Marie Semelin
Elle a une petite trentaine, elle vit en coloc chez Simone, à qui elle tient compagnie, mais elle est sur le point de franchir le pas et de délaisser la vieille dame pour vivre chez son amoureux, même si celui-ci semble passer le plus clair de son temps au travail dans le bar qu’il exploite à Paris. Mais Simone meurt, et fait avoir à Anna qu’elle veut être enterrée à Jérusalem. Un non-sens pour Anna qui préférerait que la sépulture soit plus accessible pour elle et comme elle ne comprend pas cette demande, elle n’en tient pas compte. Mais il semble bien que cette exigence ait fuitée et Anna est la cible de critiques acerbes de la part de la famille, même s’il en reste peu. De plus un coup de fil énigmatique l’informe qu’elle hérite d’un appartement qui appartenait à Simone, à Tel Aviv ! Le choix est clair : elle se rend là-bas.
De nombreuses surprises l’attendent sur place, d’autant que nous sommes en 2024 et que la guerre fait rage. C’est avec obstination que la jeune femme tentera de comprendre l’histoire de la famille de Simone, de savoir pourquoi elle a abandonné un fils en bas âge pour faire sa vie à Paris. Elle voudrait aussi retrouver le lieu de son inhumation.
Sur une base romanesque captivante, ce récit nous plonge dans les affres de cette guerre bien contemporaine, et nous fait comprendre, bien plus que des chiffres ou des bilans, le quotidien dramatique du peuple palestinien. L’autrice connaît parfaitement le sujet mais c’est aussi tout son talent de narratrice qui se révèle dans ce premier roman bouleversant.
Sans prendre parti, sans ingérence politique, Marie Semelin dresse un portait d’une région martyrisée depuis bien longtemps :
« d'ailleurs ça a commencé quand cette histoire ? 1967 ? 1948 ? 1936? Balfour, 1917 ? On ne sait plus, ça fait trop longtemps.
On vit aussi le quotidien d’un soldat, qui vit l’horreur, une horreur qui devient la normalité .
La seule solution pour dépasser la trouille, c'est d'avoir un couteau entre les dents, encore plus gros que le leur, c'est d'être encore plus cruel, encore plus, sans pitié, c'est se dire que c'est toi qui va les massacrer, les démolir, les terminer, les foutre en morceaux, qu'ils supplient pour que ça s'arrête, ça ne s'arrêtera pas. C'est ça qu'il faut se dire. Il faut devenir un animal.
Ce n’est pas un roman anodin, il est ancré dans une réalité bien actuelle et c’est ce qui est encore plus émouvant. Inquiétant aussi : on ne voit pas comment on pourrait sortir de ce gâchis.
Merci à Netgalley et aux éditions Lattès.
342 pages Lattès 20 août 2025
#Lescertitudes #NetGalleyFrance
C'est un grand et harmonieux cercle d'hostilité, les Ashkénazes détestent, les Mizrahim, qui détestent les arabes, qui euxdétestent les juifs, qui se détestent entre eux. C'est agréable de haïr, un endroit bien confortable, où l'on se sent appartenir.
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Saluer le passant, poignée de main rapide, ça va, ça va et toi, ça dit oui par automatisme, en vrai c'est non, ça ne va pas du tout et c'est pareil pour tout le monde, mais ils sont au courant, ils ne vont pas le répéter chaque fois qu'ils se croisent. Ils y passeraient la journée à énumérer les malheurs, d'ailleurs de temps en temps ils cèdent, ça soulage un peu, moyen.
Marie Semelin a entre autres été journaliste au Moyen-Orient pour Radio France et le quotidien belge Le Soir.
"Les certitudes" est son premier roman.
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