’une main tremblante, puis un deuxième ; ça ne fit que carboniser encore davantage ses entrailles, pas étonnant, ce truc n’avait jamais fonctionné sur lui, ça ne le calmait pas du tout.






Marie Mangez vit à Paris et suit des études d'anthropologie. Le parfum des cendres est son premier roman

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