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Les remplaçants ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Bernardo Carvalho 












Le roman de Bernardo Carvalho aborde la thématique d’une relation complexe entre un et son fils. L’enfant,  puis le jeune adulte tentent de comprendre le fonctionnement et les non-dits du père, qui semble happé par des problèmes existentiels autant politiques que personnels. L’une des premières scènes est saisissante : le père et le fils survolent la forêt amazonienne dans un tout petit avion et l’enfant va se retrouver aux commandes lorsque le père fait un malaise !


Les échanges entre les deux personnages, qui ne seront jamais nommés, de même que tous les personnages de ce roman qui sont désignés par leur fonction, s’articulent autour des questions que l’enfant se pose sur les activités de son père, centrées sur la déforestation, avec ce qui en découle de la dépossession des terres des autochtones.


Plus tard sera abordée la relation entre le garçon et son petit ami, des accusations de harcèlement sexuel qu’un directeur de théâtre auraient fait subir à un de ses collègues acteur, ce qui l’incite à lui aussi le dénoncer. Le dialogue entre les deux hommes balaie le spectre des arguments sur la question. 


Mais à l’intérieur du récit, un deuxième roman s’insinue dans les pages : celui d’une dystopie que l’enfant est en train de lire, et dont il fait un retour commenté au père. Ce récit lui même soulève d’importantes questions morales, et se pose en miroir de l’autre fil narratif, au point de parfois de frôler une fusion de sens. 


Il en résulte une sorte de roman d’apprentissage tout à fait captivant. 


Quant au titre, fait-il référence aux personnages de la dystopie, où au remplacement des populations chassées de leur territoire ? Les deux sans doute …


Le style est très particulier, du fait de la présentation des personnages, avec une sorte de champ-contrechamp permanent entre le père et le fils. On acquiert vite la mélodie de cette écriture et cela ne pose aucun problème de compréhension. 


Survol, à double titre, de la situation politico-écologique du Brésil de la seconde moitié du vingtième siècle, présenté à travers un roman qui pose les bonnes questions en  utilisant le prisme des échanges assez atypiques d’un couple père enfant. Découverte de cet auteur qui a pourtant déjà écrit 16 livres ! 



Merci à Netgalley et aux éditions Métailié. 


208 pages Métailié 28 août 2025

#Lesremplaçants #NetGalleyFrance







Pour remédier aux injustices, on s'en prend au plus faible, au plus vulnérable, celui qui est à portée de main. Il sert de bouc émissaire à notre soif de justice. Il n'est pas rare de remplacer le manque de justice par une autre injustice, plus ou moins grande, ce n'est pas la question, pour nous sentir mieux.


Bernardo Carvalho


Né en 1960, Bernardo Teixeira de Carvalho, plus connu sous le nom de Bernardo Carvalho, est un écrivain et journaliste brésilien.




Groenland, le pays qui n'était pas à vendre ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Mo Malø












Un thriller court, dystopique, un peu comme une farce, qui n'est pas sans rappeler  celle que nous vivons actuellement quasi quotidiennement en découvrant les décisions  ubuesques du président à la peau orange. Et il en est question, des USA, ainsi que de la Russie et de la Chine. En effet, le président du Groenland, indépendant depuis peu, subit un chantage abject : il doit vendre son pays aux enchères, alors que les ravisseurs de sa femme et de sa fille menacent de les noyer dans l’eau glacée du pôle Nord. 


Dans le contexte géopolitique actuel, cela fait froid dans le dos. Car on sait que cette patrie du monde est convoitée pour ses ressources enfouies sous la banquise et étant donné la folie des dirigeants qui n’ont que le profit en ligne de mire, rien ne paraît impossible !


On aime bien la mise en place du sujet, la construction de l’intrigue avec en contrepoint la malice de l’enquêtrice, que les responsables de ce coup médiatique ubuesque n’avaient pas prévue au programme. 


Fable satirique qui parvient tout de même à susciter un effroi chez le lecteur, tant tout parait plausible dans un monde dominé par la croyance désuète que le profit et la croissance peuvent impunément rester un objectif à long terme,  sur une planète dont les habitants scient  la branche sur laquelle ils sont  assis. 


Comme toujours, Mo Malø fait preuve d’une excellente connaissance de ces régions septentrionales qu’il met souvent en valeur dans  ses romans.  


En revanche la fin est un peu trop rocambolesque pour être crédible. Mais on comprend la difficulté de clore un tel roman.


Merci à Netgalley et aux éditions de la Martinère 


 La Martinière 3 octobre 2025

#Groenlandlepaysquinétaitpasàvendre #NetGalleyFrance


Mo Malø


Mo Malø est le pseudonyme de l'écrivain Frédéric Mars, de son vrai nom Frédéric Ploton. Il est né en 1968


Lire aussi :


La Breizh brigade tome 1


L’inuite 


Summit 


Bilan septembre 2025

 


Caledonian Road ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Andrew O'Hagan











L’homme qui peuple ces pages est un critique d’art. Il a été remarqué récemment par la publication d’une biographie de Vermeer. Une niche éditoriale, mais salué par la critique. Malgré ce succès d’estime, l’homme peine à boucler son budget, et c’est un sujet tabou, un problème qu’il doit tenter de résoudre en toute discrétion : 


« l'argent : un mystère anglais, rarement élucidé. Campbell, et sa femme ne parlait jamais vraiment finance ; ils affectaient de prétendre que tout cela était assez stupide. »


Il a dû emprunter de l’argent à un ami, ce qui se révèlera une grosse erreur. Il a même écrit un ouvrage de développement personnel, mais il ne peut cependant se résoudre à le publier sous son propre nom; il suggère à son éditeur de l’attribuer à un jeune auteur en vogue, avec un accord financier de bon aloi ! 


Les mauvais choix s’accumulent pour ce quinquagénaire qui semble ne pas mesurer les dangers qui le menacent dans un monde très corrompu dont il ne maîtrise plus ni les enjeux ni les codes. 


La lecture est fastidieuse au départ, c’est à dire dans les cent cinquante premières pages (car l’ouvrage est un joli pavé) : de nombreux personnages sont présentés, la famille se décline à l’infini et on a un peu de mal à voir où veut nous mener l’auteur. Cela vaut le coup cependant de s’accrocher, car l’intrigue foisonnante finit par se recentrer et devient addictive. Les difficultés financières ordinaires de Campbell ne sont qu’un sommet émergé d’un iceberg et malgré lui, il va se trouver impliqué dans des affaires de corruption internationale ! 


Prenant parfois des allures de thriller , le roman met en scène de personnages peu recommandables, et il convient de se méfier de tous et en tout lieu. 

Une note pour ce personnage ambigu qu’est Milo « son trublion préféré », un étudiant prêt à donner beaucoup pour ses convictions politiques, mais dont on ne sait jamais clairement s’il a décidé de faire plonger son professeur, ou au contraire lui venir en aide….  La trahison est une des armes de destruction massive largement  répandue. 


N’oublions pas la locataire perverse, qui harcèle la famille Flynn : un petit caillou dans la chaussure, capable de déclencher le pire ! 


Andrew A’Hagan nous offre un portrait  sans concession d’une Angleterre pourrie, le ver dans le fruit atteint même les instances officielles ! 


C’est la naïveté du héros qui permet de s’y attacher mais n’y aurait-il pas un plaisir malsain à se délecter de ses bévues.



Au total, après la mise en garde des débuts fastidieux, un grand plaisir de lecture !


Merci à Netgalley et aux éditions Métailié.


656 pages Métailié 22 août 2025

Traduction Céline Schwaller 

#CaledonianRoad #NetGalleyFrance







Campbell continuait à se persuader que son livre était une riposte intellectuelle, subtile et ludique, à l'époque qu'ils traversaient, mais en réalité, il avait simplement besoin d'argent. Il vivait avec sa duplicité comme si c'était une énergie. Il n'en voyait aucun danger.


*


Je suis tout à fait pour que des jeunes se collent à des grilles à la super glu. J'aimerais juste qu'ils se lavent les cheveux de temps en temps.


*



il aimait prendre des risques, mais il avait visé trop haut avec la salade, et il alla se chercher un petit pain au bacon


Andrew O’Hagan



Né à Glasgow en 1968, Andrew O’Hagan est un écrivain écossais.


Lire aussi 


Les éphémères 

Les forces ⭐️⭐️⭐️

 Laura Vasquez 











Les Forces : un roman ? Oui si l’on considère qu’un personnage de fiction une narratrice se confie au lecteur en s’offrant une sorte de parcours initiatique dans sa recherche de vérité. Une recherche de vérité qui fait suite à une épiphanie : tout le monde ment. Alors pourquoi cette question ? Parce que le mode d’écriture interroge. Il évoque un flux de pensée, d’où jaillissent de temps à autre des fulgurances, des phrases qui marquent pour la lumière qu’elles apportent au coeur du récit. Les phrases sont travaillées, malgré la fluidité du discours.  Ce travail sur les mots a un nom : c’est de la poésie !


Rien d’étonnant dans ce parcours d’autrice, poétesse reconnue. 


Poésie donc, en prose mais aussi engagée, pour dénoncer, pour railler aussi des comportements qui portent à  sourire. Malgré la difficulté de cette lecture on peut en effet relever des traits d’humour, qui allègent un peu le récit. 


Il n’en reste pas moins que la densité des affirmations, des références, des allégories rend cette lecture ardue, à moins de ne se saisir que de la mélodie des phrases et de se délecter d’un trait d’esprit ou d’une remarque aussi judicieuse que maligne !


Quelques temps après la lecture, il ne m’en reste presque rien, qu’une impression de fluidité et d’aisance dans le propos, l’écriture comme arme de militantisme, mais rien d’une intrigue ou des jalons d’un parcours .



Un texte dont je ne suis sans doute pas la cible.


Merci à Netgalley et aux éditions du Sous-sol.


304 pages Editions du sous-sol, 21 août 2025

#LesForces #NetGalleyFrance 





Le temps était cassé. Il est cassé. Le temps est déboîté. Le temps se plie. Il se fissure. Il s'use. Le temps est mort. Je suis cassé, je suis dépoté. Je suis jeune. Je me perçois. Je marche. Je suis ici. Il me fallu au moins deux heures pour pas courir ce couloir. Au moins deux jours. Ou deux minutes.


*

L'argent est devenu la cause de tous les actes autour de nous, et de nos propres gestes, même quand on l'ignore, il est la mesure des choses autour de nous et dans nos vies, même quand on l'ignore.

*

Le capital est une force sans existence matérielle, son existence est partout. Elle est capable d'entraîner tous les effets, d'une guerre, un shampooing, d'un sentiment de vie, d'un roman de 304 pages, d'une vieille photographie d'un poète sénégalais à la livraison d'un plat chaud.

*

Je mets du sens dans mes paroles, et même si je n'en mets pas, le sens s'y met tout seul .

*

Nous croyons avoir quelques accès aux choses elle-même, lorsque nous parlons d'arbres, de couleur, de neige et de fleurs, et cependant nous ne possédons rien que des métaphores des choses, qui ne correspond aucunement aux entités originelles



Laura Vazquez



Née en 1989, Laura Vazquez est poète et romancière.

 





 

Ambition morale ⭐️⭐️⭐️

 Rutger Bregman











Crispation dès les premières pages  :  les titres de chapitre en forme d’injonction ont tendance à me hérisser les poils ! De quoi alimenter ma paranoïa ciblée sur le développement personnel, du genre rentre-dedans. La forme s’explique cependant, la cause est si ardemment soutenue que le ton se veut persuasif, pas question de laisser le lecteur s’endormir sur un sujet aussi important. 


On découvre ensuite que le propos s’adresse plutôt à une population jeune, avant trente ans, c’est à dire à des citoyens qui ont encore en  leurs mains le pouvoir de changer les choses. De ce fait, personnellement le reste de la lecture est plus décontractée, j’ai atteint la date de péremption. Cependant, ne pas abandonner trop tôt le challenge. iI ne s’agit pas de dire : ce n’est pas  pour moi, le rôle des seniors est dans la mesure du possible la transmission !


Faire preuve d’ambition morale, c’est donc manifester la volonté de changer le monde ! Des exemples remarquables étayent la démonstration : ainsi ce sont des individus motivés, agissant seuls au départ, qui ont été à l’origine de l’abolition de l’esclavage. Clarkson, Rosa Park, ont refusé de subir la loi générale,  leur détermination a fait le reste. L’auteur précise que leur comportement est contagieux. Leur exemple incite les proches à s’engager dans le combat. Le processus est identique pour les personnes qui ont bravé le danger en cachant des juifs pendant la guerre. L’initiative de quelques-uns a fait boule de neige. 


L’essai passe en revue les grandes causes qui méritent à notre époque de mobiliser les bonnes volontés, la santé, l’écologie, la répartition des richesses. Les idées ne manquent pas si l’on veut consacrer  du temps au bien-être de l’humanité !


La personnalité de ces leaders qui ont pu faire bouger l’ordre établi n’est pas facile à cerner, même si se détachent  des profils à forte tendance compassionnelle, et surtout indifférents à l’opinion que l’on a d’eux. Des fonceurs que l’adversité stimulerait, plus qu’elle ne les découragerait. Il me semble cependant, que dans les trajectoires étudiées, une opportunité a déclenché presque à chaque fois la décision d’agir. Le hasard s’est immiscé dans le destin de ces héros de l’histoire. Il n’est pas le seule en cause, , certes il leur a fallu ensuite de la pugnacité pour ne pas se décourager devant les innombrables obstacle sur le parcours 


La démonstration est argumentée, soutenue avec passion, sur le ton d’une conférence TED. 

Un ouvrage qui correspond tout de même plus à du développement personnel qu’à de la philosophie, et qui se lit sans  difficulté.


Parviendra t-il à provoquer des vocations pour un monde meilleur ? 


Merci à Babelio et aux éditions du Seuil



304 pages Seuil 12 septembre 2025

TO : Moral ambition

Traducteur : Guillaume Deneufbourg

Masse critique Babelio







Si vous aspirez à changer le monde, mieux vaut rejoindre un mouvement idéologique, voire en lancer un vous-même. Si vous voulez vraiment faire la différence, il faut oser s'écarter des sentiers battus et accepter d'être considéré comme un « illuminé ». Tous les progrès réalisés par l'humanité ont d'abord été perçus comme des concepts farfelus émanant d'une minorité marginale. Il en est ainsi du théorème de Pythagore ou de l'abolition de l’esclavage.


*


La dure réalité, c'est qu'on ne peut jamais tout faire. Il y a toujours une nouvelle montagne à gravir, toujours une nouvelle mission à mener à bien. Il y a toujours, quelque part, un enfant en train de se noyer dans un état. Cela ne s'arrête jamais. La réside un réel danger : l'ambition morale peut engloutir toute votre vie.

Rutger Bregman


Né aux Pays-bas en 1988, Rutger Bregman est écrivain, historien et journaliste. 

Il a publié quatre livres sur l'histoire, la philosophie et l’économie.


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