Fiona Mozley
Mais le quartier est attractif pour les spéculateurs avides, qui mettent la pression sur les occupants pour les faire déguerpir et récupérer de précieux mètres carré monnayables. La puissante Agatha tente de faire main basse sur les immeubles tandis que d’inquiétants tremblements agitent de temps à autres les murs lépreux des bâtiments.
Résumé ainsi, le propos est limpide; Mais ce serait sans compter avec le talent de narratrice le Fiona Mozley, qui dresse un portrait complexe et terriblement humain de la vie du lieu. Avec une virtuosité dans l’écriture qui donne parfois le vertige.
On est loin du classicisme de Jonathan Coe (que je ne renie pas, loin de là). L’autrice appréhende le récit avec un modernisme et une audace intéressante.
On prend le parti des dames qui louent leur corps pour survivre, même si celle qui incarne la méchante et dont on découvre peu à peu l’histoire exerce une sorte de revanche vis à vis d’un passé difficile.
J’ai apprécié de découvrir cette autrice étonnante et l’ambiance particulière qu’elle instille dans ce roman d’un Londres si différent des clichés rebattus.
352 pages Joëlle Losfeld 1 septembre 2022
Traduction (Anglais) : Laetitia Devaux
Au coin de la rue, il y a une vieille brasserie française avec des nappes à carreaux rouges et blancs. Le restaurant Des Sables existe depuis des décennies, et il n'a que très peu changé. Il sert toujours les mêmes plats, les ingrédients proviennent des mêmes fournisseurs, les vins des mêmes vignobles. Les bouteilles sont toujours rangées sur les mêmes étagères, après les avoir dépoussiérées, on verse sur leur contenu soyeux dans les mêmes verres, ou des verres similaires qu'on a rachetés pour remplacer ceux qui ont été cassés. Les assiettes sont toujours les mêmes : rondes, petites, en porcelaine.
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C'est un drôle d'endroit. Feast se compose d'une seule longue table dressée dans un théâtre désaffectée de Soho. Les convives prennent place sur les bancs pour déguster de la viande en provenance d'un animal cuit très lentement. La place qu'on choisit à une incidence sur le prix et le morceau de viande que vous sert. Ce système est censé réhabiliter une coutume ancestrale ou le rang social déterminait quelle portion de l'animal on mangeait, et quand. Là, le facteur n'est pas le rang social, mais le prix. Autrement dit, on peut choisir de payer beaucoup pour s’assoir à l'endroit où on mangerait du filet, ou de payer bien moins cher pour être à l'autre bout et manger des morceaux moins nobles. Le côté « entreprise solidaire » du concept, c'est qu'au bout du compte les sans-abri et les personnes qui dépendent des banques alimentaires ont droit au bouillon de viande fait à partir des os.
Fiona Mozley est romancière et médiéviste anglaise, née en 1988
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