Salomé ⭐️⭐️⭐️

 Agathe Chenevez 

Salomé et Clara sont cousines, toutes les deux passionnées par le théâtre. Lorsque Salomé propose à Clara de rejoindre sa troupe, qui joue L’annonce faite à Marie, le temps d’un remplacement, Clara ne perçoit pas immédiatement ce piège tendu. Car si le remplacement évolue vers un rôle officiel, la relation entre les deux femmes devient extrêmement tendue. Salomé plagie le moindre commentaire de sa cousine et surtout se plaint autour d’elle de l’attitude odieuse et des préjudices qu’elle subit de la part de Clara. Celle-ci est rapidement mis au ban de sa famille et des autres comédiens, alors que même si elle est la narratrice, il semble bien malgré tout que le personnage toxique, la lèpre sont il est question dans la pièce de Claudel, soit le fait de Salomé.

Si en tant que lecteur on est révolté par ce que dit subir Clara, l’analyse psychologisante qu’en fait l’autrice peut laisser à distance, que ce soit dans l’auto-exploration de sa psyché ou par l’analyse d’une charmante vieille dame sur un banc toulousain. Les mécanismes de la jalousie sont décortiqués et plongent loin dans l’histoire des deux jeunes femmes.

On y rencontre de beaux personnage secondaires, une belle histoire d‘amour s’insinue dans les pages. 

Eclosion d’un talent théâtral et d’une maturité qui fera sortir Clara de sa personnalité d’enfant, engluée dans des malentendus ou de véritables traumatismes enfouis, ce roman est une cheminement de rédemption, où le contenu de la pièce jouée par la troupe est une sorte de révélateur. 

Un premier roman réussi, et qui réjouira les amateurs de théâtre classique. 

Merci à Netgalley et aux éditions de la Martinière

208 La Martinière 29 août 2025 

#Salomé #NetGalleyFrance

Je comprends, accoudée au rebord de pierre, avec mon bonheur triste, que ce qu'il y a de sacré en l'homme ou en la femme, dans la hanche, et la côte, ce n'est pas la clarté davantage que l'ombre, ou l'ombre davantage que la clarté. Mais à tout moment, cette faculté, originale et nue, de choisir et d'aimer, ou de ne pas aimer, l'une ou l’autre.

 

Agathe Chenevez est une autrice française. 

Après Le temps d’une allumette, Salomé est son deuxième roman.@

Bilan août 2025

 

Les éléments ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️❤️

 John Boyne 

Pour les fans de l’auteur : aucun hésitation, c’est sans doute l’un des meilleurs. Pour les autres, qui ne connaitraient pas. : une excellente occasion de le découvrir !

Les Éléments, que le titre anglais énumère, nous entrainent d’abord sur l’eau, ou plus exactement dans un paysage entouré d’eau, la meilleure façon de mettre de la distance avec un passé lourd que l’on cernera peu à peu. En arrivant sur l’île, Anna change de nom et coupe ses cheveux très courts. Elle apprivoise peu à peu les lieux et les habitants loin de tout, et surtout de ce qui la blesse sans répit. 

Changement de décor pour la deuxième partie, mais sans perdre cependant un fil précieux, puisque personnage central a déjà été entrevu lors de la première partie. Mais c’est une autre histoire, une histoire  de viol, et un procès, dont on lit la plaidoirie de la défense quasiment en apnée.. 

Pour la troisième partie, on a compris l’astuce et c’est donc sans surprise que l’on retourne l’une des jurés du procès précédemment rapporté, le Dr Freya, qui consacre sa vie professionnelle aux grands brûlés (le feu). Quant à sa vie personnelle, elle n’est pas simple…

Enfin c’est dans les airs que sur termine le roman, en compagnie de Aaron, que l’on sait rapidement situés dans la communauté de ces personnages si forts… 

Outre l’intensité dramatique de chaque histoire qui vous happe sans crier gare, la construction de ce roman est absolument géniale. Malgré la complexité de a trame, jamais on est perdu. Et malgré une lecture attentive, on peut se faire piéger sur des détails qui vous fourvoient, et vous laisse béats de surprise…

Un excellent roman de l’un de mes auteurs fétiches, qui reprend là ses thèmes de prédilection avec un talent fou. De la grand littérature.

512 pages Lattès 20 août 2025

Nous sommes composés d'eau. Nous la buvons. Nous sommes attirés par elle tout au long de notre vie, plus que par les montagnes, les déserts ou les canyons. Mais elle est terrible. Elle tue.

 

John Boyne est un auteur irlandais. 

Il étudie la littérature anglaise au Trinity College de Dublin et l'écriture créative à l'université d'East Anglia, située à Norwich, où il reçoit le prix Curtis-Brown.

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La vie en fuite 

Physiquement ⭐️⭐️⭐️

 Sasha Georges

D et Lala. Frère et soeur, ils vivent en Bretagne. On ressent immédiatement la préférence  que la mère ne cache pas pour sa fille, lycéenne brillante. Le peu d’ambition de D., abandonnant l’idée de poursuivre des études après le bac, pour travailler en supermarché conforte cette position. 

« Il lui avait fallu en rabattre quant aux espérances qu’elle plaçait en son fils, puisqu’il avait décidé de zoner à la campagne »

Mais D. envisage de tenter de nouvelles expériences et quitte le bord de mer pour aller à Paris, en coloc avec une ancienne camarade de lycée. Il découvre le féminisme, le monde queer, et tente de s’assimiler à ce milieu. 

Mais Lala découvre une autre facette de la personnalité de son frère dans la chambre d’ado de celui-ci. Une découverte qui va bouleverser profondément leur relation et peser lourd sur l’avenir de Dorian. Celle qui désormais est nommée Paula ne pourra pas lui pardonner.

L’évolution du personnage est intéressante. Le questionnement et la volonté de se conformer aux codes du milieu qu’il découvre est très bien restitué, et l’on est convié à découvrir le fonctionnement et la logique des militants. 

En revanche le personnage de D. me pose question. Le chapitre inaugural met en scène un événement violent, qui laisse présager de la part de D autre chose que cette indétermination et cette personnalité mouvante  et opportuniste. Je m’attendais d’autre part de trouver une sorte de rappel de l’épisode dans le destin de D. Ce qui n’est pas le cas. Or lorsque le forfait de D. est découvert par sa soeur, l’ïmage de victime que Dorian veut offrir en implorant le pardon, la prescription, ne colle pas. Ou alors, il est en fait un personnage machiavélique, ce que l’on ne ressent pas. 

Hormis cet écueil, ce premier roman présente des facettes tout à fait intéressantes à découvrir. 

Merci à Netgalley et aux éditions Julliard.

240 pages Julliard 28 août 2025

NG 68 

#Physiquement #NetGalleyFrance

Quelle mère j'ai été pour eux, au fond du fond, je n'en sais rien, car on ne sait jamais, car on répond à la question, quand on se la pose, en pensant au seul aspect où on est bien sûr d'avoir eu tout bon, et pour le reste on regarde ailleurs, on prend soin de ne pas s'attarder sur les attitudes indignes, qu'on a eues, tranquillement, sur les choix honteux qu'on a tranquillement  fait avec ses enfants,

* 

« Il lui avait fallu en rabattre quant aux espérances qu’elle plaçait en son fils, puisqu’il avait décider de zoner à la campagne »

Sasha Georges vit et travaille à Paris. Physiquement est son premier roman.

Nulle part où revenir ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 Henry Wise 

Lorsque l’on fait connaissance avec Will, adjoint au Shérif d’une petite ville de Virginie, qui vit des plantations de tabac, il vient d’accomplir un geste aussi dangereux qu’héroïque, sortant des flammes de sa maison le cadavre de Tom, ce qui permettra de constater que sa mort est liée à un homicide et non à un simple accident domestique. Au même moment, un homme fuit les lieux, devant ainsi le suspect principal. Pourtant Will ne peut pas croire que Zeke soit l’assassin, malgré ses empreintes relevées sur le cadavre. D’ailleurs la manière expéditive dont le shérif se saisit de l’occasion pour coffrer le vieux Zeke le confirme dans l’idée que la vérité est bien plus complexe, qu’une simple affaire de dettes de jeu. 

Will finira par se faire mettre sur le banc de touche, pour sa propension à remuer des affaires sensibles. Qu’à cela ne tienne, la mère de la victime a fait appel à une détective privée et c’est ce couple de parias de la police qui va s’attaquer au problème de fond, quitte à déterrer de vieux fantômes. 

L’intrigue simple au départ, va se révéler peu à peu dans toute sa complexité. C’est dans la génération précédente qu’il faut chercher ce qui a déclenché une omerta, qui masque autant de trahisons que de serments fondés sur des remords. 

Bien d’autres personnages hantent les lieux, Hannah la mère trop tôt disparue de Will, Sam son copain d’enfance devenu junkie à la suite d’une agression  dont Will se sent responsable, Dan et Cherry les ennemies  qui se disputaient l’amour de Tom, Bill le père de Will, chacun portant son lot  de secrets qui sont la clé de l’histoire.

On est vite pris dans cette intrigue, pas une minute d’ennui pour cette lecture tonique, qui n’en rajoute pas sur le macabre mais nous entraine dans les méandres tortueux de l’âme humaine, chez des êtres dont le destin est parfois écrit avant même leur naissance pour le pire plus que pour le meilleur.

Merci à Netgalley et aux éditions Sonatine 

544 pages Sonatine 28 août 2025

#Nullepartoùrevenir #NetGalleyFrance

Traducteur : Julie Sibony

Titre original : Holy city 

On croit qu'on déteste la souffrance, mais on ne peut pas s'en défaire. Demande-toi s'il ne s'agit pas d'avantage de soigner ta culpabilité que d'obtenir justice. Rien ne pourra réécrire le passé.

*

Le feu fut le rêve qui le brisa. Aussi raide  qu'un chat mort, il chercha à tâtons la crosse de son pistolet sous le siège et se détendît. La triste nuit lui revint en mémoire, une parmi tant d'autres semblables, à rouler sans fin en écoutant la parole rageuse de Dieu, entre de légers grésillements, une voix étonnamment austère et intime à la fois, qui semblait s'adresser directement à lui, avec une certitude mordante.

Henry Wise est poète, photographe et essayiste.

Il est diplômé de l'Institut militaire de Virginie et titulaire d'un MFA de l'Université du Mississippi. "Nulle part où revenir" ("Holy City", 2024), son premier roman, a obtenu le prix Edgar Allan Poe - Meilleur premier roman d'un auteur américain 2025.

Aimer ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️❤️

 Sarah Chiche 

Elle a dix ans dans les années 80. Loin des soubresauts de la politique mondiale, elle vit avec sa mère à Bellevue, dans près du lac et de Genève. Mais ne parlons pas de l’insouciance  de l’enfance. Ce jour là sans l’intervention du père d’Alexis, sa vie aurait pris fin dans les eaux sombres au delà du ponton. Une connivence sans mots, deux initiales gravées sur un tronc, des événements insignifiants qui marquent toute une vie.

Des années plus tard Alexis, après avoir suivi la voie royale, est sorti de Polytechnique pour travailler dans un laboratoire pharmaceutique, qui inondera les États-Unis d’un médicament qui après avoir soulagé pour un temps la douleur, transformera ses utilisateurs en zombies. Pas d’état d’âme pour ce surdoué des chiffres, focalisé  sur les parts de marché, 

« fidèle à ce principe qu’il s’était forgé comme un axiome : ne jamais laisser les aléas des sentiments contaminer l’élégance mathématique de sa vie ». 

Il fera sa vie avec Adèle, une transfuge de classe, aussi rigide dans ses principes que lui. Un couple bien assorti, mais dont la solidité apparente n’est qu’une histoire de décor. Que tombent les fastes que permet la richesse, et l’amour abandonne son masque de félicité.

Au fil de son errance professionnelle, Margaux rencontre un sociologue qui devine en elle l’écrivaine qui s’ignore. Hagauer sera son mentor, son exécuteur des tâches quotidienne pour lui permettre d’écrire. 

Il faudra des années pour que’Alexis et Margaux se retrouvent ….

Un résumé qui ne reflète pas le foisonnement de ce passionnant roman. Centré sur des personnages qui portent en eux toute la quintessence des cinquante dernières années, et qui dit la mainmise de nos institutions pour guider nos vies vers des choix que l’on fait avec l’illusion de gouverner notre destinée.

Comme d’habitude, l’écriture m’a emportée par son élégance, qui reste cependant très accessible tout en procurant par moment une extase devant la beauté de l’écrit.

Et j’ai particulièrement adoré la fin avec sa lueur d’espoir

Coup de coeur de cette rentrée !

Merci à Netgalley et aux éditions Julliard

261 pages Julliard 20 août 2025

#Aimer #NetGalleyFrance 

Margaux ne cherchait pas de consolation dans les livres. Elle cherchait une confrontation avec une beauté, impossible à atteindre. Et c'est précisément dans cet effort, dans cette tension, inaccessible, qu'elle trouvait la force d’exister.

*

Ce qu'il n'avait pas prévu, c'est que Les écrivains sont des monstres d'égoïsme, et qu’il y a une chose plus redoutable qu'une femme au bord de la folie, c'est une femme qui transforme sa folie en littérature

* 

Tandis qu'il descend l'escalier, tandis que par cuit dans son étuve de juillet, derrière chaque fenêtre de chaque immeuble, se joue la sempiternelle, comédie des vies qui s'effiloche ou ce renouent – ici, une femme quitte son mari en emportant ses livres préférés, là, un enfant ouvre les yeux sur un monde qui ne comprendra que trop tard,  ailleurs, un homme contemple, une dernière fois, ceci qui l’indiffère déjà, et partout, des êtres qui s'aiment ou se déchirent, qui se retrouvent ou se séparent, pendant que le soleil monte, inexorablement sur les ardoises des toits, que les drapeaux olympiques pendent, dérisoires, dans l'air brûlant, et que des athlètes du monde entier, poursuivent leurs rêves de gloire éphémère–, mais dans cet appartement, qui qui à peine semblable temps ou autre, le temps vient de suspendre sa course, laissant deux êtres contempler ce qu'ils ont gagné, ou perdu peut-être

Née en 1976, Sarah Chiche est écrivain, psychologue clinicienne et psychanalyste.

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