Cet éloge de la culture russe, je pourrais le reprendre à mon compte. Depuis longtemps attirée par l’histoire, séduite par la langue que j’ai même étudiée pendant quelques années, frissonnant au son des choeurs de chants traditionnels.
Je ne fais pas l’amalgame entre la Russie et le despote fou qui pourrait tout faire exploser. Le peuple russe ne partage pas forcément sa mégalomanie , ou lorsqu’il le fait c’est formaté par la propagande . Donc oui, même en ces temps troubles on peut aimer la Russie.
Mais il ne s’agit pas non plus d’un territoire de rêve, et ce peuple qui a beaucoup subi reste ancré dans des traditions que ne partagent plus les occidentaux, en particulier et c’est là le sujet sur le statut de la femme. « S’il te bat c’est qu’il t’aime » « un aphorisme en forme de passe-droit auréolé d’une culture ancestrale. Or en Russie les violences conjugales sont considérées comme normales, les femmes qui osent signaler leur détresse aux autorités n’obtiennent aucune écoute et encore moins de possibilité de recours.
Le fait divers sur lequel se construit le roman est récent, 2019. Trois sœurs, comme un écho au titre de Tchekhov , ont tué leur père qui leur faisait subir depuis des années inceste, torture et autres humiliations. Au su et au vu de l’entourage : les parois sont minces dans les appartements staliniens.
Outre son amour pour la culture russe, l’auteur connaît aussi ce qu’il en coûte de tomber amoureuse de celui qui au départ méritait le titre de prince russe. Et l’auteur analyse avec finesse les processus de l’emprise et les difficultés de sortir de ses situations dangereuses une fois que tout s’est mis en place. D’autant que le phénomène se reproduira pour elle dans sa vie de couple.
Le discours construit sur un champ contre champ est solidement étayé et on souhaite que les femmes russes puissent aussi un jour affirmer leur place et que les autorités reconnaissent l’iniquité de telles pratiques avec l’assentiment de toute une structure judiciaire.
320 pages L’Iconoclaste 18 Août 2022
Biot -znatchit lioubit - s’il te bat, c’est qu’il t’aime, ce n’était donc pas seulement pour l’amoureux, ça valait aussi pour le père. Et, surtout, il fallait que ça reste calfeutré à la maison. C’était ce que semblaient penser tous les fonctionnaires et députés russes qui insistaient régulièrement dans leurs prises de parole sur le fait que les histoires de violence domestique relevaient de problèmes familiaux internes, et devaient se régler en famille.
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Je m’étais dit que je devais raconter cette histoire, mais pas seulement. Je voulais raconter tout ce qui foutait le camp en Russie, sans mettre de côté tout ce que j’y aimais, tout ce qui me remuait, tout ce qui était beau au-delà des préjugés et des on-dit.
Née à Angers, d'origine italienne par ses grands-parents, Laura Poggioli tombe en amour de la langue russe au lycée. Elle poursuit son apprentissage à l'université en parallèle à ses études à Sciences-Po.
Trois soeurs est son premier roman
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