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Les enfants endormis ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Anthony Passeron










Cela commence par les confidences laconiques d’un père taiseux, dont la colère rentrée se manifeste dans des propos aussi brefs que rageurs. S’il s’était déplacé jusqu’à Amsterdam, c’ était « pour aller chercher ce gros con de Désiré ». On apprendra peu à peu ce qui se cache derrière les paroles sibyllines. 


Dans l’arrière-pays niçois, dans les années 80, la tradition prime sur l’aventure. La vie de labeur des ancêtres semble bien se transmettre sans déroger aux habitudes. Mais si le père du narrateur endosse le costume familial et fait carrière dans la boucherie paternelle, Désiré, l’oncle, semble promis à un avenir plus facile, par le biais d’études plus approfondies que son frère. Avec le bac, il décroche un poste dans une étude notariale. La famille est comblée. Jusqu’à ce que brutalement il plaque tout pour se rendre à Amsterdam. Le début d’une descente aux enfers, et d’une lutte vaine contre l’addiction.


Les chapitres consacrés à l’histoire familiale altèrent avec une autre chronique : nous sommes au début des années 80, une mystérieuse maladie se répand rapidement dans des groupes de patients chez qui on retrouve des pratiques communes, l’homosexualité et l’injection de drogues, avec pour effet de les stigmatiser, et de retarder ainsi les travaux qui commencent à s’y intéresser.


C’est passionnant. Par la qualité de la narration et l’art de la formule en ce qui concerne l’histoire personnelle de Désiré et de sa famille, mais aussi par la façon simple et pourtant bien documentée  des années sida. Tout y es : les balbutiements de la recherche, limitée dans ses moyens, en raison du peu d’intérêt suscité par le sujet, de la part d’équipes qui n’y croient pas (quelques décennies plus tard, on aura, dans des circonstances proches, aussi nié l’évidence), la concurrence délétère dans la course à la découverte, les espoirs enfin.


Les deux niveaux de narration s’accordent à merveille et renforce l’intérêt du lecteur. Le drame vécu aux fins fonds de l’arrière pays niçois se projette en miroir sur une affaire qui concerne la planète entière.


Une très belle découverte de cette rentrée 


273 pages Globe 25 Août 2022







Un jour j’ai demandé à mon père quelle était la ville la la plus lointaine qu’il avait vue dans sa vie. Il a juste répondu : « Amsterdam, aux Pays-Bas ». Et puis plus rien. Sans détrôner les yeux de son travail, il a continué à découpé des animaux morts. Il avait du sang jusque sur le visage.


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En dépit des observations réalisées par les chercheurs de l'institut Pasteur, le professeur américain Robert Gallo refuse d'envisager que le virus responsable du sida soit véritablement différent du HTLV, le premier rétrovirus humain qu'il a lui-même découvert en 1980. Son prestige international repose essentiellement sur ce travail.


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C’était le dernier combat de ma grand-mère : protéger sa petite-fille de la réalité. Elle était impuissante face à l’avancée inexorable de la maladie, elle ne se battait plus que pour préserver ce qui pouvait être encore : les apparences d’une vie normale pour Émilie.










Anthony PASSERON est né en 1983 à Nice où il y fait ses études. En 2010, Il devient professeur de Lettres et d’Histoire-Géographie en Seine Saint-Denis. En 2015 Anthony Passeron créé le groupe Pop Folk, The dead fox on the road avec Laetitia Faure. Il sortent un premier disque en 2016 et après un succès remarqué dans la presse (Les Inrockuptibles, FIP, 20 minutes), ils dévoilent un second en 2018. Parallèlement Anthony Passeron se lance dans l’écriture. Il écrit son premier ouvrage, L’art délicat de rater sa vie, un recueil de poésie autobiographique mêlant humour et tragédie. 


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