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La récréation est finie ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Dario Ferrari 


La récréation est finie par Ferrari


Lorsque l’histoire s’ouvre avec un héros sympathique, la cause est presque gagnée, et c’est le cas pour ce trentenaire, plutôt cool, qui, malgré le milieu ambitieux où il traine ses modestes motivations, ne semble pas engagé dans la course à la gloire. Et pourtant le milieu universitaire qu’il fréquente est un repaire de requins, prêts à tous les coups bas pour s’arroger les postes en vue. 

Marcello est donc doctorant en lettres à Pise. Il a choisit un sujet ambitieux, pour attirer l’attention sur la carrière littéraire d’un auteur méconnu qui a laissé plus de traces dans les mémoires pour son passé de terroristes que pour son oeuvre d’écrivain. 


Toute la première partie dresse un portrait ironique du milieu universitaire que l’auteur semble bien connaitre pour en dépeindre avec beaucoup de talents les travers : guerre entre les universités, combat de coqs des patrons, parfois au dépens de leurs poulains qui sont envoyés en première ligne et peuvent y ruiner leur avenir. C’est drôle, malin, et réjouissant. 


Oeuvre dans l’oeuvre, on découvre ensuite qui se cache derrière le nom de l’auteur maudit, Tito Sella. Cette partie est plus difficile d’accès car elle fait appel à l’histoire politique italienne qui peut être plus difficile d’accès pour des néophytes et est forcement moins littéraire.


Mais on retrouve notre doctorant dans une troisième partie jubilatoire, en proie à des doutes ayant sur son travail que sur ses amours, que son passage à Paris met à mal. De très belles rencontres ici aussi et un art de raconter tout à fait séduisant.


Ce premier roman fait mouche et offre quelques heures d’une lecture bien agréable.


Merci à Netgalley et aux éditions du Sous-Sol.


448 pages Sous sol 21 août 2025

#Larécréationestfinie #NetGalleyFrance 









Comme je viens de l'écrire dans ma thèse de doctorat (m'applaudissant moi-même pour la façon dont j'apprends à parer de termes ésotériques des concepts sans intérêt), la fin de cette histoire est extradiégétique.


*

La Bibliothèque nationale de France, site François Mitterrand, et l'un des édifices, déraisonnablement pharaonique que les présidents français du siècle dernier s'offraient en guise, dommage à eux-mêmes, au terme d'un à deux mandats de sept ans, c'est-à-dire après avoir exercé un pouvoir quasi absolu pendant parfois quatorze ans, et donc jusqu'à atteindre un état de délire narcissique, bien compréhensible.




Né en 1982, Dario Ferrari est né à Viareggio en 1982 et a passé les trente premières années de sa vie à étudier, jusqu'à ce qu'il devienne docteur en philosophie, un titre ornemental qui sert presque exclusivement à embellir les notes biographiques. Il enseigne dans un lycée romain et est traducteur


Nous serons tempête ⭐️⭐️⭐️

 Jesmyn Ward


Nous serons tempête par Ward


Si nous sommes clairement transportés dans le sud des États-unis au temps où les exploitations de canne à sucre reposaient sur le commerce des esclaves monnayés comme de simples outils agricoles, le récit est loin de ressembler à un roman d’Harriet Beecher Stowe. Notre héroïne est une toute jeune fille, qui reçoit un enseignement précieux de sa mère : savoir se défendre d’un agresseur mais aussi invoquer la protection des voix ancestrales, Aza, Mama Aza. La mère aura à  peine le temps de parfaire cette éducation : elle sera vendue à un nouveau propriétaire. Annis se retrouve seule pour combattre les ennemis qui rodent autour d’elle et en particulier le maître qui est son père biologique et dont le regard insistant fait comprendre à la jeune fille le danger de subir à son tour les assauts du violeur. 

Annis est envoyée vers la Nouvelle Orléans, dans une nouvelle plantation, où le sort n’est pas plus enviable. Affamée, battue, menacée d’être jetée au trou, c’est en faisant appel à ses ressources intérieures qu’elle tente de survivre.


Au delà de l’histoire de l’esclavage, ce roman est un hymne dédié aux femmes maltraitées, depuis la nuit des temps. En parfaite communion avec les éléments, l’air, l’eau et la terre, ces femmes contrôlent la nature et en font un refuge et une arme contre la violence ambiante. 


Dans ce récit empreint de réalisme magique, on entend le cri de révoltes des peuples opprimés et la force des femmes qui s’affranchissent par l’esprit de l’asservissement qu’elles subissent. C’est un récit de douleur, permanente et omniprésente, aucune possibilité d’y échapper si ce n’est pas la force de la pensée . 



Ce n’est pas une lecture facile, le risque est grand de se perdre entre les songes et la réalité. L’action se résume à peu de chose, et les autres personnages ne sont qu’évoqués. 


Une très belle écriture, presque trop lyrique, au risque de créer un clivage entre la dureté du texte et la beauté des mots.


Merci à Netgalley et aux éditions Belfond.


240 pages Belfond 21 août 2025

Traduction Charles Recoursé 

Titre original : Let us descend

#JesmynWard #NetGalleyFrance








C’est un appétit qu'ont tous les esprits. Toutes celles nées de l'eau, les esprits du vent, de l'eau, du feu, de la terre ou des plantes, malgré nos cités et nos mondes  et nos pratiques, nous désirons être vues par vous.


Jesmyn Ward 


Née en 1977 Jesmyn Ward est une romancière américaine.


L'adieu au visage ⭐️⭐️⭐️

 David Neufgermain











Depuis 2020, de nombreux romanciers ont intégré dans leurs écrits la période si particulière que nous avons tous vécu en ce printemps de pandémie, le confinement, la menace d’une contamination, l’étrange paralysie de la planète, et les conséquences que le psychisme de nos contemporains, condamnés à vivre dans une proximité délétère avec leurs proches. Dans les romans, le sujet est abordé avec plus ou moins de précision, et ce n’est le plus souvent qu’une allusion.


Ici, on est plongé au coeur du plus difficile à vivre de cette période, avec les plus impactés de nos concitoyens, à savoir les soignants. Le narrateur est psychiatre, et poursuit sa mission en téléconsultation, mais il est aussi mobilisé pour le protocole de prise en charge des corps des victimes de l’épidémie. Il intervient  par ailleurs au Samu social, se trouvant confronté à l’absurdité des textes qui obligent à un confinement des hommes et des femmes qui n’ont pas de domicile !


Roman ? Pas vraiment, le texte est issu des réflexions collectées au fil des jours par l’auteur, pendant le confinement.


L’impression de malaise, est présente pendant toute la lecture, car si l’on savait la rigueur des protocoles en ce qui concerne les obsèques, l’interdiction de rendre visite à nos parents en Ehpad, on était moins au courant du caractère expéditif des soins mortuaires. C’est violent, même à distance. 


Cette période a laissé de nombreuses séquelles et a considérablement fragilisé un grand nombre de concitoyens. Pour aborder un tel écrit, il vaut mieux avoir réglé ses comptes avec ce que l’on a compris de l’affaire, au risque de se replonger dans les affres de la souffrance psychologique engendrée . 


Lecture difficile, en raison du sujet. 


Merci à Netgalley et aux éditions Marchialy.


256 pages Marchialy 20 août 2025

#LAdieuauvisage #NetGalleyFrance







Vouloir le faire, serait-il donc une qualité nécessaire et suffisante ? Quel genre de personne peut vouloir accomplir une telle mission ? D'où peut venir la motivation à laver un corps qui ne respire plus ?




David Deneufgermain


David Deneufgermain est écrivain-médecin. Psychiatre, il a exercé en prison, en hôpital psychiatrique et soigne depuis onze ans les malades à la rue et dans son cabinet. L’adieu au visage est son premier roman 


Un nègre qui parle yiddish ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Benny Malapa 












Ce récit romancé est un hommage familial, hommage d’un fils à ses parents dont la destinée a été portée par les remous de l’Histoire, comme le furent de nombreuses trajectoires pour tous ceux qui ont vécu le drame de naître entre les deux guerres du vingtième siècle, avec les circonstances aggravantes d’être juif ou  africain . Pour Paul, le père de Benny Malapa, la peine est même double, puisque son père est originaire du Cameroun et qu’il est de confession juive. 


Comment Paul et Suzanne en sont-ils arrivés à fonder une famille, c’est ce que nous apprendra la lecture de ce foisonnant parcours, incarné par les deux voix alternées de Paul et de Suzanne. 

Paul, né de l’amour de Boulou et Frida, alors que Boulou arrive du Cameroun. Suzanne elle vient de Pologne, fuyant avec sa famille les menaces de plus en plus fortes des nazis. 

C’est à Paris qu’ils se rencontrent, alors que Paul gravit les échelons d’une course à la victoire sur les rings de boxe.


L’histoire ne s’achève pas là, la guerre arrive, le couple vit des heures complexes, faites de séparation et de retrouvailles, et la famille s’agrandît, six enfants naitront de leur union.


Une saga familiale digne d’une fiction empreinte d’une grande imagination, et pourtant la réalité est là, cette histoire est authentique, magnifiée par la plume de Benny Malapa qui récrée ce qu’il a pu saisir de la vie de ses parents, imaginant dialogues et échanges.


Bien entendu, on se rend compte à quel point au jour le jour, leur vie est conditionnée par le regard que l’on porte sur eux, et comment ils doivent avec ce racisme ambiant, permanent, exacerbé en période de crise. Il faut un coupable et la différence tient lieu de prétexte. 


Il en résulte un écrit auquel on est vite accroché, et qui se lit comme un roman.


Merci à Netgalley et aux éditions Fayard



350 pages fayard 13 août 2025

#Unnègrequiparleyiddish #NetGalleyFrance







Raconter  n’est pas un degré particulier de la souffrance mais l'originalité de la rencontre de ces deux destins, témoignant, séparément, puis ensemble du sort auquel ont été voués des millions d'humains, ces peuples désigné pour supporter la haine, le rejet, l'intériorisation, subissant, l'esclavage, le racisme, l'antisémitisme, l'extermination, la colonisation et toute les formes d'oppression, jusqu'à celles de notre époque.


 


Benny Malapa



Né d'un père germano-camerounais et d'une mère juive polonaise, Benny Malapa a écrit un premier roman foisonnant sur sa famille hors du commun.


L'homme qui lisait des livres ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Rachid Benzine 











Cette terre est une litanie de représailles sur représailles, de haines empilées, de tristesse recouverte de tristesse. 


Ce personnage que l’auteur observe, mis à distance par ce tutoiement qui décale le propos, est photographe. Dans les ruines de Gaza, parfois surgit le miracle, l’image de la vie au coeur de ce décor de mort. Lorsqu’il aperçoit un homme plongé dans une lecture qui l’isole du réel, devant sa boutique de libraire, le réflexe est immédiat : l’objectif se dirige vers ce sujet potentiel. Lorsqu’il demande la  permission, l’homme l’invite plutôt à l’écouter, pour donner de la profondeur à l’histoire que racontera l’image. C’est ainsi que le lecteur est convié à découvrir ce que fut la vie de ce lecteur passionné et surtout comment les livres l’ont sauvé.


Un grand livre c’est un livre sans fond. Un livre d’énigmes irrésolues. 


Malgré l’impression de déjà lu, (on pense au roman de Delphine Minoui, Les passeurs de livres de Daraya, où dans la même approche de l’art comme exutoire, Le quatrième mur de Sorj Chalendon), on est tout de même remué par ce parcours mortifère, et l’on ne peut que compatir en vivant  à travers les mots de Rachid Benzine, ces destins confrontés années après années à la violence. L’impossibilité de se sentir quelque part chez soi, la fuite perpétuelle, la menace omniprésente, le quotidien englué dans une lutte sans merci.


« Une punition de Dieu, qui s’étire sans fin. Jour après jour. Ils se levaient avant l’aube, les os déjà lourds de fatigue »


Et pourtant ils sont tous là, les auteurs universels, les poètes, les romanciers qui offrent une trouée de bleu dans un ciel plombé. 



« Comme si les mots pouvaient le sauver des bruits, de la souffrance, de la mort lente de la ville. » 



Le message ne peut qu’être approuvé par tous ceux quels livres accompagnent jour après jour.


Les mots des livres déchirent tous les silences. Le lecteur est un prisonnier consentant, attaché à l’illusion que chaque page tournée le libérera.

Un roman coup de poing, une immersion en plein conflit, où malgré la menace permanente, les hommes tentent de vivre une vie ordinaire. 


Merci à Netgalley et aux éditions Julliard.



125 pages Julliard 27 août 2025

#Lhommequilisaitdeslivres #NetGalleyFrance









Cette terre est une litanie de représailles sur représailles, de haines empilées, de tristesse recouverte de tristesse. 


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Un grand livre c’est un livre sans fond. Un livre d’énigmes irrésolues. 


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Une punition de Dieu, qui s’étire sans fin. Jour après jour. Ils se levaient avant l’aube, les os déjà lourds de fatigue 


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 Comme si les mots pouvaient le sauver des bruits, de la souffrance, de la mort lente de la ville. » 

Les mots des livres déchirent tous les silences. Le lecteur est un prisonnier consentant, attaché à l’illusion que chaque page tournée le libérera.



Rachid Benzine


Né en 1971, Rachid Benzine est un intellectuel franco-marocain né le 5 janvier 1971 à Kénitra au Maroc. Spécialiste de l'islam, politologue et enseignant, il s'est également illustré comme écrivain à travers ses romans et ses pièces de théâtre. Il représente une voix majeure de l'islam libéral dans l'espace francophone. 


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