Akli Tadjer
- Éditeur : Les escales éditions (4 mars 2021)
- Langue : Français
- Broché : 336 pages
- Première sélection Prix Orange
L’amour, il l’a trouvé Adam, dans les yeux de la belle Zina, et ils vivront ensemble dans la petite maison construite par ses soins et baptisée la Clef par la future épouse. L’avenir semble radieux, même si l’atmosphère générale devient lourde dans le pays, où les communautés religieuses, roumis, musulmans et juifs s’isolent peu à peu. Et puis arrive la catastrophe tant redoutée, la guerre déclarée par la France vient cueillir une jeunesse qui n’a rien à voir avec ce conflit. La désertion s’impose, mais impossible d’échapper à l’exil pour aller combattre en première ligne. Pour Adam ce sera la Drôle de guerre puis le camp de travail…
En parallèle avec le déroulé de l’histoire, le ressenti d’Adam vis à vis de cette injustice sans nom apparait au fil des lettres qu’il écrit à sa belle sur un petit carnet rouge qui ne le quitte pas.
C’est très riche en émotion et propice à inspirer une révolte sourde contre l’absurdité de la guerre en général et donc de ceux qui la commanditent, envoyant sur le front des êtres humains juste bons pour être de la chair à canon, avec en plus pour l’absence de reconnaissance posthume, qui bien qu’hypocrite, reste un geste de mémoire. Pour les soldats des colonies, même pas une mention sur les listes de morts pour la France.
Le roman s’attache aussi à faire le lien entre les trois monothéismes, en y ajoutant un peu de bouddhisme, à travers les échanges des amis d’infortune.
C’est avec une écriture simple et avec beaucoup de tendresse et d’empathie que le périple de malheur des personnages est évoqué, pour ce roman certes désespérant mais malgré tout lumineux .
A noter : le clin d’oeil à la chanson de Reggiani, Les loups.
Puis, après un temps de silence, parce que je cherchais mes mots, j'ai dit que je pensais que la colonisation était l'enfer, je m'étais trompé, elle n'en était que l'antichambre. Après avoir vu des paysages noyés sous des pluies de chagrin, des villages avalés par les brouillard, des enfants égarés dans des nuits de feu, des morts livrés aux chiens errants et nous, pauvres soldats d'Algérie ignorés de tous alors oui, après avoir vu tout cela je ne pouvais plus continuer de croire, comme avant, aux paroles de paix et d'amour de notre créateur.
*
Un merle s'est posé sur le rebord de ma fenêtre, il se moque du bruit de bottes, des absurdité de la guerre, des Frontstalags et de mes souffrances ; il est bien au-dessus de tout ça. Il me chante la liberté. Écoute comme c'est beau.
*
Les Allemands sont passés par où ? Rappelle-moi.
–Soit par Issy, soit par Ivry…
C'est bien ça Adam. Tu as toujours été très forte pour retenir mes leçons.
–Par Ivry, il y avait des divisions de blindés…
J'ai reculé et j'ai refermé la porte de son appartement sur Issy et sur Ivry.
*
Tariq est parti pour d'autres horizons. Il est agent de la Gestapo. Avec ses nouveaux camarades, il va créer les brigades nord-africaine. Avant de me dire adieu, il m'a fait cadeau de son laissez-passer allemand. Je m'en suis voulu de l'avoir accepté. J'avais le sentiment de trahir ma morale. A y réfléchir, c'était mettre de la morale là où il n'y en avait pas. La guerre n'est pas une question de morale, juste une question de survie pour les petites gens comme moi.
Il est l'auteur de plusieurs romans primés.
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