Abonnés

Ma tempête ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Eric Pessan











Si ce jeune père garde sa fille à la maison, c’est d’une part parce que la crèche est en grève, d’autre part parce que son métier de metteur en scène lui permet de rester chez lui lorsqu’il ne doit pas diriger sa troupe. D’ailleurs, il vient d’apprendre que la pièce à laquelle il a consacré beaucoup de temps récemment vient d’être annulée. La conversation avec une fillette au stade préverbal du langage risque fort de tourner au monologue mais cela ne décourage pas notre admirateur de Shakespeare. C’est grâce à ce qu’il explique à l’enfant que nous, lecteurs, faisons connaissance avec La tempête, célèbre drame de l’auteur anglais le plus connu. 


Ce roman m’a captivée à plus d’un titre, et en particulier pour cette mise en scène de la pièce de Shakespeare qui se déroule  au fil des pages, interprétée par le narrateur. 


On comprend aussi ce que signifie le mot précarité pour les artistes, dépendant du bon vouloir des pouvoirs publics pour les subventions qui permettront ou pas de mener à bout leurs projets. 

Tout cela implique aussi un défaut de reconnaissance de l’entourage, qui ne parvient pas à identifier à un métier cette occupation aléatoire et mouvante. 



Enfin on apprécie le côté papa poule et l’intensité du lien qui se crée entre l’enfant et le père, en lien étroit par le langage, malgré le gouffre  qui les sépare sur le plan de l’expression. 


J’ajouterai la beauté des descriptions, qui concernent surtout la pièce de théâtre. 



Un court roman que j’ai vraiment beaucoup aimé. 


160 pages aux forges de Vulcain 25 août 2023








Un navire est en perdition. Des vagues immenses masquent le ciel, dansent, et se rient des efforts humains. L'homme appartient au sable, à la glèbe, et au roc pas à l’écume, aux rafales et aux abysses ; marins et passagers fixent de leur regard écarquillés la fureur de la nature, il s’en trouve pour inviter l’eau déchainée à briser leur nuque d'un coup comme on abrège les souffrances d'un animal, plutôt que de continuer à le torturer.


*


L'époque moderne voudrait des écrivains libres et guidés par leur seule volonté créative, ils ont toujours été les vassaux, obéissant à mille maîtres : les commanditaires, les rois, les mécènes, l'air du temps, l'époque, la censure, le goût, la faiblesse, l'impératif besoin d'un repas, les subventions, le bon vouloir des metteurs en scène, les bourses des institutions, jamais nulle part l'écrivain n'a été libre, c'est ainsi, et cela ne l’a pas empêché de construire des chefs-d’œuvre.


*


Jusqu’à quel point deux personnes qui s’aiment peuvent étirer le silence sans que ce soit leur amour qui se déchire ?


*


Shakespeare est un puzzle vieux de plus de 400 ans dont de nombreuses pièces ont été égarées. Il faut prendre garde à ne pas demander aux auteurs classiques une cohérence que nous sommes incapables d'exiger de nos propres vies.




Éric Pessan


Éric Pessan est un écrivain français. Il est auteur de plusieurs romans, de fictions radiophoniques, de textes de théâtre, ainsi que des textes en compagnie de plasticiens. Il anime également des rencontres littéraires et des débats, ainsi que des ateliers d’écriture. Il collabore aussi régulièrement au site Remue.net


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Article le plus récent

La mère au foyer ⭐️⭐️⭐️⭐️

Articles populaires