Zoé Cosson
Aulus est un tout petit village de montagne, agonisant, déserté par la jeunesse et le second souffle apporté par quelques néo ruraux toisés d’un oeil suspicieux par ce qui reste de la population locale, sera sans doute insuffisant pour assurer la relève.
Le père de la narratrice est un de ces doux rêveurs, prêts à consacrer toute leur énergie pour une cause perdue d’avance. C’est ainsi qu’il fait l’acquisition d’un hôtel délabré et tente de lui redonner un aspect décent, dans un but indéterminé (il n’est pas question de faire renaitre de ses cendres la station de curistes renommée du début du 20è siècle). Caprice d’un citadin idéaliste, ou lutte désespérée contre une entropie galopante ?
La narratrice observe l’entreprise avec un regard mi-amusé mi-inquiet, mais profite de l’isolement créé par la géographie des lieux pour se nourrir de la nature ambiante.
Hommage du temps révolu, des vestiges d’une époque à la fois récente et si lointaine, ce roman est un constat de la fragilité de ce qui nous construit et peut sembler pour un instant ancré dans l’éternité.
Roman nostalgique, imprégné d’une tendresse pour le passé qui nous a modelé, porté par une écriture simple et belle.
107 pages L’Arbalète Gallimard 7 octobre 2021
68 premières fois
J’observe mon père. Sa tête droite, tenue, ses yeux posés sur l'horizon. Il fixe la ligne bleue qui barre le pare-brise, les Pyrénées devant. Il n'a qu'une main sur le volant et le camion file tout droit. On traverse une série de villages désolés, His, Caumont, Lorp-Sentaraille, abandonnés le long de la départementale. Les maisons sont flétries, fermées, les murs à peine debout. Elles me filent le bourdon ces maisons.
*
Les jours sans nuages, je pars cueillir des fleurs poilues. Des chardons bleus, des crocus à peau de soie. J'allonge les végétaux sur des feuilles blanches, j'écrase de livres, je prépare les itinéraires pour les marches d'été. J'explore, j’apprends.
*
J'apprends la lumière du matin qui peine, vacille, s’élève faiblement au-dessus des crêtes avant de peindre chaque brin d'herbe. J'attends qu'elle glisse et relève la soulane, la pente de lumière. Ensuite le grand rond jaune domine tout-puissant, le temps de tracer son bout d'arc trop court et de retomber de l'autre côté de la vallée, le mauvais, pas le nôtre.
Née en 1995, Zoé Cosson intègre en 2021l’École Supérieure d’art et de design de Reims où elle développe une pratique hybride à l’intersection de la vidéo expérimentale, du documentaire et de l’écriture. Aulus est son premier roman.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire