Angélique Villeneuve
- Éditeur : Passage (27 août 2020)
- Langue : Français
- Broché : 236 pages
- Existe en version numérique
Un titre lumineux pour un roman qui ne l’est pas moins !
Angélique Villeneuve se penche sur le destin hors norme de la célèbre Helen Keller, aveugle, sourde et muette et qui, malgré ce lourd handicap deviendra universitaire !
C’est en 1882 alors qu’elle a à peine 2 ans , que l’enfant perd la vue et l’ouïe, autant dire les capacités de s’exprimer par le langage, atteinte à cette période de la vie où tout se met en place. La fillette devient une sauvageonne, indisciplinée, réagissant avec ce qui lui reste de capacités sensorielles pour explorer le monde, les odeurs et les sensations orales, dussent-elles se manifester par des morsures. C’est la persévérance d’Ann Sullivan, une éducatrice qui deviendra une véritable amie, qu’Helen apprendra à se socialiser et deviendra l’auteur et la militante que l’on connaît.
Son histoire a déjà été contée dans Miracle en Alabama, pièce de théâtre puis film et l’originalité du roman d’Angélique Villeneuve est de replacer du point de vue de la mère de l’enfant, en étau entre un amour fusionnel et une incapacité de contraindre pour faire grandir. D’autant que cette mère est une jeune fille de vingt ans, épouse en seconde noce d’un homme beaucoup plus âgé qu’elle, héritant ainsi de grands enfants, dans un ménage où il ne lui est pas facile de trouver sa place.
Le roman est également replacé dans son contexte historique, en cette fin de dix-neuvième siècle , avec des connaissances médicales balbutiantes et on mesure la chance, pour la jeune handicapée de bénéficier d’une méthode nouvelle et efficace pour la sortir de son isolement sensoriel. Une part de chance, mais aussi l’obstination de la mère, qui essaye tout ce que est possible et de l’éducatrice, dont le pari n’était pas gagné d’avance.
Transcrite avec une grande sensibilité et une évocation omniprésente du sensoriel, l’histoire séduit par sa délicatesse et son humanité.
Ça ne sert à rien de crier. À rien de l’appeler.
Et pourtant, dès l’instant où la petite s’est trouvée aspirée par le ventre griffu des buissons, elle appelle et elle crie. Comme si la masse des rhododendrons sauvages pouvait lui répondre, ou tout au moins recevoir sa plainte.
Elle se penche, bien campée sur ses jambes, ouvre grand la mâchoire et un son grave éclabousse ses dents, un mugissement de vache. Si quelqu’un la voyait ainsi. L’entendait.
Mais dans ce bois, c’est l’avantage, personne ne voit ni n’entend. C’est un endroit sauvage de sentiments sauvages. Kate ferme les yeux une seconde et elle lance de nouveau ce cri noir qui n’est pas un prénom. Puisque ce prénom est un leurre. Une suite de voyelles, rondes et féroces, à peine articulées, suffira pour cette fois comme pour les autres fois. Si elle y met assez de sa volonté, les branches daigneront peut-être recracher la lourde corolle de la robe, le tablier raidi de sauce et de beurre, les bottines mal lacées – et sa fille au-dedans.
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merci de votre beau billet! j'en suis très touchée.
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