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Glaise ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Franck Bouysse











Les fermes se dépeuplent en ce début de vingtième siècle. Les hommes valides partent au front , laissant derrière eux les terres au soin des femmes et de ceux que leur âge ou leur piètre condition physique exempte de la boucherie future. 

La vie est rude, les travaux pénibles. Pas de place pour les sentiments, jamais dits, fussent-ils éprouvés. 


Deux femmes de la ville trouvent refuge au coeur de cette campagne hostile. Mère et fille sont accueillies plus pour leur contribution financière que pour les liens familiaux qui les rattachent aux fermiers. Deux bouches quasi inutiles à nourrir. Pourtant c’est ici qu’Anna découvre la chaleur du sentiment amoureux, dans les bras de Joseph que ses quinze ans ont mis à l’abri du combat. Sous le regard hostile et inquiétant de Valette, l’oncle de la jeune fille, réformé pour avoir perdu accidentellement l’usage d’une main, animé d’une colère et d’une frustration permanente, le jeune couple tente de vivre cet amour naissant.



C’est sous un soleil ardent que se déroule cette sombre histoire familiale, dans un décor rural âpre et abrupt. Le contraste des personnages, de la naïveté obstiné de Joseph, et de la perversité malsaine de Valette construit un cortège romanesque prenant. On vit avec Anna l’angoisse de la menace permanente du fermier.


En arrière-plan, la guerre, vue sous l’angle des modifications profondes des rôlesour les femmes qui se retrouvent à la tête des exploitations, sans toutefois prétendre à une émancipation quelconque. 


Dialogues minimalistes, comme le sont ceux des taiseux, description minutieuse de ce que la nature peut offrir au regard  de celui qui veut l’observer, le roman constitue une incroyable immersion au coeur d’ une nature du temps passé, avec une connaissance du milieu bluffante. 



448 pages Le livre de poche 26 septembre 2018








En ces temps de renaissance, les hommes ne se penchaient pas sur la terre, c’était elle qui se penchait sur eux, qui les prenait, même s’ils n’en voulaient rien savoir. La terre globale et primordiale, qui s’amusait de ces vassaux temporaires, de leur simple obstination à vouloir durer plus que leur vie en transmettant au mieux quelques arpents arides crachés par la roche mère. 


*


Un sphinx allait et venait autour d’un pied de digitale, infatigable colibri poudreux à la trompe suppurante de nectar, minuscule ivrogne incapable de se résoudre à quitter la source de son plaisir. Plus loin un loriot chantait, invisible. Un autre lui répondait, tout aussi invisible. Puis ils se turent. Toutes ces vies simples, aux fonctions si évidentes, donnaient en temps normal la sensation à Joseph d’être l’envers d’un homme, une forme directement liée à la nature et, maintenant que son père était parti, elles ne lui apparaissaient plus comme telles, et il prenait conscience qu’il allait devoir apprivoiser différemment l’univers amputé de la part tendre de l’enfance. Devenir un homme avant l’âge d‘homme. 



Franck Bouysse est un auteur français né en 1965 


Du même auteur : 


Né d'aucune femme 


Buveurs de vent


Grossir le ciel


Des saisons et une rose


Plateau


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