- Broché: 160 pages
- Editeur : Le Seuil (19 septembre 2017)
- Collection : DOCUMENTS (H.C)
- Langue : Français
Récit bouleversant. Cette passion que nous partageons au fil de nos billets, avec des motivations diverses, devient ici une raison de vivre, une arme de lutte, un combat contre le fanatisme et la folie et un remède au désespoir. Et la guerre, qui nous est exposée entre les statistiques de la croissance, les modalités du prélèvement des impôts à la source, et la température de l’eau sur les côtes, sur le même ton, (et ça c’est quand on daigne nous en parler), devient ici, par le biais des liens aléatoires que maintient l’auteur avec les héros qui arpentent les ruines de Daraya, la cité immolée une terrible réalité, si proche, si intense.
Le moindre ouvrage récupéré dans les décombres est un précieux trésor. Pas de débat ni de bagarre pour prôner ou rejeter l’utilisation du numérique : c’est une façon de récupérer des livres et de les ré-imprimer si besoin, lorsque de lecteur en lecteur, les pages déclarent forfait. Malgré la faim, la peur, l’omniprésence de la mort, le petit groupe survit, la bibliothèque devient le dernier refuge contre l’absurdité de la mégalomanie au pouvoir. On pense bien sûr, et Delphine Minoui y fait allusion , à Farenheit 451.
Quelle émotion de savoir que même au combat , les livres accompagnent Omar, une sélection méticuleuse pour ne jamais perdre de vue cette fenêtre sur la liberté.
Et le partage, l’éducation, les débats, sous les gravats, dans cette ville réduite à l’état de souricière, quel courage!
C’est aussi la honte, que les appels au secours à ceux qui détiennent le pouvoir, sans doute plus préoccupés à l’époque de mettre en place la campagne électorale, restent sans réponse, laissant les choses se faire sans même manifester le moindre soutien.
Et la tristesse aussi de voir bafouer les tentatives d’assistance humanitaires, aussi grotesques soient-elle dans leur inadaptation (du shampooing quand on manque de pain?).
C’est un récit qui marque, qui laisse des traces, par la gravité du sujet mais aussi par la grâce de l’écriture de Delphine Minoui, qui tisse entre le lecteur à l’abri des bombes ou du napalm, et ces survivants qui se réconfortent en tournant des pages, un lien puissant.
Face aux bombes , la bibliothèque est leur forteresse dérobée. Les livres, leurs armes de destruction massive.
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Dans ce sas de liberté qu'ils se sont créé, la lecture est leur nouveau socle. Ils lisent pour sonder le passé occulté. Ils lisent pour s'instruire. Pour éviter la démence, pour s'évader. Les livres, un exutoire . Une mélodie des mots contre le diktat des bombes.. La lecture, ce modeste geste d'humanité qui les rattache à l'espoir fou d'un retour à la paix.
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J'aime citer cette récente étude de la Banque :mondiale qui signale que les personnes qui lisent des livres vivent plus longtemps et sont plus heureuses. Les livres détiendraient-ils, sinon la clef du bonheur, du moins le pouvoir d'y faire croire.
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La guerre est perverse, elle transforme les hommes, elle tue les émotions, les angoisses, les peurs.quand on est en guerre, on voit le monde différemment. La lectures est divertissante, elle nous maintient en vie. Si nous lisons , c'est avant tout pour rester humain.
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Le propre de cet ouvrage est justement de raconter la fragilité de l'instant. L'inscrire dans l'épaisseur du temps et de la mémoire. Collecter les traces -même infimes, et parfois intimes- de ce présent , trop vite condamné au passé, qui s'efface à l'allure d'une bombe : dans des récits personnels, dans les pages des ouvrages qui ont été tournées, dans le creux de la guerre, dans les souvenirs individuels, les larmes et les rires.
Delphine Minoui, née en 1974, est une journaliste française spécialisée notamment dans le monde iranien.
Major de promotion du CELSA (section journalisme) en 1997 puis diplômée de l'EHESS en 1999, Delphine Minoui s'installe en Iran pour exercer sa profession. Correspondante de France Inter et France Info dès 1999, elle collabore à partir de 2002 au Figaro. Elle a également réalisé et collaboré à plusieurs documentaires.
En 2006, Delphine Minoui a été la lauréate du prix Albert-Londres pour une série d'articles sur l'Irak et l'Iran1.
Elle a écrit récemment sur Nojoud Ali, la première petite fille à avoir obtenu le divorce au Yémen.
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