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Le mal-épris ⭐️⭐️⭐️⭐️

 Bénédicte Soymier




  • Éditeur : Calmann-Lévy (6 janvier 2021)
  • Langue : Français
  • Broché : 336 pages
  • Première sélection Prix Orange






Il est minable. Pas beau, mal fringué. Et ce n’est pas un délit de sale gueule, car en plus il a ce petit quelque chose malsain qui vous met mal à l’aise. Impossible de déceler la moindre parcelle de beauté intérieure. Conséquence logique : il est seul, dans un appartement confortable d’où il peut fantasmer en regardant la belle Mylène sa voisine. L’idylle sera de courte durée, Mylène comprend vite son erreur. Par contre, Angélique, sa collègue semble une proie plus facile.  Seule avec un enfant , elle cède à la demande de Paul. Et emménage avec lui. 


Le duo victime-prédateur est parfaitement restitué. Chacun reproduisant un fonctionnement délétère, calqué sur des schémas qui font partie de leur histoire personnelle. On déteste le type, et on a juste envie de secouer la demoiselle pour lui ouvrir les yeux. 


La narration est menée avec une maîtrise remarquable. Des phrases courtes qui illustrent bien le fonctionnement impulsif et à court terme de cet homme gouverné par ses pulsions. 


Le scénario est bien rodé, et reproduit avec fidélité ce fonctionnement prédateur-proie, promis dès les premiers échanges à une issue délétère, avec une violence qui s’auto-alimente et un cercle vicieux dont il est difficile de rompre  l’enchaînement. Les remords sont des vérités brèves qui l’instant d’un « plus jamais » annihilent toute volonté de s’extraire de cet enfer quotidien. 


Premier roman abouti, dont on aimerait que les personnages ne soient que des caricatures.



J'ai écrit ta vie Paul, comme je la connais, ton quotidien sur ces jours qui s'échappent, ce que tu affrontes, les regards et le reste, jusqu'à la bascule. J'ai raconté ce que j'ai vu et entendu, de toi et d'un autre, un Paul, un mec, un homme, peu importe le nom, je t'ai écouté, côtoyant ta peine et la douleur des tiens, des silences, des paroles, parfois un flot qu'on ne peut interrompre. Ce sont des histoires qu'on me donne ; elles se ressemblent ou non, se répondent, se poursuivent, je les reçois et c'est la vie, Paul, tu sais, sans concession, du vrai, du trash, des pensées méprisables et  l'inacceptable.

*

La route défile sur un album de Bashung que Paul a les glissé dans le lecteur et sur les mots qu'ils échangent. Elle file sur leurs doutes de se savoir ensemble pour quelques heures sans vraiment se connaître, la crainte de déplaire, le risque d'échouer. Chacun se tend malgré lui, cherche matière à paroles pour éviter les silences, ces espaces où l'inquiétude se met à germer puis taraude, des blancs qu'il faut remplir autrement que par la météo.

*

Le matin le saisit par surprise. La grisaille moutonne dans le ciel en nuages bas, à l'image de l'humeur de Paul dont elle agresse les paupières. Péniblement, il cligne des yeux. Sa tête sonne, sa langue lui colle au palais et il pue. Le constat l'afflige. Il ne comprend décidément rien et reproduit à l'infini les travers dont il critique les effets, lui qui s'est cru différent, homme solide, loin de ces bêtes de comptoir alcoolisés. Il fuit dans la beuverie sachant qu'elle reste vaine–idiot pourtant aguerri–et perd le sens de la réalité. Angélique est partie, bien fait, il faut qu'il bouge et se reprenne.




Infirmière, Bénédicte Soymier exerce dans le Doubs.
Lectrice éclectique, passionnée de littérature, elle partage ses avis de lecture sur son blog Au fil des livres. "Le mal-épris" est son premier roman. 











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