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Le soldat perdu de Jeanne Bonheur ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Benoît Hopquin











Pour cette génération de paysans français, les mots sont un luxe dont il ne faut pas abuser. 



« Ça inhibe, forcément, de telles leçons de mépris, ça fait réfléchir à deux fois, la perspective d'une taloche à chaque erreur lexicale, ça renforce l'idée que les mots sont des pièges et même des ennemis de classe. Ça incite un peu plus à se taire. »



Alors en réponse au « Faut me le dire » de Jeanne, « Faut qu’on y aille » représente une détermination farouche et définitive pour accomplir le souhait de la jeune femme.

Nous sommes entre les deux guerres. Anselme et Clovis ont vu dans leur corps et leur âme le horreurs des tranchées, et surtout, Anselme y est resté. Anselme qui n’aura connu sa fille que dans le court intermède d’une permission éclair. Pourtant sa disparition a laissé un doute à ses deux compères.



La promesse les engage, ils partent sur le chemin qui les ramène sur les lieux où ils ont connus l’enfer, en compagnie de Jeanne, qui ne reviendra pas sans élucider le mystère qui entoure l’absence d’Anselme.


Hormis le fait que la guerre est particulièrement bien évoquée, et que l’auteur parvient à nous faire ressentir les émotions et le raz de marée psychique subis par les poilus, gueules cassées parfois, âmes brisées, toujours, on nous convie à une magnifique histoire, d’une quête des origines qui sort de l’ordinaire, avec une belle surprise dans le déroulement de cette intrigue.


On s’immisce également dans le quotidien d’un pays profondément rural, et si loin des délires de conquêtes des puissants, qui ne mettront jamais en balance l’intérêt de déclencher un conflit et la vie de millions d’hommes jeunes. 


Un très beau  roman de la guerre et de ses absurdités, une magnifique histoire d’amour familial qui survit à la mort, avec cette volonté de réparer dans la mesure du possible les outrages de la violence imposée.


Un superbe premier roman.


Merci à Netgalley et aux édition du Seuil.


352 pages Seuil 2 mai 2025

#LeSoldatperdudeJeanneBonheur #NetGalleyFrance 






Ça inhibe, forcément, de telles leçons de mépris, ça fait réfléchir à deux fois, la perspective d'une taloche à chaque erreur lexicale, ça renforce l'idée que les mots sont des pièges et même des ennemis de classe. C'est incite un peu plus à se taire.


*


Il ne disait pas que Dieu n'existait pas, Anselme, il n'avait pas cette prétention déicide. Il disait juste qu'il n'avait plus envie qu'il existe. Mettons que Dieu était un autre copain qu'il avait perdu sur le champ de bataille.


*


Même les morts sont demeurés droits et debout. Plus encore les morts. Eux, ils n'auront pas connu l’effroi de l'après, de la peur rétrospective qui vous fracasse, et vous avilit quand on ne s'y attend plus et vous transforme en  bête peureuse féroce.


*

 

C'est parce que nous, nous savons mortels que nous avons inventé l’immortalité.

 

Benoît Hopquin



Benoit Hopquin est spécialiste de la Diversité au journal « Le Monde »

Benoît Hopquin est journaliste au Monde à la rubrique environnement

La mer est un mur ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Marin Postel 











L'île de Quiésay , c'était comme un quartier qu’aurait recraché la ville portuaire de Longuemer, sur la côte, et qui serait parti s'écraser dans la Manche à vingt  kilomètres. Les mêmes marées sombres, le même granit bouffé par les lichens, les mêmes sentiers bordés de ronces et d’ajoncs. Aborder ici, pourtant, revenait à pénétrer dans un espace hors du monde.


C’est dans ce cadre un peu hors du temps, avec cette ambiance propre aux îles, même si elles ne se situent qu’à quelques encablures du continent, et ne s’étendent que sur quelques kilomètres carré, que prendra racine une histoire aussi sombre que romantique.


Cette île pour la famille de Joseph, c’est un refuge, un bonheur promis qui revient chaque année, à l’occasion des vacances, puisqu’ils font partie de cette population saisonnière, bien campée sur son territoire


Devenu adulte, il avait voulu élever de la même façon ses descendants, « la mer ici on l’aime et la partage de père en fils » 


et ne nouant quasiment aucune relation avec les hôtes des casemates , les îliens qui vivent de la pêche. Ces deux mondes qui ne se mêlent pas, ont cependant le même regard méprisant, pour les touristes à la petite journée. C’est ainsi, depuis longtemps et les frontières qui les séparent sont de celles qu’on ne franchit pas, avec une seule exception, la fête du 15 août !


Pourtant, Antoine, le frère de Joseph, est attiré par ce qui se vit dans le coeur de l’île, et se lie d’amitié avec Baptiste fils de pêcheur et futur pêcheur lui-même.


Même lorsque la narration évoque la douceur de ces vacances, tradition familiale, que le père tente de perpétuer pour transmettre cet art de vivre maritime à ses enfants, on pressent le drame.


Les pages sont hantées par l’angoisse de voir survenir une violence inéluctable, à l’aune de la force des sentiments évoqués. C’est en cela que ce récit est profondément romantique, et c’est ce qui fait son charme.


Roman initiatique qui explore avec pudeur les passions adolescentes, porté par une superbe écriture, qui m’a séduite dès les premières phrases. Un premier roman très réussi.


192 pages Phébus 16 janvier 2025







L'île de Quiésay , c'était comme un quartier qu’aurait recraché la ville portuaire de Longuemer, sur la côte, et qui serait parti s'écraser dans la Manche à vingt  kilomètres. Les mêmes marées sombres, le même granit bouffé par les lichens, les mêmes sentiers bordés de ronces et d’ajoncs. Aborder ici, pourtant, revenait à pénétrer dans un espace hors du monde.


*


Devenu adulte, il avait voulu élever de la même façon ses descendants, « la mer ici on l’aime et la partage de père en fils » 


 

Marin Postel


Après ses études de droit, Marin Postel s’installe au Vietnam où il passera quatre années. 


De retour en France, il exerce différents métiers, qu’il sacrifie autant que possible à l’écriture. De ces heures perdues naissent principalement des poèmes mis en musique. "La mer est un mur" (2025) est son premier roman.


La femme du médecin ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Fiona Sussman











Eliot, un éternel enfant de vingt-deux ans dont les capacités intellectuelles contrastent avec l’immaturité, est très lié à son voisin, un vieil homme qui lui confie de petites tâches contre une modeste rétribution. Ce matin-là sa balade l’a amené sur une scène qu’il a du mal à comprendre : le corps d’une femmes git en contre-bas d’une falaise. On saura peu après de qui il s’agit. 


Toute une petite communauté est impliquée dans ce drame. Eliot, bien sûr avec ses différences et son diabète, la famille Andino, Stan et Carmen, et leurs jumeaux adolescents ainsi que le  bon docteur Austin Lamb, qui va se trouver au coeur de l’affaire. 


Celle que l’on soupçonne immédiatement est Carmen à qui l’on a récemment diagnostiqué une tumeur cérébrale, qui entraine des troubles du comportement importants. Mais ce qui fait le sel de cette histoire, c’est finalement que chaque personnage aurait un mobile pour avoir pousser la femme du haut de la falaise. Une recherche pointue d’indices alimente l’intérêt du lecteur pour résoudre cette affaire avant le sergent détective Ramesh Bandara, un fin limier qui ne veut pas en rester aux conclusions approximatives de ses collègues qui classent l’affaire comme un suicide…


Un polar australien très sympathique, qui n’est pas sans rappeler les romans de Liane Moriarty, tant pour  le milieu où évoluent les personnages que dans le déroulement de l’enquête.


Un excellent moment de lecture à recommander à tous les amateurs du genre. Autant pour la qualité de l’intrigue que pour l’analyse psychologique des personnages.


Merci à Netgalley et aux éditions Mera. 


364 pages Mera 13 juin 2025

#LAFEMMEDUMÉDECIN #NetGalleyFrance



Fiona Sussman


Née en 1965, Fiona Sussman est une autrice de romans à suspense, née à Johannesburg, en Afrique du Sud. Elle a émigré en Nouvelle-Zélande il y a plus de trente ans. Médecin généraliste de formation, elle a décidé en 2003 de raccrocher son stéthoscope pour se consacrer pleinement à sa passion : l’écriture.


Qu'importe la nuit ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Claire Jehanno 











Jérôme est hanté par cette nuit où il est rentré au volant de la voiture de son ami, Monti, après avoir bu et fumé. Il a heurté quelque chose, s’est juste arrêté sans distinguer ce que c’était, sur cette petite route plongée dans le noir. Un sanglier peut-être, quoi d’autre ? 

Victoire constate le changement radical d’humeur chez son compagnon, qui ne parvient même plus à réfléchir sur les préparatifs de leur mariage qui approche à grand pas. Lorsqu’il finit par lui parler de ce qui s’est passé, tout change dans les relations de ce couple.

On donne aussi l’occasion au fils de Victoire, un ado plutôt sympa de s’exprimer sur cette affaire, qu’il comprend bien plus radient que les autres. 


Tout au long du roman, on assistera aux prises de conscience successives, aux tergiversations des personnages, aux compromis impossibles, aux doutes entre l’honnêteté, assortie d’un risque de lourde peine, ou au secret gardé, de ces secrets qui vous rongent toute une vie. 


L’autrice permet à chacun des personnages d’exprimer son ressenti. Si tous sont malgré tout solidaires de Jérôme et renoncent à le trahir, ils n’en expriment pas moins leur désaccord avec cette fuite. 


Le roman est construit sur deux narrations parallèles, et on apprendra vite le rôle de Marie, cette jeune femme oenologue et en couple clandestin avec Paul, le classique mari qui trompe sa femme sans pouvoir la quitter. 


Lorsque les deux fils narratifs se rejoignent, un nouveau degré de complexité s’ajoute au propos. 



On peut dire que ce deuxième roman, très différent du premier « La jurée » démontre le talent de romancière de claire Jehanno. Difficile de ne pas se sentir happée par cette histoire, dont on sait combien elle est banale et commune. C’est dit dans le roman, toutes les trois minutes chaque jour, un délit de fuite est enregistré ! 


Lecture intéressante, pour les questions qu’elle soulève. 


368 pages HarperCollins 7 mai 2025







 Il y a des erreurs que l'on pardonne en se compromettant, en fermant les yeux. D'autres qui changent le cours d'une vie.


*


Un arbre fait-il du bruit quand il tombe dans la forêt, si personne n'est là pour l'entendre ?


Claire Jéhanno est née en Bretagne en 1987. Elle vit à Paris où elle est autrice et productrice de podcasts. Après La Jurée, qu’importe la nuit est son deuxième roman.


Divorce ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Moa Herngren


Divorce par Herngren


Comment se rendre malheureux quand on a tout pout être heureux ? Les apparences sont trompeuses. Pour ce couple suédois, les voyants devraient être au vert : lui est pédiatre, récemment arrivé dans une clinique privée qui lui assure des revenus plus substantiels que son précédent poste dans un hôpital public où il a de plus essuyé la colère d’une famille, bien malgré lui. Sa femme a un poste peu lucratif dans l’administration d’une association humanitaire. Les jumelles de seize ans ne posent pas de problème particulier, en tout cas pas plus que des adolescentes ordinaires. Pourtant, quelque chose se rompt lorsque Bea découvre que Niklas a oublié de régler la facture du ferry qui devait les mener pour une semaine à Gotland, pour un séjour dans la famille de Niklas.


La raison est futile et pourtant Niklas annonce son départ. Bea ne comprend pas immédiatement que c’est irrévocable et définitif.


On assiste ensuite aux récriminations, à la colère de Bea, accablant son mari de reproches quant à son laxisme, au poids qu’il fait peser sur ses épaules de mère qui gère tout à la maison y compris la rénovation de la cuisine de ses rêves. On serait presque tenter de croire qu’elle a raison, pourtant on perçoit dans le peu de place qu’elle laisse à son mari de s’exprimer , la pression que celui-ci endure au travail.


Lorsque dans une deuxième partie, Niklas devient le personnage central, une autre facette de leur vie de couple prend place.


Moa Herngren nous conte avec talent l’anatomie d’une crise conjugale qui n’est qu’un aboutissement d’années de communication ratée, avec en filigrane un ancien drame, la mort du frète de Bea dont on comprendra les enjeux peu à peu. 


La finesse des  dialogues suffit à nous faire comprendre ce qui se passe. En s’immisçant dans l’intimité des personnages, on se fait un avis, et on serait tenté de prendre parti ! Il faut dire que Bea est un peu crispante …, mais on aimerait que  Niklas arrête de se laisser manipuler.


J’ai adoré cette analyse précise de ce que représente une vie de couple, surtout lorsqu’elle s’est construite sur un malentendu.


Les personnages secondaires ont eux aussi une importance capitale dans cette histoire


Un roman que l’on lit avec un grand plaisir,


368 pages Buchet-Chastel 5 juin 2025

Traduction : Marina Heide

TO Skilsmässan

 #Divorce #NetGalleyFrance








Une fois de plus, il a le sentiment de s'enliser en essayant de faire plaisir aux autres. L'angoisse le tire de sa torpeur, il se redresse de son siège..


Née en 1969 Moa Herngren est journaliste, autrice et scénariste. Elle écrit des romans familiaux. Elle vit à Stockholm. 




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