Alexandra Matine
- Éditeur : Les Avrils (6 janvier 2021)
- Langue : Français
- Broché : 256 pages
- Première sélection Prix Orange
Dès les premières lignes, on sait quoi s’en tenir sur le futur proche d’Esther. Sa vie est suspendue à la décision de la famille, et surtout celle du père, censé avoir les compétences requises, en sa qualité de médecin.
On apprend alors qui est Esther, cette femme qui souhaite que le repas de midi se déroule dehors, à l’ombre d’un parasol, en compagnie de ses quatre enfants et de leurs familles. Il fait très chaud. Sa plus jeune fille et l’un de ses fils ont appelé pour décommander. Alors Esther se souvient, ressasse et raconte l’histoire de cette tribu dispersée et divisée. Sa vie d’épouse soumise, auprès d’un mari qui doit se rassurer en affirmant haut et fort qu’il est un bon médecin, et que ses patients ont de la chance. On comprend peu à peu les failles et les blessures qui ont fragilisé un édifice construit sur du sable.
Le roman s’ouvre sur une évocation de l’incipit de l’Etranger. Et se poursuit sur un récit qui évoque le sublime roman de Virginia Woolf Ms Dalloway. Il y manque cependant la grâce, sous-tendue par la fragilité de l’écrivaine anglaise.
On ressent à la lecture l’ennui de l’héroïne et le poids d’un quotidien subi. Le personnage du mari est très antipathique mais rien ne laisse entrevoir une issue favorable, même pas celle de réunir ses enfants pour un repas partagé. C’est sombre et assez désespéré. Un bilan d’échecs programmés.
Même si cette histoire est hélas le reflet de bien des situations familiales où les non-dits se sont cristallisés en impasses affectives délétères, je n’ai éprouvé peu d’empathie pour ces personnages, voire de l’inimitié pour certains, et cela m’a laissée à distance du propos.
De retour du marché, elle pose son panier chargé de courses jusque dans la cuisine. Le hisse sur la table en Formica. Elle sort immédiatement les quatre poulets, le met au four à température basse pour le garder au chaud. Elle espère qu’ils se seront pas trop cuits. Elle espère qu’ils ne seront pas trop secs.
*
Aujourd’hui, Esther va mourir. Ou demain. Ou dans quelques jours. On ne sait pas.
*
Dans l’appartement noir où les rares lampes creusent le spoches de lumière jaune, l’enfant est au milieu des adultes elles adultes le regardent, lui lancent des chiffres. Il faut multiplier, ajouter, soustraire. L’enfant est calme. D’apparence calme. Mis tapie dans son ventre, il y a comme une bête. Un monstre qui mange l’intérieur de son ventre. Une angine qui le force à accélérer, qui lui donne envie de s’enfuir. De retrouver les fils doux et les fils rêches du tapis, de retrouver son cheval et son sabre et son habit de brocart et de partir, loin. Loin des adultes qui le regardent.
Alexandra Matine est diplômée de Sciences-Po.
Elle commence une carrière de journaliste à Londres avant de s'installer à Amsterdam, en 2014, où elle travaille pour Netflix.
En perdant sa grand-mère, elle prend conscience de la fragilité des liens familiaux et des pièges du non-dit.
Elle compose alors "Les Grandes Occasions" (2021), son premier roman (éd. Les Avrils).
J'ai aimé ce livre où l'on peut retrouver à des degrés divers des éléments de notre propre histoire.
RépondreSupprimerTout n'est pas négatif et c'est vrai que cela renvoie à des choses possiblement vécues dans toutes les familles.
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