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 Romain Gary













C’est un Romain Gary vieillissant qui prête sa plume au narrateur. Point de plaintes chevrotantes cependant. Le personnage nous fait grâce des multiples humiliations quotidiennes du senior. Mais le désastre frappe cependant à sa porte : comment satisfaire celle qui illumine ses jours malgré le gouffre temporel qui les sépare ! 


Le sujet est délicat, mais l’esprit et l’humour de Romain Gary font merveille. Pas de trivialité, de vulgarité, même si les choses sont énoncées clairement (en particulier lors de désopilantes consultations médicales).


Le style est léger, avec une pointe d’autodérision bienvenue pour un sujet désespérant. Les personnages secondaires ont du panache, que ce soit la jeune brésilienne objet de tous ses désirs ou l’énigmatique Ruiz.


Un sujet tabou traité avec élégance.


247 pages Gallimard 20 septembre 1978

Caverne des lecteurs 








« Changer le monde ... » Il faut, pour nourrir une aspiration aussi vaste, beaucoup d'humilité dans les rapports avec soi-même, car, dans la mesure où il est authentique, ce genre d'ambition demande d'abord le renoncement…


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Depuis que l'homme rêve, il y a déjà eu tant d'appels au secours, tant de bouteilles jetées à la mer, qu'il est étonnant de voir encore la mer, on ne devrait plus voir que les bouteilles.


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Un jour, mon valet de chambre, Maurice, qui ne pardonne rien à la poussière, soulèvera délicatement mon sourire, lui donnera quelques coups de plumeau et le déposera sur l'étagère de la salle de bains parmi mes autres articles d’hygiène.




Romain Gary


Romain Gary, de son vrai nom Roman Kacew, est un romancier (1914-1980)


Las d'être la cible de critiques le considérant réactionnaire, du fait de son passé de diplomate gaulliste, il invente une écriture vive et drôle, à rattacher au courant post-moderniste, sous le nom de plume d’Émile Ajar. Son cousin Paul Pawlovic prête corps à cette allégorie et, en 1975, reçoit le Prix Goncourt pour "La Vie devant soi". La supercherie est révélée par Romain Gary dans son œuvre posthume "Vie et mort d’Émile Ajar" (1981).

Camille va aux anniversaires ⭐️⭐️⭐️⭐️

Isabelle Boissard












Digne héritière de Bridget Jones, avec deux décennies de plus, Camille promène sa solitude à Paris, après que son mari l’a quittée, pour une femme même pas plus jeune qu’elle ! 

Le calendrier des quinquas semble devoir concéder des créneaux nombreux aux anniversaires, et Camille est même chargée d’en organiser un, « surprise », pour Bianca, la fiancée de son meilleur ami; L’occasion pour Camille de faire un petit tour dans une cité balnéaire fictive de Bretagne ! C’est aussi une opportunité pour faire le point sur sa vie !



Avec beaucoup d’humour, Isabelle tague les travers de nos modes de communication, avec en ligne de mire les réseaux sociaux et les messageries, dont elle connait les pièges et les limites , ce qui ne l’empêche pas  de tomber de sauter dedans à pieds joints. 


On éprouve de l’empathie pour cette héroïne si contemporaine, qui promène sur notre mode de vie un regard à la fois ironique et tendre. 


On retrouve des points communs avec le premier roman d’Isabelle Boissard, la fille que ma mère imaginait, et c’est un atout.


Roman très agréable à lire et autrice à suivre 




256 pages Les Avrils 24 avril 2024 

#Camillevaauxanniversaires #NetGalleyFrance









La morale de l'histoire, c'est qu'on est toujours le connard d'un autre. On est toujours le piéton d'un cycliste, le cycliste d'une voiture, le scooter électrique d’un SUV, le train d'un avion.


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Il avait lu sur son téléphone la définition de la théorie, autrement appelé « loi de Brandolini », « l'énergie nécessaire nécessaire pour réfuter les bullshits est supérieure d'un ordre de grandeur, à celle nécessaire à les produire ».


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Les cadeaux d'anniversaire, ce commerce de l'amitié, où j'évalue ce que je donne, et ce que je le reçois, entre le volontariat et l’obligation,.


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 Il paraît que le cadeau est une nourriture affective sur le modèle dont nourricier que la mère fait à son enfant. Mieux vaut offrir dans ce cas du chocolat plutôt que des endives.




Isabelle Boissard


Après Clermont-Ferrand, l’Italie et Taïwan, Isabelle Boissard vit actuellement en Suède. 


Lire aussi La fille que ma mère imaginait


Le nain de Whitechapel ⭐️⭐️⭐️

 Cyril Anton











Trop différent pour que sa famille accepte ce rejeton pourtant doué, plus même que son frère que la nature n’a pas accablé de la même infirmité, Oscar n’a d’autre choix que de quitter les lieux de son enfance pour se retrouver dans un chenil ! . Whitechapel et sa cour des miracles sera sa destination, et le lieu de mille rencontres. Tour à tour accordeur de pianos, inspecteur de police, puis figure de proue d’un microcosme qu’il abrite dans une boule à neige géante , Oscar occupe une place centrale au sein de ce monde où se retrouvent tous les bannis de la société, handicapés, noirs, homosexuels ou putains. 


Les personnages ne manquent pas d’intérêt  par leur richesse et leur diversité et le cadre gothique ravira les amateurs du genre. 

Mais il manque un fil conducteur  solide, un trame plus nette à ce roman qui part dans tous les sens. Le lecteur est ainsi balloté entre les différents épisodes de la vie mouvementée du héros, au risque de s’y perdre.


Lecture en demi teinte donc, pour un roman au sujet pourtant fort intéressant. 



192 pages Éditions du Sonneur 18 janvier 2024







Le court tissu du temps dans lequel nos noms sont cousus entre deux dates est parfois cruel, et Oscar, malgré la silhouette des gens d'ici, ne devait pas croitre plus haut que le sursaut d'un grand chien noir.


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Les Bobby furent bientôt sur place. Oscar fut coffré vite fait bien fait à la suite d'un procès fantoche. Le petit homme avait été si bizarrement donné au monde, qu'il ne pouvait guère y avoir que lui pour oter la vie d'une horrible façon.


Cyril Anton


Né à Fontainebleau en 1972, diplômé en lettres modernes et en histoire contemporaine, Cyril Anton est critique littéraire et critique d’art pour plusieurs revues, ainsi que pour les Rencontres de la photographie d’Arles. Il est par ailleurs parolier pour divers chanteurs et groupes. 


La fin du sommeil ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Paloma de Boismorel 





Drôle d’idée de faire croire à son entourage que l’on est atteint d’une maladie incurable ! Cet architecte dans la quarantaine n’a rien trouvé de mieux pour tenter de ranimer la flamme de son couple, quelque peu atténuée par le quotidien et tester sa cote d’amour auprès de son entourage ! Bénéficiant d'un improbable arrêt maladie , il a le secret  espoir  de faire de ce temps retrouvé loin de la pression professionnelle l’occasion d’écrire un roman…autant dire que le fiasco ne fait aucun doute. A moins que …


Le sujet a été maintes fois traité mais pas toujours avec le mordant et l’ironie de Paloma de Boismorel. Elle égratigne en passant les codes de l’art contemporain et de l’architecture, ce qui ajoute au tableau de chasse de ce roman aussi drôle que mordant !



Le propos est maitrisé jusqu’à la fin ce qui est une gageure tant il est difficile pour le personnage comme pour l’auteur de se sortir du piège qu’il s’était tendu.


288 pages L’Olivier 2 février 2024



Imprimés sur une feuille de papier kraft  à la modestie douteuse, les noms des plats ressemblaient à des vers de Rimbaud, mixés avec un manuel de permaculture.



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Il y a certainement un sens à la mort de Peter, aussi absurde qu'elle soit. Un sens que je ne voyais pas encore, mais que le lecteur ne manquerait pas de trouver. Il fallait toujours faire confiance aux lecteurs.


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Les livres avaient un point commun avec Dieu, ils trouvaient le moyen de parler à chacun dans son propre langage.

Paloma de Boismorel



Paloma de Boismorel est journaliste et vit à Bruxelles.


Après des études en sciences politiques et littérature , elle est journaliste culture pour le magazine "L'Eventail", un mensuel lifestyle haut de gamme.


"La fin du sommeil"  est son premier roman.











Parfois l'homme ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Sébastien Bailly 











Comment parcourir le temps d’une vie en compagnie d’un personnage aussi commun que disparate, universel et singulier, chargé d’un miroir  qui renvoie une image de notre monde contemporain, avec ses absurdités et ses moments de grâce ?


Point n’est besoin de le nommer, il est L’homme. De sa naissance à son déclin il franchit les étapes d’un parcours que l’auteur sait diversifier afin de toujours s’y retrouver. Il est un de nos proches ou un inconnu dont on sait les tourments, il est un ami, un fils, un collègue, il est tout cela à la fois. 


Le tout est assaisonné d’un humour aussi juste que grinçant. Aussi drôle que désespérant, tant la banalité de nos parcours individuels que l’on pense uniques apparaît ainsi dans toute sa splendeur et sa dérision. 


Lu avec plaisir et avidité, impatiente de découvrir les nombreuses réflexions issues du regard décalé de l’auteur sur notre destinée. 


192 pages Tripode 8 février 2024








Vu de près, il est globuleux, ovoïde, squameux. On s'extasie. Ses parents n'osent pas le trouver hideux. Le médecin leur dit que la chose retrouvera forme humaine en quelques jours. Un beau bébé joufflu en pleine santé apparaîtra bientôt.


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L'on passe  rapidement de la question de savoir pourquoi on a voulu un enfant à la question générale et définitive : pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ? Là, ça se corse. On plonge le petit doigt dans des philosophes au nom imprononçable et aux phrases alambiquées On les repose très vite sur l'étagère de la bibliothèque municipale.


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Ah, mais on avait dit : pas de tétine, jamais… Mais le parent a craqué après trois nuits sans sommeil.


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L'homme se cabosse lorsqu'il joue à la guerre, reçoit des projectiles, des éclats d'obus, des flèches empoisonnées. Ces vieilles blessures, le feront souffrir lorsque le temps tournera la pluie. La probabilité d'échapper à l'ecchymose est faible. Viendront dans le désordre, le coquard, l'écorchure, l'entaille, l’éraflure, les égratignures. Et c'est ainsi que l'homme fait connaissance avec ses limites.


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C'est pour fêter cette hypothétique  retraite qu'ils boivent depuis vingt ans, tous les soirs, en augmentant petit à petit les doses, éloignant chaque fois un peu plus leur chance d'en profiter.


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L'homme qui n'a pas tenu de journal à l'adolescence, ignore à quelle honte rétrospective il échappe.


Sébastien Bailly


Sébastien Bailly est journaliste, collaborant notamment à Ouest-France, Libération et dans Télérama.


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