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Le soldat désaccordé ⭐️⭐️⭐️⭐️

Gilles Marchand
















Les tranchées, il n’aura guère la malchance d’y passer quatre ans d’horreur, à condition de survivre. Non, rapidement, il est privé d’une main, la guerre est finie pour lui. Du moins celle qui détruit les corps et les âmes. Il y participe cependant, à l’arrière, se nourrissant malgré tout de l’illusion de servir son pays. 


Quand l’armistice est signé, il faut s’adapter à la vie civile, malgré le handicap. Il se consacre à des missions de recherche, tant le carnage a brouillé les cartes et laissé le doute sur le devenir des soldats disparus. 


Le soldat Joplain manque à l’appel. Sa mère est persuadée qu’il est vivant, comme le sont très souvent les proches, qui ne peuvent accepter le verdict fatal. Le soldat était un poète amoureux d’une jeune fille humble. Si certains s’en souviennent, l’affaire est délicate. D’autant que la mère souhaite que cette piste soit ignorée.


Comment transformer un récit de guerre en un conte pétri de poésie, et doublé d’une enquête quasi policière ? C’est toute la magie du pouvoir des mots maniés par Gilles Marchand. Et pourtant la guerre est là, évoquée sans voile dans toute son horreur. Mais sur le terrain, la fille de la lune tend une main éthérée aux poilus agonisants. 


La langue est inventive, riche et travaillée :


« En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça électroménageait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça mistinguait. L’Art déco flamboyait, Paris s’amusait et s’insouciait. Coco Chanélait, André Bretonnait, Maurice Chevaliait. »


Une vraie réussite pour ce court roman, dans lequel on retrouve le style Gilles Marchand, pour un grand bonheur de lecture .


207 pages Forges de Vulcain 19 Août 2022 










« En 1925, la France fêtait sa victoire depuis sept ans. Ça swinguait, ça électroménageait, ça jazzait, ça cinématographiait, ça mistinguait. L’Art déco flamboyait, Paris s’amusait et s’insouciait. Coco Chanélait, André Bretonnait, Maurice Chevaliait. »


*


C'était la guerre. Un vrai boxon du diable. On allait pas s'arrêter à chaque fois qu'il y avait un truc bizarre ! Il y avait de tout dans les tranchées : des corps sans tête, des bouches sans personne, des morceaux de canassons, des extraits d'hommes et j'en passe. Une horreur.


*


J'ai pris un train et j'ai marché jusqu'à un joli petit village qui venait d'inaugurer un joli monument aux jolies morts de la jolie guerre. Il en fleurissait partout. C'est à qui aurais eu le plus beau, le plus le plus grand, celui avec le plus de noms. J'avais même entendu des histoires de villages qui se battaient pour savoir à qui appartenait les morts. Des paysans qui avaient habité entre deux communes étaient devenus importants grâce à leur dépouille patriote.





Gilles Marchand est un écrivain, romancier et nouvelliste et éditeur.

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