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Léopoldine ⭐️⭐️⭐️⭐️

Thierry Consigny
















On ne présente pas Léopoldine. Le prénom est depuis longtemps associé au grand écrivain, que la mort de sa fille anéantit, avant de lui inspirer un souffle romantique sublime.


L’auteur revient sur les circonstances de cette mort tragique, que l’auteur met en parallèle avec le décès de sa propre fille, ce qui lui confère une légitimité dans la genèse d’un chagrin immense et infini. Le deuil de deux pères que rien ne peut consoler.


Mais Juliette Drouet est là, illégitime mais présente, insatiable correctrice et muse du romancier volage. Le texte n’ignore pas ces faits : Hugo multipliait les conquêtes, au vu et au su de tout son entourage. Son épouse légitime, Adèle,  semble ne pas s’en offenser, assez encline elle-même à ne pas suivre à la lettre les termes du contrat. Juliette a un peu plus de mal quand, petite main pour relire les écrits jetés d’un trait sur le papier, Victor s’affiche avec Léonie. Il sera même rival de son propre fils pour les beaux yeux d’Alice Ozy. 


Pas de jugement moral dans ce texte : il s’agit surtout de faire le parallèle entre l’immense douleur qui l’accable et malgré tout une nouvelle énergie, après trois ans de marasme, et l’émergence du monumental roman-phare Les Misérables.


La douleur comme inspiration, c’est le thème central de ce récit, qui fait la part belle à un certain nombre de sublimes poèmes, dont le Demain dès l’aube.


Ce récit poétique est aussi un hommage à l’écrivain universellement connu, un portrait qui met en lumière les contradictions inouïes de cet homme, qui multiplie liaisons mais défend les femmes avec toute la conviction dont il est capable. 


198 pages Grasset 11 mai 2022

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Juliette Drouet, Victor Hugo. Ils avaient trente ans, lui un peu plus, elle un peu moins . Leur amour avait été fulgurant, idéal, charnel, spirituel. Ils s’étaient retirés du monde. Il serait plus juste de dire qu’elle s’éteint retirée du monde, comme on prend le voile. Elle s’était recluse, elle avait abandonné le théâtre. Hugo, lui, avait poursuivi sa carrière. Mais, poète et dramaturge à succès, à scandale, pour lui aussi leur amour était un refuge, loin d’un monde où il se dédoublait d’un personnage qui n’était pas lui-même.


*


A la table des Tuileries, Hugo est assis non loin de Léonie, qu’il a reconnue d’après son portrait. Il ne la quitte pas des yeux, elle finit par se tourner vers lui. « De son regard plein d’ombre, il sortit une flamme, je l’aimai » , notera-t-il le lendemain, sans se rendre compte que c’était la même ombre, la même gravité, et aussi la même flamme, qui le bouleversait dans le regard de Léopoldine. 


*


Pour le meilleur et pour le pire, il va peu à peu mettre sa poésie dans son engagement politique, avec autant de naïveté sur l’immédiat que de vision sur le lointain, autant de sensibilité à la condition humaine, la condition des femmes en particuliers -Hugo, séducteur, est aussi l’un des premiers féministes-, que de conservatisme, autant de virtuosité dans le verbe que de maladresse dans l’action. 




 


Publicitaire, enseignant à Sciences Po, où il anime avec Laurent Le Bon un cycle de conférence sur le thème « Quand l’art déborde », Thierry Consigny est l’auteur de La Mort de Lara, La Grande Vie (Flammarion 2006 et 2007) et, avec son fils Charles de Le soleil, l’herbe et une vie à gagner (JC Lattès, 2011).


 



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