Agnès Michaud
- Éditeur : Belfond (4 février 2021)
- Langue : Français
- Broché : 448 pages
- Première sélection Prix Orange
Ce roman historique fait partie d’une série, qui a débuté avec La fabrication des chiens 1889. On retrouve donc dix ans plus tard le narrateur, Louis, flanqué de son fidèle Mégot, un chien issu d’une lignée bigarrée, mais qui se distingue par sa capacité à livrer des pinceaux !
En cette année 1899, tous les regards sont tournés vers Rennes : en effet c’est dans la capitale bretonne que se déroule le houleux procès de Dreyfus, qui fait la une de l’actualité et sépare le pays en deux camps ennemis.
Mais Louis vit à Paris, cette ville crasseuse, bruyante où les progrès techniques bousculent les habitudes et les chantiers multiples de l’Exposition universelle font beaucoup parler. Les bicyclettes, ente autres, modifient les règles de la prudence dans les rues où commencent à apparaitre quelques automobiles.
Louis évolue avec aisance dans son monde peuplé de peintres, d’écrivains, de musiciens, parfois encore en devenir. Et ses nuits sont hantées par la belle Claire, objet de ses tourments.
Autre catégorie de personnages importants, annoncés dans le titre : les chiens ! Ils semblent plus nombreux que les humains, et hormis Huysmans, amoureux des chats, on s’affiche avec son animal sélectionné sur des critères obscurs mais riche d’indices sociaux concernant son propriétaire.
Le roman fait la preuve d’une documentation énorme sur ce qui a caractérisé cette année 1899, tant que le plan politique qu’artistique. La montée de l’antisémitisme, les inquiétudes autour d’une future guerre, le développement industriel, rien ne manque.
On peut être un peu perdu lorsque l’on n'a pas les pré-requis historiques, et si l’on ne se retrouve pas dépourvu lorsque l’on croise Proust ou Debussy, d’autres personnages qui n’ont pas laissé de traces aussi marquées sans l’histoire, restent des mystères.
L’auteur se moque aussi des travers de l'époque, soulignant l
es tics de langage, mais en cela rien de spécifique à l’année 1899
L’écriture est vivante, émaillée de nombreux dialogues, et l’ensemble se lit sans déplaisir.
Être obligé de s’enfermer à nouveau dans ces boîtes à dominos qu’on appelle pompeusement immeubles d’habitation ? Coincé entre des femmes s’hystérisant sur des pianos et des mioches tracassant des chaises sur des parquets ? Non, Merci. Je reste ici.
*
La nature, ça m’emmerde. Des fleurs qui embaument le vieux fond de tonneau, des arbustes qui sentent la pharmacie d’hospice. Et les oiseaux ? des raseurs.
- Dites donc, niveau merde, on ne déborderait pas un peu ? Jamais entendu aussi fosse à purin que cette conversation ! Nous y voilà ! Le retour du bon vieux petzouillage !
-Ha, ha ! Vous me faites toujours rire, Louis, et sans aucun emmerdement !
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La province, c’était la stabilité, les arbres centenaires et les murets tenant le coup depuis le Moyen Âge, c’était l’ordre éternel et la lenteur, un rythme qui obéissait à la course du soleil et à la succession des saisons. La province, c’était la frugalité, le presque rien, l’essentiel, le beau gratuit de la nature.
*
La mort de Félix Faure, le grand machin Dreyfus, la typhoïde, les sinistres Voulet-Chanoine, Paris tout défoncé par les chantiers de l’Exposition, le fort Chabrol, la peste ! Ah, on s’en souviendra de cette fichue année 99 ! conclut Morin sur un dernier coup de brosse.
*
Ce que je cherche ? Pas l’histoire. Le réel. Les êtres tels qu’ils furent. Le mouvement du temps. Les êtres dans le mouvement du temps. C’est pour cela que je redresse les morts. Pour voir le mouvement en entier. Pour dessiner le grand tableau. Je redresse les morts, je ramène à la vie. Le temps ne me volera rien si je garde la mémoire. Le temps ne me volera rien car, quand je me souviens, tout est.
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