Maylis Adhémar
- Éditeur : Julliard (20 août 2020)
- Langue : Français
- Broché : 304 pages
- Première sélection Prix Orange
Trois générations se succèdent, empruntant des itinéraires opposés, comme si à chaque fois les valeurs qui construisent un destin devaient être bafouées par les enfants.
C’est Sixtine qui ouvre le bal, si l’on peut dire, et si bal il y a, ce serait l’une de ces rencontres destinées à éviter que la progéniture n’aille se fourvoyer dans des mésalliances désastreuses pour les traditions. Et la tradition, ici, c’est celle d’une religion envahissante, jetant son ombre grise sur tout ce qui pourrait donner du sel à la vie. Si les jeunes filles se lancent dans des études, parfois prestigieuses, c’est pour mieux dégoter le futur père de leur nombreuse descendance, marquée du sceau de la convenance et des exigences d’un Dieu peu magnanime. C’est ainsi que Sixtine croise sur son chemin balisé Pierre-Louis, le gendre idéal. Mais rapidement la jeune femme va comprendre que l’homme qu’elle a épousé cache des tendances pour une idéologie extrémiste.
Les femmes ont une place bien claire dans cet échiquier. Ce sont les futures mères de nombreux petits croisés, mis au monde dans la douleur. De mère en fille, les transmissions ne laissent aucune place à l’empathie. Et pourtant…les lettres qui sont intercalées entre les chapitres consacrés à Sixtine laissent entrevoir un passé bien différent.
Le roman épingle sans concession les excès d’une religion dont les textes fondateurs sont interprétés, au mieux au premier degré, et au pire avec une intention claire d’asservir les adeptes. Comme dans la plupart de ces mouvements , le statut de la femme est celui d’une paria, qui porte en elle le péché originel et responsable de la concupiscence des hommes.
Sans jeu de mots, la mauvaise foi règne en maître au sein des fidèles, aveuglés par un discours manichéen et fermé.
Le roman est fort bien écrit et bien construit, et on reste au fil des pages suspendu au destin de Sixtine et au dénouement des recherches sur ses origines.
Et on n’écrit pas quand tout va bien. C'est faux. S’arrêter sur une feuille, un crayon à la main, est un acte réservé à ceux qui souffrent, à ceux dont l'émotion déborde, dont l'esprit, le cœur ou je ne sais quoi est complètement dépassé, incapable, submergé. On écrit pour se justifier aussi. S’excuser ou se trouver des excuses. C'est ce que je fais aujourd’hui.
*
Sixtine réapparaît un temps sur le perron. On se presse autour d'elle. La veuve est la plus importante. Mais la veuve est absente. Elle ne répond pas, ne sourit pas, ne pleure pas. La veuve est loin. Si loin qu'ils ont bientôt oubliée.
*
Et moi, je fais quoi de toutes ces lettres ? Je les brûle, j'oublie, je pleure. J'aurais du m'arrêter plus longuement sur cette dernière lettre reçue en juin dernier : « vous devez sérieusement songer à vous convertir et à changer de vie pour vous tourner vers le Seigneur si vous souhaitez que nous gardions un lien. »
Après un bac agricole, elle renonce à devenir bûcheronne pour suivre des études d'histoire. Elle a été professeure de français en Chine, campeuse en Patagonie et stagiaire dans de nombreuses rédactions.
Depuis 2010, elle vit à Toulouse où elle travaille en tant que journaliste indépendante, notamment pour le magazine 'Ça m’intéresse'. Elle anime également des ateliers d'initiation au journalisme pour les jeunes en territoires ruraux.
Bénie soit Sixtine est son premier roman
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